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Loi « pot-pourri II » : modifications apportées aux articles 204 et 210 du Code d’instruction criminelle

Commentaire de Cass., 21 décembre 2016, n° P.16.1116.F

Mis en ligne le lundi 15 mai 2017


Cour de cassation, 21 décembre 2016, n° P.16.1116.F

Terra Laboris

Par arrêt du 21 décembre 2016, la cour de cassation apporte des précisions sur le calcul du nombre de travailleurs pour la multiplication de l’amende en matière d’infractions aux obligations DIMONA et sur les modifications apportées par la loi « pot-pourri II » aux articles 204 et 210 du Code d’instruction criminelle.

Éléments de procédure

Mr X.W. a été poursuivi notamment pour ne pas avoir :

  • en tant qu’employeur, préposé ou mandataire, communiqué les données imposées par l’arrêté royal du 5 novembre 2002 instaurant une déclaration immédiate de l’emploi (DIMONA), à l’institution chargée de la perception des cotisations de sécurité sociale, relativement à cinq travailleurs dont la prévention désigne trois par leurs noms et prénoms, et deux comme étant « un inconnu d’origine africaine » et « un inconnu d’origine asiatique » (prévention I) ;
  • en tant qu’employeur, fait parvenir à l’Office national de sécurité sociale une déclaration justificative du montant des cotisations de sécurité sociale dues, entre autres pour un inconnu d’origine asiatique (prévention III).

L’arrêt soumis à la censure de la Cour, rendu le 12 octobre 2016 par la cour d’appel de Mons, chambre pénale sociale, notamment, acquitte Mr X.W. de la prévention I en ce qu’elle vise deux personnes n’ayant pas été nommément désignées ou identifiées - avec pour conséquence que l’amende prononcée n’est multipliée que par trois, soit les travailleurs correctement identifiés - et de la prévention III en ce qu’elle porte sur un inconnu d’origine asiatique.

Le procureur général près la cour d’appel de Mons s’est pourvu en cassation et a développé deux moyens. Le premier concerne la prévention I et invoque la violation des articles 103 et 181 du Code pénal social. Le second concerne l’acquittement partiel de la prévention III et invoque la violation de l’article 210 du Code d’instruction criminelle après sa modification par la loi du 5 février 2016.

L’arrêt commenté

La Cour casse l’arrêt soumis à sa censure en tant qu’il acquitte Mr X.W. de la prévention I en ce qu’elle vise les deux personnes inconnues et de la prévention III en ce qu’elle porte sur l’inconnu et en tant qu’il statue sur la peine et la contribution au Fonds spécial d’aide aux victimes d’actes intentionnels de violence et renvoie la cause ainsi limitée à la cour d’appel de Liège.
Sur la prévention I, la Cour retient que « la loi n’exige pas que les travailleurs concernés par l’absence de communication visée à l’article 181, §1er, alinéa 1° du code (pénal social) soient nommément désignés ou identifiés, mais seulement qu’il s’agisse de travailleurs dont l’existence est établie, même si leur identité n’est pas connue ou demeure imprécise ».

Sur le second moyen, la Cour relève que « selon l’article 204 du code d’instruction criminelle, tel que modifié par la loi du 5 février 2016, la requête d’appel indique précisément, à peine de déchéance, les griefs élevés, y compris les griefs procéduraux, contre le jugement » ; quant à l’article 210, alinéa 2 du même code, il dispose que « le juge d’appel ne peut soulever d’office que les moyens d’ordre public portant sur les formalités substantielles ou prescrites à peine de nullité ou sur : (i) sa compétence ; (ii) la prescription des faits dont il est saisi ; (iii) l’absence d’infraction que présenteraient les faits dont il est saisi quant à la culpabilité ou la nécessité de les requalifier ou une nullité irréparable entachant l’enquête portant sur ces faits ».

La Cour indique qu’il « ressort des travaux préparatoires de la loi du 5 février 2016 que le principe de l’appel sur grief détermine la saisine du juge d’appel et que les exceptions qu’elle y prévoit ne peuvent conduire celui-ci à élargir cette saisine en soulevant d’office un moyen relatif à un fait infractionnel non visé par l’appel ».

Or, l’arrêt attaqué constate que l’appel de Mr X.W. « vise la déclaration de culpabilité relative à la prévention I, le taux de la peine ainsi que la non-application du sursis ou de la suspension du prononcé de la condamnation et que l’appel du ministère public vise seulement ce dernier point ». En « décidant de statuer à nouveau sur l’action publique relative aux faits de la prévention III, non visée par les griefs », les juges d’appel ont donc excédé leur saisine.

Intérêt de l’arrêt commenté

Sur le premier moyen, la multiplication de l’amende est donc déterminée par le nombre de travailleurs concernés par l’infraction, en d’autres termes à l’égard desquels l’infraction a été commise, ce qui implique uniquement que l’existence des travailleurs soit établie.

On observera néanmoins que l’imprécision de l’identité du travailleur pourrait, in concreto, avoir pour conséquence que le ministère public, sur qui pèse la charge de la preuve, n’apporte pas cette preuve pour tout ou partie des travailleurs visés à la citation et/ou que les droits de défense de l’employeur ont été violés, mais c’est une autre question.

La décision de la Cour sur le second moyen apporte des précisions sur les articles 214 et 210 du Code d’instruction criminelle après leur modification par la loi du 5 février 2016. Il est essentiel pour les praticiens du droit pénal social de connaitre ces modifications, qui emportent de sérieuses restrictions aux pouvoirs du juge de « venir au secours » d’un prévenu.

Sur la genèse de ces modifications et les critiques qu’elles ont suscitées, on se référera à N. COLETTE-BASECQZ et E. DELHAISE : « La phase de jugement et les voies de recours : éléments neufs », in La loi « pot-pourri II » : un recul de civilisation ?, collection Criminalis, Anthemis, pp. 167 à 174.


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