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Cumul d’une rémunération et d’allocations de chômage : étendue de la récupération

Commentaire de Cass., 5 décembre 2016, n° S.16.0010.N

Mis en ligne le jeudi 15 juin 2017


Cour de cassation, 5 décembre 2016, n° S.16.0010.N

Terra Laboris

Dans un arrêt du 5 décembre 2016, la Cour de cassation précise l’interprétation à donner de l’article 169, alinéa 3, de l’arrêté royal du 25 novembre 1991, en ce qu’il vise la récupération des allocations pour les journées ou périodes pendant lesquelles du travail a été effectué.

Faits de la cause

Un bénéficiaire d’allocations de chômage est, pendant la période où il perçoit celles-ci, engagé dans un contrat de travail pour une journée d’abord (août 2009) et ensuite pour une heure par jour prestée à concurrence de certains jours pendant la période de septembre à décembre 2010.

L’ONEm prend une décision le 16 octobre 2012, l’excluant des allocations de chômage pour les jours où il a presté. La récupération à concurrence de ceux-ci est réclamée et une sanction de 13 semaines est prise (ainsi que d’autres sanctions plus spécifiques pour des prestations du samedi et du dimanche).

Un montant correspondant à 71 journées de travail est réclamé, de l’ordre de 3.200 euros.

Un recours est introduit par l’intéressé devant le Tribunal du travail néerlandophone de Bruxelles. Par jugement du 16 juin 2014, une partie de la réclamation est jugée prescrite. Le tribunal considère par ailleurs qu’en vertu de l’article 169, 3e alinéa, de l’arrêté royal du 25 novembre 1991, l’ONEm est en droit de réclamer le remboursement des allocations correspondant aux journées où l’intéressé a presté. Sa bonne foi est cependant reconnue, au sens de l’article 169, 5e alinéa, de l’arrêté royal. Le remboursement est dès lors limité aux revenus bruts que l’intéressé a perçus pour les journées où il a travaillé. Le montant est ramené par le tribunal à 1.000 euros environ.

L’ONEm interjette appel de cette décision. Dans son avis, le Ministère public questionne d’abord la bonne foi de l’intéressé, qui a fait mention de son activité à certaines reprises mais pas à d’autres.

L’Avocat général poursuit, sur l’article 169, 3e alinéa. Il en donne une autre interprétation. Dans la mesure où l’intéressé a travaillé une heure par jour, ceci dépasse dès lors une journée par semaine, et le montant à rembourser doit être réduit à 1,2/6e du total. Le résultat étant inférieur au montant admis par le premier juge, mais l’intéressé n’ayant pas fait d’appel incident sur cette question, l’Avocat général conclut qu’il faut s’en tenir à ce chiffre.

La cour va rendre son arrêt le 19 novembre 2015, suivant l’avis du Ministère public. Elle conclut que l’intéressé n’était pas de bonne foi et qu’il ne peut dès lors être fait application de l’article 169, alinéa 5. En ce qui concerne l’article 169, alinéa 3, le remboursement doit être limité aux heures travaillées, transformées en jours, conformément à l’avis du Ministère public. Vu l’absence d’appel incident, c’est le chiffre admis par le tribunal qui doit être retenu.

L’ONEm introduit un pourvoi en cassation.

Le pourvoi

Le pourvoi contient un moyen unique, divisé en deux branches. Seule est reprise ici la seconde branche, qui va donner lieu à cassation.

Le pourvoi reprend les articles 44, 45, alinéa 1er, 2°, et alinéa 2, 46, § 1er, alinéa 1er, 1° et 2°, et § 2, alinéa 1er, relatifs à la condition d’octroi des allocations et à l’absence de travail et de rémunération. Dès qu’une rémunération est perçue, il ne peut y avoir de cumul avec les allocations de chômage. En vertu de l’article 114, § 1er, de l’arrêté royal (les dispositions examinées l’étant à l’époque des faits et, en l’occurrence, pour cette disposition, avant la modification introduite par l’arrêté royal du 23 juillet 2012), les allocations de chômage sont fixées en jours. Le pourvoi rappelle les obligations du chômeur pour ce qui est de la carte de contrôle, obligations reprises à l’article 71, alinéa 2, de l’arrêté royal. Il découle des dispositions ci-dessus combinées que, vu l’interdiction de cumul entre les allocations de chômage et une rémunération, le chômeur complet ne perçoit pas d’allocations pour les journées travaillées.

