Terralaboris asbl

L’absence de déclaration d’une activité accessoire n’exclut pas la bonne foi

Commentaire de C. trav. Bruxelles, 19 avril 2007, 48.743

Mis en ligne le mercredi 26 mars 2008


Cour du travail de Bruxelles, 19 avril 2007, R.G. 48.743

TERRA LABORIS ASBL – Sophie Remouchamps

Dans un arrêt du 19 avril 2007, la Cour du travail de Bruxelles rappelle que la non déclaration d’une activité accessoire (en l’espèce un mandat d’administrateur d’une société commerciale exercé gratuitement) ne suffit pas pour exclure la bonne foi au sens de l’article 169 de l’A.R. du 25 novembre 1991 (limitation de la récupération de l’indu aux 150 derniers jours).

Les faits

Mme W. a bénéficié d’allocations de chômage du 1er septembre 2000 au 5 janvier 2003. Pendant cette période, elle exerçait un mandat gratuit d’administratrice déléguée chargée de la gestion journalière, mandat exercé à partir du 22 mai 2000, suite à la démission de son père.

Cette « activité » n’a pas été déclarée lors de la demande d’allocations.

Après une période de travail de 6 mois en 2003, elle sollicite à nouveau le bénéfice des allocations de chômage en date du 23 juin. Cette fois, le formulaire C1 mentionne l’activité accessoire. Elle précise spontanément avoir omis de faire la déclaration antérieurement.

Dans un courrier adressé à l’ONEm, elle explique que l’absence de déclaration lors de la première demande résulte de son ignorance quant à l’obligation de déclaration du mandat. Elle communique également, spontanément, l’acte de nomination en qualité d’administratrice déléguée.

Suite à une convocation de l’ONEm, elle adresse un nouveau courrier, précisant ses tâches (réception du courrier, paiement, transmission des informations au comptable une fois par trimestre, être la personne de référence, l’actionnaire majoritaire résidant à l’étranger). Elle ajoute (contrairement aux mentions du formulaire C1A, qui évoquait un travail le samedi) que ces prestations l’occupent quelques minutes par jour, à concurrence d’un maximum de 2 heures par mois.

Suite à une enquête, l’ONEm prend une décision en date du 13 décembre 2003. Par celle-ci, il l’exclut du bénéfice des allocations de chômage du 1er septembre 2000 au 5 janvier 2003 (1re période indemnisée) et du 26 juin au 7 juillet 2003 (deuxième période) et ordonne la récupération des allocations indûment versées. Par ailleurs, l’ONEm prend deux sanctions à son encontre (cumulables), toutes deux portant sur l’exclusion du droit aux allocations pendant 8 semaines (la première du fait de la non déclaration de l’activité accessoire et la seconde du fait de l’absence de mention du travail sur la carte de contrôle).

Mme W. introduit un recours à l’encontre de cette décision. Le Tribunal ne le déclare fondé qu’en ce qui concerne la hauteur de la sanction, réduite au minimum légal.

La position des parties

Mme W. introduit un appel à l’encontre de cette décision. Elle demande à titre principal la réformation de la décision, invoquant son ignorance mais également le fait qu’elle n’est pas gérante de la société. Elle soutient qu’il s’agit d’une activité accessoire cumulable. A titre subsidiaire, elle invoque la bonne foi, sollicitant la réduction de la récupération aux 150 derniers jours ainsi que la limitation de la sanction à un avertissement. Elle expose que l’absence de déclaration de l’activité lors de la première demande résulte du fait que l’employé de la CAPAC ne lui avait pas posé d’autres questions que celle de savoir si elle avait d’autres revenus et qu’elle ignorait qu’une activité gratuite devait être déclarée. Elle fait valoir le caractère spontané de sa déclaration.

L’ONEm demande quant à lui le rétablissement de la décision administrative.

La décision de la cour

Quant au fondement de la décision d’exclusion du bénéfice des allocations pour les périodes indemnisées, la Cour retient l’appréciation de l’ONEm : l’activité d’administrateur – même exercée à titre gratuit – constitue une activité au sens de l’article 45 de l’A.R. du 25 novembre 1991.

Vu l’absence de déclaration préalable de l’exercice d’une activité accessoire pour ce qui est de la première période indemnisée, la Cour estime en conséquence justifiée la décision d’exclusion. Pour la seconde période (où la déclaration requise par l’article 48 avait été effectuée), la Cour estime également la décision d’exclusion fondée, dès lors que l’intéressée n’établit pas que l’activité a été exercée entre 18h et 7h, et ce au vu de ses déclarations contradictoires sur ce point.

En ce qui concerne la période de récupération, et en réponse à l’argument de l’ONEm selon lequel dès lors qu’une déclaration requise n’a pas été faite, il ne peut être question de bonne foi, la Cour précise que la seule absence de déclaration préalable de l’activité accessoire n’exclut pas la bonne foi. Pour la Cour, dès lors qu’il peut être retenu que l’absence de déclaration résulte de la méconnaissance de la réglementation et que l’attitude du chômeur ne donne pas à penser qu’il avait l’intention d’obtenir ou de conserver des allocations indues, la bonne foi peut être retenue.

En l’espèce, se fondant sur la caractère spontané de la déclaration, la plausibilité de l’explication donnée (employé qui n’a pas attiré son attention sur la question prévue au formulaire C1) et le fait que le formulaire C1 (« j’exerce une activité accessoire oui/non ») n’attire pas l’attention sur la nécessité de déclarer également les activités exercées gratuitement, elle considère la bonne foi établie.

La récupération est ainsi limitée aux 150 derniers jours.

Quant aux sanctions administratives, la Cour estime, vu les déclarations spontanées de l’intéressée, qu’elles peuvent être réduites au minimum. Plus particulièrement, quant à la sanction attachée à l’absence de « biffage » de la carte de contrôle, la Cour s’appuie sur le caractère sporadique des activités liées au mandat et l’ignorance de l’obligation.

Intérêt de la décision

L’intérêt de la décision réside dans les considérations de droit et de fait réservées par la Cour à la question de la bonne foi et à la fixation de la hauteur de la sanction. Contrairement à un argument souvent repris par l’ONEm, la seule absence de déclaration ne suffit pas pour exclure toute notion de bonne foi !


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