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Maintien du droit au congé parental en cas de réduction du temps de travail pour une autre cause ?

Commentaire de Trib. trav. Liège (div. Liège), 27 mars 2017, R.G. 428.650

Mis en ligne le vendredi 15 septembre 2017


Tribunal du travail de Liège, division Liège, 27 mars 2017, R.G. 428.650

Terra Laboris

Dans un jugement du 27 mars 2017, le Tribunal du travail de Liège (division Liège) rappelle la règle de droit communautaire, étant que la norme prévue par une directive européenne doit être garantie en droit interne, et ce pour la totalité de la norme transposée, ceci valant, pour l’ensemble de la protection assurée si le droit interne va plus loin que la directive communautaire.

Les faits

Une éducatrice accouche en mars 2013 et tombera en incapacité de travail 3 mois plus tard. Elle obtient un congé parental (réduction des prestations) pour la période du 1er septembre 2013 au 30 avril 2015 et perçoit des allocations d’interruption.

Après 6 mois, elle reprend cependant le travail dans le cadre d’un mi-temps médical. Quelques semaines plus tard, soit fin avril 2014, elle demande un nouveau congé parental, pour la période à partir du 1er juin 2014, jusqu’à la fin du congé initial. L’employeur l’autorise jusqu’au 31 mars 2015 (la demande portant sur un mois supplémentaire).

Les allocations d’interruption sont accordées pour la même période.

Reste dès lors un mois litigieux.

L’intéressée introduit un recours en décembre 2014 et l’affaire est plaidée en février 2017.

Le tribunal va faire droit à la demande de l’intéressée. Pour ce, il examine à la fois le droit interne et le droit européen.

Est applicable l’arrêté royal du 19 novembre 1998 relatif aux congés et aux absences accordés aux membres du personnel des administrations de l’Etat, qui autorise les membres du personnel concernés à bénéficier d’une réduction du temps de travail de 1/5e pendant une période de 20 mois, celle-ci pouvant être fractionnée en périodes de 5 mois (ou un multiple de cette durée).

Par ailleurs, en vertu de la loi du 22 décembre 1985 contenant des dispositions sociales (article 102), le travailleur peut réduire ses prestations moyennant l’accord de l’employeur.

En cas d’absence pour cause de maladie, sur avis de l’administration de l’expertise médicale, l’agent peut être invité à reprendre son travail en cas d’aptitude à la reprise à concurrence de 50%, 60% ou 80%. S’il ne donne pas suite, il peut être mis en non-activité.

La réglementation prévoit également la possibilité d’exercer sa fonction (avec prestations réduites pour raisons médicales) afin de se réadapter au rythme normal du travail, et ce après une absence ininterrompue pour maladie (ou – autre hypothèse non pertinente – dans le cas d’une inaptitude médicale de longue durée).

En l’espèce, il y a eu interruption du congé parental après 6 mois, vu la reprise dans le cadre du mi-temps médical. Pour le tribunal, il faut dès lors déterminer si le régime des prestations réduites pour raisons médicales peut entraîner la réduction du congé parental.

Il reprend les textes européens, étant la directive 96/34/CE du Conseil du 3 juin 1996, ainsi que l’accord-cadre correspondant, et cite un extrait de l’arrêt de la Cour de Justice de l’Union européenne du 14 avril 2005 (C.J.U.E., 14 avril 2005, Commission c/ Luxembourg, C-519/03), où la Cour a fait la distinction entre la finalité des congés, considérant que la durée minimale du congé parental ne peut pas être réduite en cas d’interruption de celui-ci par un autre ayant une finalité différente. Il s’agissait en l’espèce d’un congé de maternité. Renvoyant à sa propre jurisprudence, la Cour a précisé qu’un congé garanti par le droit européen ne peut pas affecter le droit de prendre un autre congé garanti par ce droit. Un congé de maternité ne peut ainsi pas affecter un droit à des vacances annuelles complètes.

Le tribunal renvoie, ensuite, à l’avis de l’Auditeur du travail, qui a repris la finalité du congé parental, ainsi que celle du régime des prestations réduites pour raison médicale. Il relève qu’il y a deux types de congé avec une finalité différente. Le congé parental est issu du droit communautaire, tandis que l’autre non. Quoiqu’il ne soit pas protégé par ce dernier, il ne peut faire en sorte que le droit au congé parental ne soit pas quant à lui garanti de manière effective.

La question se pose encore de savoir quelle protection l’intéressée tire du droit européen, étant de déterminer si elle peut exiger le respect de son congé parental tel que défini a minima par celui-ci ou si ceci porte sur la totalité des avantages consentis dans le régime de droit interne. Le législateur belge a en effet retenu un régime plus favorable. Or, c’est bien celui-ci qui doit être protégé, le tribunal renvoyant à l’arrêt Merino Gomez c/ Continental Industrias (C.J.U.E., 18 mars 2004, C-342/01, Merino Gomez c/ Continental Industrias).

Le recours est dès lors fondé et le tribunal dit pour droit que la survenance de la reprise du travail dans le cadre du régime de prestations réduites pour raison médicale n’a pas pour effet de priver l’intéressée du droit de réclamer par la suite les quatre autres mois de la tranche de congé parental auxquels elle a droit.

Intérêt de la décision

Le principe important dégagé dans ce jugement est certes le sens donné par la Cour de Justice de l’Union européenne au droit effectivement protégé dans le cadre de la sphère communautaire.

Différents arrêts ont posé la règle selon laquelle l’effectivité du droit garanti par une directive européenne vise la disposition telle que transposée en droit interne, et ce même si celle-ci est plus favorable que la protection accordée en droit européen.

En l’espèce, s’il y a eu deux congés successifs accordés, leur finalité est distincte et – même si l’un est garanti par le droit communautaire et l’autre non – il ne peut y avoir de réduction de la protection telle qu’assurée en droit européen, étant le bénéfice plein et entier de la norme interne.


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