L’article 169, alinéa 1er, de l’arrêté royal dispose que les allocations perçues indûment doivent être remboursées et son alinéa 3 vise les cas de non-respect des articles 44 ou 48 de l’arrêté royal, qui limitent le remboursement, en cas de travail effectué (ou d’aide apportée à un indépendant) pendant certaines journées ou certaines périodes, à ces journées ou périodes. Si le chômeur complet a effectué du travail sans le mentionner sur sa carte de contrôle, l’obligation de remboursement porte sur les allocations qu’il a perçues pour les journées travaillées.

Les allocations à rembourser sont donc celles perçues pour la journée où un travail a été effectué, indépendamment du nombre d’heures prestées ces mêmes journées. Si le montant à rembourser devait être fonction du nombre d’heures travaillées (converties en jours), le chômeur qui n’aurait pas fait mention de son activité sur sa carte de contrôle pourrait ainsi bénéficier de davantage d’allocations de chômage que celui qui aurait rempli correctement sa carte.

Le pourvoi rappelle qu’en l’espèce, l’intéressé avait le statut de chômeur complet, qu’il a travaillé un jour d’abord et pendant 4 mois ensuite à raison d’une heure par jour, qu’il a cumulé les allocations de chômage et la rémunération pendant une période de 71 jours et qu’il y a dès lors lieu de faire application de l’article 169, alinéa 3, de l’arrêté royal, auquel renvoie l’alinéa 1er de la même disposition. Le nombre d’heures prestées n’a pas d’importance.

La décision de la Cour

La Cour de cassation considère que cette seconde branche du moyen est fondée et elle casse l’arrêt de la cour du travail. Elle rappelle que le terme de « période » visé aux dispositions examinées vise un laps de temps de plusieurs jours, semaines ou mois. L’article 169, alinéa 3, ne permet pas de limiter le remboursement au nombre d’heures prestées, pendant une période déterminée, et de les transformer en journées de travail. Dès lors qu’il a été constaté en fait qu’il y a eu des prestations de travail, les allocations perçues doivent être remboursées. Le juge du fond ne pouvait, à partir de la constatation que l’intéressé n’avait travaillé qu’une heure par jour, limiter le remboursement à un jour par semaine ou à 1,2/6e du total des allocations perçues pendant la période litigieuse. Il y a dès lors violation de l’article 169, 1er et 3e alinéas, de l’arrêté royal.

Intérêt de la décision

La Cour de cassation indique dans cet arrêt l’interprétation à donner à l’article 169, 3e alinéa, de l’arrêté royal du 25 novembre 1991 portant réglementation du chômage.

L’ensemble de la disposition est relative au remboursement des sommes perçues indûment. L’alinéa 1er vise la notion de bonne foi (qui n’a pas été retenue en appel et qui ne fait pas l’objet de l’intervention de la Cour de cassation).

En vertu de l’alinéa 3, lorsque le chômeur a contrevenu aux articles 44 ou 48 et qu’il prouve qu’il n’a travaillé ou n’a prêté une aide à un travailleur indépendant que certains jours ou pendant certaines périodes, la récupération est limitée à ces jours ou périodes. La disposition ne précise pas l’importance de la récupération. La Cour de cassation indique, dans cet arrêt, que le remboursement doit porter sur la totalité des allocations perçues pendant ces journées de travail, et ce indépendamment du nombre d’heures prestées. L’on constatera, en l’occurrence, que le temps de prestation était tout à fait minime. Cette considération est sans importance, au sens de la réglementation en matière de chômage.


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