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Reconnaissance du statut de travailleur salarié : délai de prescription

Commentaire de Cass., 27 février 2017, n° S.15.0130.F

Mis en ligne le mardi 20 juin 2017


Cour de cassation, 27 février 2017, n° S.15.0130.F

Terra Laboris

Par arrêt du 27 février 2017, la Cour de cassation accueille un pourvoi contre une décision ayant admis que l’action en reconnaissance du bénéfice de la loi du 27 juin 1969, intentée dans le délai de 10 ans, n’était pas prescrite du seul fait du respect de ce délai et que pouvait ainsi être accueillie la demande portant sur une période d’occupation beaucoup plus longue.

Rétroactes

La Cour de cassation a été saisie d’un pourvoi contre un arrêt rendu par la Cour du travail de Bruxelles le 10 septembre 2015, dans lequel celle-ci avait considéré non prescrite une action introduite par deux membres du personnel d’une société anonyme, dont l’assujettissement à la sécurité sociale avait été refusé par l’O.N.S.S. La société avait fait faillite le 29 mai 2001 et des discussions étaient intervenues avec l’Office ultérieurement, celui-ci notifiant par courrier du 27 mars 2006 que c’était à bon escient qu’ils étaient assujettis à la sécurité sociale des travailleurs indépendants.

Une action avait été introduite devant le Tribunal du travail de Bruxelles la même année.

Le tribunal du travail avait considéré la demande prescrite pour ce qui était antérieur à 10 ans avant le début de la procédure judiciaire.

La cour du travail avait cependant réformé la décision. S’agissant d’un assujettissement demandé depuis 1960 pour un des deux intéressés et en 1962 pour l’autre, la cour, se fondant sur la lettre de l’O.N.S.S. du 27 mars 2006, avait conclu qu’à défaut pour l’article 42 de la loi du 27 juin 1969 révisant l’arrêté-loi du 28 décembre 1944 concernant la sécurité sociale des travailleurs salariés (telle qu’applicable à l’époque) de contenir une disposition relative à l’action en contestation d’une décision de refus d’assujettissement, il fallait renvoyer à l’article 2262bis du Code civil, c’est-à-dire à un délai de 10 ans. Ne s’agissant par ailleurs pas d’une demande de paiement de cotisations ni de répétition de cotisations indues, qui, pour la cour, pourrait en partie être prescrite, la décision avait retenu qu’il fallait examiner si, pendant la période pendant laquelle ils avaient été occupés au sein de la société, ils pouvaient prétendre à l’assujettissement à la sécurité sociale des travailleurs salariés.

Le pourvoi

Le moyen du pourvoi contient trois branches, dont la première seule fera l’objet de la censure de la Cour de cassation.

Il conclut à la violation des articles 2219 et 2262bis, § 1er, du Code civil. S’agissant d’une demande portant expressément sur la reconnaissance d’un droit subjectif de plus de 40 ans, il y a lieu de vérifier si la demande n’est pas prescrite en fonction de la période d’assujettissement revendiquée et la cour du travail ne pouvait dès lors se borner à constater que la demande avait été introduite dans le délai de 10 ans.

Une application correcte des dispositions légales impose en effet de considérer que, la demande ayant été introduite le 23 octobre 2006, le droit subjectif ayant pris naissance plus de 10 ans avant l’introduction de celle-ci, la cour du travail ne pouvait conclure à l’absence de prescription pour toute la totalité de la période.

Le droit du travailleur d’agir en justice contre l’O.N.S.S. naît au moment de la conclusion du contrat et se poursuit pendant toute la période où il est occupé. La prescription de l’action relative au droit que le travailleur entend puiser dans la loi du 27 juin 1969 commence à courir le jour où doit lui être reconnue la qualité de travailleur salarié. La référence à l’action en paiement de cotisations ou en répétition de cotisations indues n’a pas lieu d’être. Le fait que l’action ait été introduite dans le délai de 10 ans visé à l’article 2262bis ne permet pas de conclure à l’absence de prescription, vu que le droit subjectif dont le respect est réclamé a pris naissance en 1960 et 1962 et qu’il a donc commencé à se prescrire plus de 10 ans avant la date de l’action en justice, le 23 octobre 2006.

A tout le moins, le pourvoi conclut que l’action doit être considérée comme prescrite pour la période qui excède les 10 ans avant son introduction.

La décision de la Cour de cassation

La Cour de cassation rencontre la première branche et va casser l’arrêt. Ainsi, pour la Cour, il n’y a pas lieu d’examiner les autres volets.

Elle reprend les dispositions de la loi du 27 juin 1969 relatives au pouvoir de l’O.N.S.S. de refuser le bénéfice de la loi à ceux qui n’en remplissent pas les conditions (articles 5, 9, 22 et 40). Réciproquement, le travailleur a un droit subjectif à la reconnaissance de l’application de la loi. Il peut, étant assujetti à cette loi, dès la prise de cours et pendant toute la durée du contrat de travail, faire valoir son droit à la reconnaissance de cette application pendant toute cette période.

A défaut de dispositions particulières, les règles de prescription sont à rechercher dans l’article 2262bis, § 1er, alinéa 1er, du Code civil, étant que l’action se prescrit par 10 ans à partir du jour où l’obligation est exigible. Le droit en l’espèce est exigible jour après jour.

La citation interrompt la prescription en vertu de l’article 2244 du Code civil pour les 10 années qui la précèdent.

Dès lors, s’agissant d’une période d’occupation de 1960 ou 1962 au 29 mai 2001, la citation ayant été introduite le 23 octobre 2006, la Cour suprême constate que la cour du travail n’a pas violé l’article 2262bis, § 1er, alinéa 1er, du Code civil pour ce qui est des 10 années qui précèdent la citation en justice. Cependant, il y a violation de cette disposition légale pour la période antérieure.

L’arrêt est dès lors cassé, sauf en tant que, par confirmation du jugement, il a admis l’assujettissement pour la période du 23 octobre 1996 au 29 mai 2001 et qu’il écarte la décision de l’O.N.S.S. de refuser l’assujettissement pour celle-ci.

La cause est renvoyée devant la Cour du travail de Liège.

Intérêt de la décision

La règle de prescription, pour l’action en contestation d’une décision de l’O.N.S.S. relative à l’assujettissement des travailleurs à la loi du 27 juin 1969 réside dans l’article 2262bis, § 1er, du Code civil, étant la disposition de droit commun, à défaut de règle spécifique.

La question posée en l’espèce porte sur la distinction à opérer entre le délai dans lequel l’action est introduite (action qui a pour effet d’interrompre la prescription) et celle pendant laquelle le droit subjectif au bénéfice de la loi peut être reconnu.

L’on ne peut dès lors admettre qu’il n’y a pas prescription au seul motif que l’action a été introduite dans le délai de prescription de 10 ans. C’est la reconnaissance du droit qui est visée et celle-ci est également soumise à ce même délai.


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