Commentaire de C.J.U.E., 13 juillet 2017, n° C-89/16
Mis en ligne le vendredi 13 octobre 2017
Cour de Justice de l’Union européenne, 13 juillet 2017, n° C-89/16
Terra Laboris
Par arrêt du 13 juillet 2017, la Cour de Justice de l’Union européenne donne l’articulation entre l’article 13, § 1er, du Règlement 883/2004 et les articles 14 et 16 du Règlement d’application 987/2009 dans l’hypothèse de l’exercice d’une activité marginale dans l’un des deux Etats où des prestations de travail sont effectuées.
Les faits
Un ressortissant polonais exerce une activité non salariée en Pologne et une activité salariée en Slovaquie. Il a une résidence en Pologne et l’organisme polonais d’assurances sociales considère qu’il relève dès lors de la réglementation polonaise en la matière. Il est en effet considéré que son activité sur le territoire slovaque a un caractère marginal. La caisse d’assurances sociales informe dès lors la caisse slovaque, qui n’introduit pas de contestation quant à cette décision. Elle considère en conséquence que l’intéressé ne bénéficie pas des assurances maladie, retraite et chômage obligatoires auprès de l’employeur slovaque.
Les juridictions slovaques sont saisies par l’intéressé. Elles constatent que l’organisme polonais a examiné la situation sur la base de l’article 13, § 1er, du Règlement de base (qui ne vise que les activités salariées) et relèvent que l’intéressé exerce à la fois une activité salariée et une activité non salariée dans différents Etats membres. Le critère de rattachement aux fins de la détermination du droit applicable doit dès lors être le lieu il exerce une partie substantielle de son activité (article 14, § 8, du Règlement d’application).
Vu les éléments de l’espèce, la Cour suprême décide de poser à la Cour de Justice trois questions préjudicielles :
La réponse de la Cour
La Cour répond à la première et à la troisième question (la deuxième question étant sans objet, vu la réponse apportée à la première).
Elle reformule cette question, qui porte en réalité sur l’article 14, § 5ter (et non 14, § 5, sous b)) du Règlement d’application : il s’agit de savoir si l’article 13, § 3, du Règlement de base doit être interprété en ce sens que, en vue de la détermination de la législation nationale applicable à une personne qui exerce normalement une activité salariée et une activité non salariée dans divers Etats membres, il faut tenir compte des exigences de cette disposition, ainsi que de l’article 16.
La Cour rappelle le principe de l’unité de la législation applicable et son objectif (éviter les complications qui peuvent résulter de l’application simultanée de plusieurs législations et supprimer des inégalités de traitement). Le principe dans la situation visée est que la personne doit être soumise à la législation de l’Etat membre dans lequel elle exerce une activité salariée (article 13, § 3, du Règlement de base).
Cependant, le Règlement d’application prévoit en son article 14, § 5ter, que les activités marginales ne sont pas prises en compte aux fins de déterminer la loi applicable. Or, l’activité sur le territoire slovaque a ce caractère et la détermination de la législation applicable est devenue définitive (vu l’article 16, § 3, du Règlement d’application).
Vu les dispositions applicables, il faut, pour la Cour, tenir compte de l’article 16 du Règlement d’application, qui indique la procédure à suivre. La Cour répond dès lors que l’article 13, § 3, doit être interprété en ce sens que, pour déterminer la loi applicable en cas d’activité salariée et non salariée dans divers Etats membres, il faut tenir compte des exigences du Règlement d’application en ses articles 14, § 5ter, et 16.
Sur la troisième question, la Cour retient qu’elle est irrecevable, dans la mesure où elle ne répond pas aux exigences d’une question préjudicielle, le juge de renvoi devant indiquer les raisons précises qui l’ont conduit à s’interroger sur l’interprétation du droit de l’Union, en précisant notamment les éléments factuels requis. En l’espèce, la décision de renvoi ne répond pas à ces conditions et la Cour considère ne pas disposer d’éléments sur les raisons pour lesquelles l’interprétation du droit de l’Union est nécessaire. Elle constate également que, vu cette situation, les Etats membres et les autres intéressés n’ont pas pu (ou n’ont pu que très sommairement) présenter utilement leurs observations.
Intérêt de la décision
En vertu de l’article 13, § 3, du Règlement (CE) n° 883/2004, la personne qui exerce normalement une activité salariée et une activité non salariée dans différents Etats membres est soumise à la législation de l’Etat membre dans lequel elle exerce une activité salariée ou, si elle exerce une telle activité dans deux ou plusieurs Etats membres, à la législation déterminée au § 1er, qui renvoie à l’exercice d’une activité salariée dans deux ou plusieurs Etats membres.
Pour déterminer la loi applicable au titre de cette disposition à une personne qui exerce une activité salariée et une activité non salariée dans différents Etats membres, il faut tenir compte des exigences de l’article 14, § 5ter, du Règlement d’application (CE) n° 987/2009, ainsi que de son article 16. Ces dispositions précisent d’une part que les activités marginales ne sont pas prises en compte aux fins de la détermination de la législation applicable au titre de l’article 13 du Règlement de base et, de l’autre, que la personne qui exerce des activités dans deux Etats membres ou plus doit en informer l’institution désignée par l’autorité compétente de l’Etat membre de résidence. La disposition poursuit en arrêtant les règles de procédure :
L’on notera encore que l’article 14 définit la personne qui « exerce normalement une activité salariée dans deux ou plusieurs Etats membres » comme la personne qui exerce simultanément ou en alternance, pour la même entreprise ou le même employeur, ou pour différentes entreprises ou différents employeurs, une ou plusieurs activités différentes dans ceux-ci.