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Discrimination : pouvoirs du juge de la cessation

Commentaire de C. trav. Bruxelles, 5 janvier 2017, R.G. 2016/AB/454

Mis en ligne le mardi 20 juin 2017


Cour du travail de Bruxelles, 5 janvier 2017, R.G. 2016/AB/454

Terra Laboris

Dans un arrêt du 5 janvier 2017, la Cour du travail de Bruxelles, saisie dans le cadre d’une demande en cessation d’une discrimination, rappelle que cette saisine lui confère une compétence restrictive et que les autres actions à introduire suite à une discrimination prohibée doivent l’être via la procédure appropriée.

Les faits

Après une collaboration de plus de 30 ans avec une institution hospitalière, un médecin signe un contrat d’entreprise en 2012, prévoyant que celui-ci, conclu à durée indéterminée, prendra fin de plein droit (sauf dérogation) lorsque l’intéressé aura atteint l’âge de 67 ans. Cet âge est également repris dans la réglementation générale en vigueur au sein de l’institution comme étant la date de fin d’engagement pour les médecins accrédités, ceux-ci pouvant cependant demander la prolongation des activités au Conseil exécutif. L’âge de 75 ans est également repris comme étant celui de la fin définitive et irrévocable.

L’intéressé demande dès lors la prolongation de son contrat lorsqu’il arrive à 67 ans. Celle-ci est refusée.

Une requête est introduite devant la Présidente du Tribunal du travail francophone de Bruxelles, en cessation d’une discrimination. Une ordonnance est rendue le 1er février 2016. Elle déboute le médecin, qui n’exerçait à ce moment plus ses activités au sein de cette institution depuis la date de refus. Il introduit ensuite une nouvelle demande de prolongation, mais celle-ci est également refusée.

Appel de l’ordonnance du 1er février 2016 est interjeté.

A titre principal, l’intéressé plaide la nullité de l’article de la réglementation générale qui fixe la limite d’âge, en ce qu’il contient une forme de discrimination directe, le touchant personnellement. Il demande également la cessation immédiate de la discrimination sous peine d’astreinte et la condamnation de l’institution à des dommages et intérêts.

Il forme deux autres demandes à titre subsidiaire et plus subsidiaire, tendant à aménager une situation d’attente.

La décision de la cour

La cour décide en premier lieu de mettre à néant l’ordonnance attaquée. En effet, la loi du 10 mai 2007 tendant à lutter contre certaines formes de discrimination s’applique aux relations de travail indépendantes (article 4, 1°, 2e tiret) et, de même, à la rupture des relations de travail (article 5, § 2, 3°). La cour reprend les hypothèses dans lesquelles une distinction directe peut être justifiée. Le premier juge devait se prononcer sur la demande en cessation, c’est-à-dire qu’il devait en premier lieu vérifier si la fin du contrat liée à l’âge de 67 ans constitue une discrimination au sens de la loi du 10 mai 2007. S’agissant manifestement d’une différence de traitement fondée sur l’âge, restait à vérifier si existe une justification conforme à la loi.

Pour le premier juge, il n’y avait pas de discrimination et cette affirmation a été faite sans motivation autre que la référence à l’avis de l’Auditeur du travail et sans qu’il ait été procédé aux vérifications quant aux justifications possibles.

Elle en vient, ensuite, à l’examen des demandes. L’intéressé sollicite en effet qu’il soit mis fin à la discrimination, que celle-ci soit constatée, que la poursuite de la collaboration soit autorisée et que la disposition correspondante de la réglementation interne soit considérée comme nulle.

Sur la cessation, la cour conclut que cette demande est devenue sans objet, dans la mesure où l’intéressé ne preste plus et que la rupture de la collaboration est consommée. Or, l’action en cessation a pour but de faire cesser un acte. Celui dont la cessation est demandée a été définitivement accompli. La cour rappelle encore que, dans l’hypothèse d’un acte accompli, la cessation peut se justifier en cas de risque de récidive, mais ceci n’est pas le cas en l’espèce.

Pour ce qui est de la demande relative à la constatation de la discrimination, il s’agit d’une condition de l’action en cessation et non d’une demande qui peut être examinée distinctement. Or, la compétence du juge de la cessation est restrictive.

Ne pouvant se prononcer séparément sur l’existence d’une discrimination, la cour considère qu’elle ne peut davantage le faire sur une demande d’ordonner la prolongation de la collaboration de travail, décision qu’elle ne peut prendre dans le cadre de sa saisine.

Il en va encore de même de la demande de nullité de la disposition correspondante de la réglementation générale, qui est, encore, une étape du raisonnement possible permettant de conduire à l’ordre de cessation, mais non d’une demande qui peut être autonome. La cour rappelle encore ici qu’elle dépasserait ses compétences.

Elle statue de même encore sur un chef de demande relatif à une indemnisation forfaitaire, rappelant que cette indemnisation peut être réclamée dans le cadre de l’article 18 de la loi selon la procédure de droit commun.

Intérêt de la décision

Cet arrêt est rendu dans le cadre de la procédure « comme en référé », s’agissant essentiellement d’une demande de cessation d’une discrimination.

La cour y rappelle quelques principes, étant que la demande est devenue sans objet si la discrimination a cessé, l’acte étant définitivement accompli et aucun risque de récidive n’existant.

Par ailleurs, sa compétence dans le cadre de cette saisine étant restrictive, elle ne peut connaître d’autres demandes, telles qu’une demande d’injonction de reprendre la poursuite de relations professionnelles, dès lors qu’il a été mis fin à celles-ci depuis près d’un an en l’occurrence.

Pour l’ensemble des chefs de demande autres que ceux portant spécifiquement sur la demande de cessation, la cour a judicieusement souligné qu’ils pourraient tout au plus, dans le cadre de sa saisine, constituer des étapes de son raisonnement permettant de faire droit à la demande.

Toute autre action doit être introduite conformément au dispositif légal ; ainsi une demande d’indemnisation doit être formée selon l’article 18 de la loi du 10 mai 2007.


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