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Intervention du Fonds de Fermeture et indemnité de prépension

Commentaire de C. trav. Bruxelles, 15 septembre 2016, R.G. 2015/AB/584 (NL)

Mis en ligne le mardi 2 mai 2017


Cour du travail de Bruxelles, 15 septembre 2016, R.G. 2015/AB/584 (NL)

Terra Laboris

Dans un arrêt du 15 septembre 2016, la Cour du travail de Bruxelles a décidé que le Fonds ne peut refuser d’indemniser des travailleurs au chômage bénéficiant d’un complément de prépension, dans l’hypothèse où ils n’ont pas véritablement la qualité de prépensionnés mais qu’ils ont été traités comme tels.

Les faits

Une société connaissant des difficultés financières procède au licenciement d’un nombre déterminé de travailleurs et conclut un plan social avec les organisations syndicales. Celui-ci prévoit notamment que l’entreprise doit mettre sur pied un règlement de prépension. La demande de reconnaissance d’entreprise en difficulté n’est pas introduite mais la société a néanmoins été reconnue comme étant en restructuration. L’âge d’accès à la prépension est de 52 ans.

L’accord d’entreprise prévoit des mesures spécifiques pour les travailleurs de plus de 50 ans, étant l’octroi d’une prépension « Canada Dry ». Les avantages accordés sont ceux des prépensionnés. Il est cependant exigé que, pour en bénéficier, les intéressés soient au chômage. Est également prévu que l’entreprise doit déposer une garantie bancaire couvrant ses engagements découlant des dispositions ci-dessus.

Un travailleur voit dès lors son contrat de travail terminé moyennant un délai de préavis de 30 semaines prenant cours le 1er juillet 1999. La société a rempli ses obligations jusqu’au mois d’avril 2008. Elle connaît cependant, cette année-là, de nouvelles difficultés financières et va tomber en faillite à la fin de l’année civile.

Une procédure de redressement judiciaire a été initiée devant le Tribunal de commerce de Roubaix-Tourcoing (France) et le travailleur a déposé dans le cadre de celle-ci une déclaration de créance dans les formes.

Un dossier est parallèlement introduit auprès du Fonds de Fermeture à l’initiative des organisations syndicales, concernant tous les « prépensionnés bénéficiaires de la prépension Canada Dry ». Le Fonds notifie son refus d’intervention, au motif que les intéressés n’ont pas été admis aux allocations de chômage sur la base d’une vraie prépension.

Suite à la réintroduction de la demande, une nouvelle décision de refus est prise par le Fonds le 7 juillet 2009, dans laquelle il est alors précisé que l’intéressé a été licencié en-dehors de la période de 13 mois préalable à la date de la fermeture et qu’il ne peut pas davantage être considéré comme prépensionné.

Une procédure est introduite devant le Tribunal du travail néerlandophone de Bruxelles, qui déboute l’intéressé par jugement du 19 mai 2015. Pour le premier juge, la convention ne peut s’analyser comme octroyant véritablement l’avantage d’une prépension, puisqu’il ne s’agissait pas d’octroyer des avantages complémentaires aux allocations de chômage accordées à un travailleur prépensionné. L’intéressé ne peut dès lors se prévaloir de l’article 36, § 2, 2°, de la loi du 26 juin 2002 sur la fermeture d’entreprise.

Celui-ci interjette appel.

Position des parties devant la cour

L’appelant fait valoir que l’article 36, § 2, qui fixe un délai (13 mois) pour l’introduction de la demande n’est pas, selon le texte légal, d’application pour les travailleurs licenciés qui ont droit à l’indemnité complémentaire de prépension visée à l’article 8. Cet article 8 définit l’indemnité complémentaire de prépension comme étant celle prévue par une C.C.T. conclue au sein du Conseil National du Travail ou au sein d’un organe paritaire ou d’application au niveau d’une entreprise. Il fait valoir que (i) il s’agit d’un accord d’entreprise, applicable uniquement aux travailleurs âgés de plus de 50 ans qui ont été licenciés (ii) elle est uniquement due au cas où les intéressés bénéficient d’allocations de chômage et s’arrête lorsque ceux-ci atteignent l’âge de la pension et (iii) que l’indemnité est calculée conformément à la C.C.T. n° 17. Il renvoie également aux engagements financiers pris par l’employeur.

