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Licenciement discriminatoire : le critère de l’état de santé n’est pas celui du handicap

Commentaire de C. trav. Bruxelles, 17 janvier 2017, R.G. 2015/AB/291

Mis en ligne le jeudi 13 juillet 2017


Cour du travail de Bruxelles, 17 janvier 2017, R.G. 2015/AB/291

Terra Laboris

Dans un arrêt du 17 janvier 2017, la Cour du travail de Bruxelles reprend l’évolution jurisprudentielle de la notion de handicap au sens de la Directive 2000/78, qui ne peut trouver application dans l’hypothèse d’une maladie. Pour celle-ci, les critères de l’état de santé présent ou futur doivent être examinés et non la limitation fonctionnelle d’une certaine durée.

Les faits

Une employée, ayant des fonctions d’assistante, est engagée à partir du 1er avril 2005. Sa fonction évolue et elle devient, trois ans plus tard, coordinatrice de la division dans laquelle elle travaille.

En 2010, elle a de nombreux jours d’incapacité de travail. Celle-ci se poursuivra et sera suivie d’une période de repos dans le cadre de la protection de la maternité. Elle tombe alors en burnout à partir de janvier 2012, la reprise étant envisagée en janvier 2013. En novembre 2012, une discussion a lieu, au cours de laquelle il est proposé à l’intéressée de reprendre ses fonctions initiales tout en conservant sa rémunération. Elle refuse la proposition, considérant qu’il s’agit d’une rétrogradation.

Elle est alors licenciée sur pied de l’ancien article 78 L.C.T., moyennant paiement d’une indemnité compensatoire de préavis de 8 mois, dont l’employeur déduit la rémunération garantie.

Une procédure est en fin de compte introduite devant le Tribunal du travail néerlandophone de Bruxelles, dans laquelle divers chefs de demande sont formés, dont une demande relative à un abus de droit. En cours d’instance, l’intéressée étend sa demande à une indemnité de l’ordre de 23.000 euros pour discrimination.

Le jugement rendu par le Tribunal du travail néerlandophone de Bruxelles le 15 janvier 2015 alloue celle-ci, parmi d’autres chefs de demande non commentés ici. L’employeur interjette appel. L’appel est limité à l’indemnité pour discrimination. Quant à l’intéressée, qui a été déboutée de sa demande d’abus de droit, elle forme appel incident sur ce poste.

La décision de la cour

La cour examine en droit la question de la discrimination sur la base de l’état de santé actuel ou futur dans un premier temps et la discrimination pour handicap ensuite.

Sur le premier critère, après avoir décrit le champ d’application de la loi, elle relève que, contrairement au critère du handicap, celui de l’état de santé actuel ou futur ne figure pas dans la Directive 2000/78. Il s’agit d’un critère issu de la loi du 25 février 2003. La cour examine les travaux préparatoires, relevant notamment que les éléments issus de l’état de santé passé ne sont pas visés.

En l’espèce, l’intéressée a été licenciée pour incapacité de plus de 6 mois sur pied de l’article 78 L.C.T. en vigueur à l’époque. Renvoyant à un arrêt de la Cour de Justice du 11 avril 2013 (C.J.U.E., 11 avril 2013, RING, C-335/11 et C-337/11) ayant statué à propos de la législation danoise qui contenait une disposition similaire à l’article 78 (le travailleur salarié pouvant être licencié avec préavis d’un mois dès lors que, pendant une période de 12 mois, il avait été absent pour raison de maladie pendant 120 jours), la cour relève la similitude de la finalité des deux législations. En outre, en l’espèce, ce n’est pas l’état de santé futur qui a été visé, mais un problème d’organisation dans la fonction du coordinateur. Les difficultés en lien avec ce problème étaient bien connues de l’intéressée, qui avait déjà fait des propositions de modification plus d’un an auparavant. La société n’avait à l’époque pas pu y donner suite, dans la mesure où la scission des tâches suggérée par l’employée aurait entraîné un coût qui ne pouvait être assumé.

La cour conclut sur cette question que l’intéressée n’établit pas l’existence d’éléments susceptibles de retenir une discrimination directe ou indirecte dans ce cadre.

Par ailleurs, il ne peut davantage s’agir d’une discrimination sur la base du handicap. Reprenant la doctrine de J. HUYS (J. HUYS, « Begripsomschrijving van ‘’handicap’’ en aanverwante termen in het antidiscriminatierecht », Chron. Dr. Soc., 2009, p. 71), la cour rappelle que des problèmes de santé temporaires n’entrent pas dans cette notion et que le travailleur ne peut, dans cette hypothèse, bénéficier de la protection de la Directive.

Elle poursuit par le rappel de la jurisprudence CHACON-NAVAS (C.J.U.E., 11 juillet 2006, CHACON-NAVAS, C-13/05), qui a posé le principe que la personne licenciée par son employeur pour le seul motif de maladie n’entre pas dans le cadre de la Directive, ceci n’étant pas une discrimination sur la base du handicap. En outre, le 1er décembre 2016, la Cour de Justice a précisé, dans un arrêt DAOUIDI (C.J.U.E., 1er décembre 2016, DAOUIDI, C-395/15), que la maladie dont la fin est prévisible ne constitue pas un handicap.

Pour la cour, l’intéressée n’apporte pas d’autres éléments de nature à établir l’existence d’une telle discrimination et elle la déboute de sa demande d’indemnité de protection.

Restent encore deux postes examinés, relatifs à une disposition du règlement de travail concernant une stabilité d’emploi, dont la cour conclut, comme le premier juge, qu’elle n’a pas été enfreinte et une demande de licenciement abusif, également rejetée, dans la mesure où l’intéressée n’apporte pas les éléments de preuve requis.

Le jugement est dès lors réformé en ce qu’il avait retenu l’existence d’une discrimination.

Intérêt de la décision

Cet arrêt de la Cour du travail de Bruxelles aborde en parallèle les questions de l’état de santé et du handicap, dans le cadre de la loi anti-discrimination. L’affaire relève que la notion d’état de santé ne figure pas en tant que telle dans la Directive-cadre et que l’importante jurisprudence rendue à cet égard a fait la distinction entre la notion de handicap et de maladie. Dans l’arrêt DAOUIDI du 1er décembre 2016, il est bien souligné par la Cour de Justice que les éléments de fait permettant de retenir l’une ou l’autre doivent être appréciés par le juge national.


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