Terralaboris asbl

La signature d’un acte d’appel par un agent de l’ONEm : une cause d’irrecevabilité de l’appel

Commentaire de C. trav. Bruxelles, 21 juin 2006, R.G. 40.284

Mis en ligne le mercredi 26 mars 2008


Cour du travail Bruxelles, 21 juin 2006, R.G. 40.284

Terra Laboris asbl – Sophie Remouchamps

Dans un arrêt du 21 juin 2006, la cour du travail de Bruxelles a été amenée à rappeler les principes en matière de pouvoir de représentation de l’Office National de l’Emploi, dans une cause où l’acte d’appel avait été signé par un conseiller adjoint, délégué par l’administrateur général de l’ONEm. La cour y confirme la jurisprudence de la juridiction sur la question et conclut dès lors à l’irrecevabilité de l’appel.

Les faits

L’ONEm a interjeté appel d’un jugement par le biais d’une requête d’appel signée par un conseiller adjoint, qui aurait été délégué par l’administrateur général pour agir en justice pour l’Office National de l’Emploi.

La position des parties

Le chômeur, partie intimée en la présente affaire, a soulevé une exception d’irrecevabilité de l’appel, au motif que l’acte a été signé par le conseiller adjoint, alors que seul l’administrateur général était habilité à agir en justice pour l’Office. Le chômeur faisait valoir que l’article 10 de la loi du 23 avril 1963 sur la gestion des organismes d’intérêt public de sécurité sociale et de prévoyance sociale, article sur lequel se fondait le prétendu pouvoir du mandataire, n’autorise pas la délégation du pouvoir d’agir en justice. Il se référait à une jurisprudence allant dans ce sens, dont notamment des arrêts du 29 juillet 2004 de la cour du travail de Bruxelles.

L’ONEm a invoqué quant à lui que la délégation du pouvoir d’agir en justice, et plus précisément d’interjeter appel d’un jugement, trouvait son fondement légal dans l’article 10, alinéa 6, de la loi du 23 avril 1963. En application de cet article, le comité de gestion peut autoriser la personne appelée à assumer la gestion journalière à déléguer une partie des pouvoirs qui lui sont conférés. Les pouvoirs de gestion journalière sont définis, en application de l’alinéa 4 de l’article 10 précité, par un règlement d’ordre intérieur, lequel prévoit comme faisant partie des pouvoirs de gestion journalière le fait d’accomplir tout acte tant judiciaire qu’extrajudiciaire.

La décision de la cour

La cour rappelle qu’en vertu de l’article 10 de la loi du 23 avril 1963 précité, c’est l’administrateur général (personne chargée de la gestion journalière) qui représente l’organisme dans tous les actes judiciaires et extrajudiciaires, lequel agit valablement en son nom et pour son compte, sans avoir à justifier d’une décision du comité de gestion.

Elle souligne qu’il y a lieu de distinguer le pouvoir d’agir en justice du pouvoir de représentation, le premier n’étant pas inclus dans le second.

Pour la cour, seul le pouvoir de représentation peut être délégué à un ou plusieurs membres du personnel pour représenter l’organisme devant les juridictions administratives. Elle se fonde sur l’alinéa 8 de l’article 10 de la loi du 23 avril 1963.

Elle poursuit en précisant que les juridictions du travail ne sont pas des juridictions administratives et que, quoique la loi du 23 avril 63 ait été adoptée alors que les cours et tribunaux du travail n’avaient pas encore été institués, il ne lui appartient pas d’interpréter un texte clair et précis ou de lui donner un sens qu’il n’a pas. Elle rejette dès lors la demande de l’ONEm de lui voir faire une interprétation « utile » ou « rationnelle », le texte devant être interprété restrictivement.

La cour conclut à l’irrecevabilité de l’appel.

Importance de la décision

L’arrêt ci-dessus rappelle opportunément les conditions dans lesquelles un agent, qui n’est pas la personne chargée de la gestion journalière, peut représenter l’Office National de l’Emploi pour interjeter appel d’une décision. Sur le point de droit tranché par la cour du travail, on peut également se référer à un arrêt de la Cour de Cassation du 18 septembre 2006 (R.G. S.00.004.N), qui avait estimé qu’en adoptant les règles relatives à la compétence des cours et tribunaux du travail, le législateur n’avait pas modifié ou abrogé tacitement la phrase « devant les juridictions administratives » dans l’article 10, alinéa 8, de la loi du 23 avril 1963. Par ailleurs, dans un arrêt du 18 mars 2002 (R.G. S. 01.0157.N), la Cour de Cassation avait précisé qu’il résultait de l’article 10 de la loi du 23 avril 1963 que le pouvoir d’agir au nom de l’organisme devant les juridictions ordinaires, parmi lesquelles les juridictions du travail, appartient à la personne chargée de la délégation journalière et que cette dernière ne peut déléguer ce pouvoir à un ou plusieurs membres du personnel. Elle avait à cette occasion relevé que le comité de gestion ne peut, dans son règlement d’ordre intérieur, autoriser valablement la personne chargée de la gestion journalière à déléguer son pouvoir de représentation de l’organisme devant les juridictions ordinaires à un ou plusieurs membres du personnel.


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