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Chômage : qu’entend-on par « montant des revenus bruts à rembourser en cas de perception indue d’allocations » ?

Commentaire de C. trav. Bruxelles, 18 mai 2017, R.G. 2014/AB/842

Mis en ligne le lundi 18 décembre 2017


Cour du travail de Bruxelles, 18 mai 2017, R.G. 2014/AB/842

Terra Laboris

Par arrêt du 18 mai 2017, la Cour du travail de Bruxelles, s’appuyant sur les commentaires de l’ONEm, considère qu’il y a lieu de limiter les sommes à récupérer, lors d’une activité exercée en qualité de travailleur indépendant, à concurrence du net imposable.

Les faits

Un bénéficiaire d’allocations de chômage se voit notifier une décision d’exclusion avec récupération et sanction de suspension au motif qu’il a bénéficié d’allocations de chômage temporaire mais a effectué parallèlement une activité d’indépendant pour son compte propre.

Il a un emplacement fixe à la gare du midi.

Il lui est fait grief, pour ce qui est du montant de la récupération, de ne pas apporter la preuve de ses dires, étant qu’il ne travaillerait que certains dimanches. L’ONEm constate qu’il ne peut dès lors limiter la récupération et lui notifie un indu de l’ordre de 8.000 euros.

L’intéressé introduit un recours, demandant à ce que sa bonne foi soit reconnue et que la récupération soit limitée en conséquence.

Par jugement du 25 juin 2014, le Tribunal du travail de Bruxelles fait partiellement droit à la demande et, sur le plan de la sanction, la limite à un avertissement.

L’ONEm interjette appel principal et l’assuré social appel incident.

La décision de la cour

La cour examine deux questions juridiques précises, étant d’une part le principe même de l’exclusion et de l’autre celui de la récupération de l’indu.

Dans la mesure où l’intéressé exploitait une échoppe une fois par semaine sur le marché du midi (ce qui semble à ce stade acquis) et qu’il était salarié par ailleurs, il y a cumul prohibé, mais uniquement pour les jours de chômage temporaire, intempéries ou raisons économiques.

La cour relève qu’il y a en l’espèce absence d’information à l’ONEm de l’exercice d’une activité indépendante accessoire. Elle rappelle que c’est au chômeur d’introduire auprès de son organisme de paiement un nouveau dossier lorsqu’en cours de chômage survient une modification de nature à influencer son droit aux allocations ou leur montant.

C’est une obligation qui figure dans la réglementation et qui est rappelée sur les feuilles info disponibles et sur la carte de contrôle.

L’intéressé considérant qu’il y aurait un manquement aux obligations d’information de la Charte, la cour rappelle le principe général que l’obligation de bonne administration qui pèse sur l’ONEm ne l’oblige pas à prendre en compte à titre préventif toutes les situations susceptibles d’intéresser le droit aux allocations de chômage et d’en aviser systématiquement le chômeur. Il n’y a pas de manquement dans le chef de l’Office, mais absence de déclaration d’une activité accessoire. Il y a dès lors lieu à exclusion.

Quant à la récupération des allocations, la cour rappelle que la bonne foi ne s’identifie pas à la simple ignorance de la réglementation.

En l’espèce, cependant, cette bonne foi est retenue vu l’existence d’un contrat de travail, le caractère peu important (dimanches, et encore non systématiquement) de l’exercice de l’activité, le caractère peu important des revenus produits, ainsi que le respect par l’intéressé de ses obligations fiscales. Le bénéfice de l’article 169, alinéa 5, de l’arrêté royal du 25 novembre 1991 lui est donc accordé.

Cependant, se pose encore la question de savoir ce qu’il faut entendre par « montant brut des revenus » au sens de cette disposition. Celle-ci prévoit en effet que le montant de la récupération peut être limité au montant brut des revenus dont le chômeur a bénéficié et qui n’étaient pas cumulables avec les allocations.

Pour la cour, ceci vise le montant brut imposable, à savoir les recettes brutes diminuées des charges professionnelles. Elle motive sa décision comme suit :

  • Pour le travailleur indépendant, le revenu est le bénéfice brut diminué de ses charges professionnelles (critère fiscal). Il faut veiller, si l’on compare aux montants pris en compte dans le cadre d’un travail salarié, à ne pas procéder de discrimination entre ces deux types de travailleurs ;
  • Le bénéfice brut, étant le chiffre d’affaires, n’est pas pour un indépendant déterminant de ses revenus : c’est le rapport entre bénéfices et charges qui détermine les revenus ou les pertes. Ne prendre en compte que le revenu brut serait source de discrimination injustifiée, non seulement entre indépendants et salariés, mais également encore indépendants eux-mêmes (selon que l’on a d’importants frais professionnels ou non).

La cour en vient, enfin, à une dernière constatation, étant que, dans son commentaire (RIOLEX), l’ONEm lui-même précise, à propos de l’article 169, alinéa 5, que, s’il s’agit d’un indu consécutif à des prestations de salarié, il est tenu compte du montant brut et, en cas de revenus d’indépendant, du revenu net imposable.

C’est dès lors à celui-ci qu’est limité le montant de l’indu.

Intérêt de la décision

Ce bref arrêt de la Cour du travail de Bruxelles donne un enseignement clair sur la question : dès lors qu’un indépendant a – comme en l’espèce – exercé une activité accessoire sans effectuer les déclarations correspondantes, il y a en principe un indu.

S’il s’agit d’une activité indépendante, il faut s’en tenir aux revenus nets imposables. Le lien donné par l’arrêt avec le site RIOLEX est le suivant :
https://services.onem.be/apps/riolex/riolex.nsf/xpArtCom.xsp?openPage&artID=5CBF2F03BC98A191C1257463003EB709&searchterms=true.

L’on notera qu’en l’espèce, la bonne foi est admise au sens de l’article 169, alinéa 5, de l’arrêté royal (notion qui – rappelons-le – est spécifique à la matière du chômage).


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