A titre subsidiaire, il demande de poser une question à la Cour constitutionnelle, étant qu’il y aurait une violation possible des articles 10 et 11 de la Constitution.

Le Fonds de Fermeture souligne de son côté, outre un problème de texte de la convention invoquée, que l’intéressé n’avait pas la qualité de prépensionné et qu’il ne peut dès lors bénéficier de l’avantage en cause, ne pouvant invoquer l’exception de l’article 36, § 2.

La décision de la cour

La cour reprend les dispositions pertinentes de la loi du 26 juin 2002 sur les fermetures d’entreprise et notamment l’article 35, qui prévoit les hypothèses dans lesquelles le Fonds a pour mission d’intervenir lorsque l’employeur ne s’acquitte pas de ses obligations pécuniaires. Elle examine dès lors si le délai prévu devait être respecté dans le cas de l’intéressé, et ce eu égard aux textes combinés des articles 36, § 2, et 8 de la loi.

La question centrale, pour la cour, est de savoir si la convention a accordé des avantages équivalents à une prépension au sens de la C.C.T. n° 17. Elle fait une analyse fouillée des travaux parlementaires précédant les modifications législatives successives du texte. Elle constate que la convention d’entreprise conclue pour ce qui est des travailleurs qui n’avaient pas droit à la prépension parce qu’ils n’avaient pas atteint l’âge de 52 ans accorde des avantages identiques à ceux octroyés aux prépensionnés. Ceux-ci sont d’ailleurs conformes à la C.C.T. n° 17. Elle conclut dès lors qu’il s’agit d’avantages équivalents à ceux prévus par cette dernière. Elle renvoie également à la fois au plan social et à la garantie bancaire, qui visait l’ensemble des « prépensionnés ».

Pour la cour, la position du Fonds, selon laquelle, par accord qui octroie des avantages équivalents à ceux prévus par la C.C.T. n° 17, il faut uniquement retenir ceux conclus en faveur des travailleurs qui peuvent bénéficier d’allocations de chômage en tant que prépensionnés, n’a aucun fondement légal.

Dans la mesure où l’intéressé peut s’appuyer sur l’article 36, § 2, 2°, le refus du Fonds sur la base de l’article 36, § 1er, n’est pas fondé.

La cour accueille dès lors l’appel.

Intérêt de la décision

La cour du travail est amenée, dans cette affaire, à examiner une question peu courante, étant de savoir ce qu’il faut entendre par « indemnité complémentaire de prépension au sens de l’article 8 de la loi ». Les conditions reprises à l’article 8 de la loi sont d’une part le niveau où la convention a été conclue (C.N.T., organe paritaire - dans les conditions de la loi du 5 décembre 1968 sur les conventions collectives et les commissions paritaires - ou entreprise) et d’autre part la nature des avantages octroyés, étant que ceux-ci doivent être similaires à ceux prévus, selon le texte, par une convention collective de travail conclue au sein du Conseil National du Travail. Cette dernière formulation vise la C.C.T. n° 17, ce qui n’était pas contesté.

La solution donnée par la cour à la question posée, qui était de savoir si le bénéficiaire devait percevoir les allocations de chômage en qualité de prépensionné au sens légal (à savoir en l’occurrence 52 ans) ou s’il devait avoir la qualité de chômeur au sens général, est, via l’analyse des textes, que la condition mise par la Fonds de Fermeture ne figure pas.

L’octroi à un travailleur licencié ayant la qualité de chômeur, même en-dehors des strictes conditions de la prépension, est dès lors autorisé.


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