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Décès de l’assuré social et régularité du remboursement d’un indu par un organisme financier

Commentaire de C. trav. Liège (div. Namur), 10 novembre 2016, R.G. 2015/AN/152 et 2015/AN/157

Mis en ligne le mardi 11 avril 2017


Cour du travail de Liège (division Namur), 10 novembre 2016, R.G. 2015/AN/152 et 2015/AN/157

Terra Laboris

Dans un arrêt du 10 novembre 2016, la Cour du travail de Liège (division Namur) examine les obligations du Fonds des Maladies Professionnelles en cas de restitution d’indu, étant essentiellement l’obligation d’adresser une notification de sa décision de récupération des prestations, conformément au prescrit de l’article 44 des lois coordonnées ainsi que celles des organismes financiers.

Objet du litige

Le litige porte d’une part sur les conséquences de la non-information au Fonds des Maladies Professionnelles du décès d’un assuré social, ainsi que sur les conséquences sur le plan de la répétition de l’indu de la poursuite du paiement des prestations par le Fonds pendant plusieurs années et d’autre part sur les conditions de régularité de la récupération.

Les faits

Un assuré social décède en 2002. Il bénéficiait d’indemnités à charge du F.M.P. depuis plusieurs années. Celles-ci étaient versées sur un compte spécial et, dans le cadre de la liquidation de la succession, la veuve a donné instruction à la banque de maintenir ce compte à son nom, les indemnités continuant à y être versées, et ce jusqu’à fin novembre 2012, date à laquelle le décès fut appris, suite au croisement de données avec le registre national.

Vu que la convention entre le Fonds et l’organisme bancaire prévoit qu’en cas de décès du bénéficiaire, l’organisme financier s’engage à rembourser l’indu, le Fonds se tourne vers ce dernier aux fins de récupérer les indemnités pour la période en cause, d’un montant de l’ordre de 21.500 €. Dans un courrier ultérieur, le Fonds fait grief à la banque de ne pas avoir effectué les vérifications en matière d’identification de ses clients.

La veuve avait, pour sa part, lors de l’ouverture du compte en 1992, également signé un document autorisant l’organisme financier à restituer au Fonds toutes sommes indues, et ce sur simple demande de celui-ci. Ceci vaut également au-delà du décès et grève ainsi sa succession. Dans la même convention, le signataire prenait également l’engagement d’informer le F.M.P. de tout fait pouvant modifier le droit au paiement et de produire à la demande du F.M.P. une attestation de vie ou d’état civil.

L’intéressée présente dès lors, suite au remboursement effectué par sa banque, un solde débiteur important.

Elle introduit un recours devant le Tribunal du travail de Liège (division Namur). Elle y demande que soit retenu au titre d’indu un montant de 1.870 euros environ, le remboursement du F.M.P. – et le prélèvement sur son compte bancaire – ne pouvant dès lors s’effectuer qu’à concurrence de ce montant (s’agissant de l’application du délai de prescription de 6 mois inscrit à l’article 44, § 2, alinéa 2, des lois coordonnées le 3 juin 1970).

La décision du tribunal

Dans son jugement du 4 novembre 2014, le tribunal rejette la limitation de la récupération aux six derniers mois et retient que le délai pour la répétition de l’indu est de 3 ans, disposition opposable à la banque. La réouverture des débats est ordonnée aux fins de permettre au F.M.P. d’établir le montant total de l’indu.

L’appel

Celui-ci interjette appel, reprochant au premier juge d’avoir limité les sommes auxquelles la banque était redevable envers lui en application de l’article 44 des lois coordonnées. Il rappelle les courriers qu’il a expédiés à l’organisme bancaire, courriers par lesquels il invitait celui-ci à procéder au remboursement.

La décision de la cour

La cour doit, ainsi, examiner la question de la prescription eu égard à la convention conclue entre le F.M.P. et la banque.

Elle rappelle le système en vigueur : des conventions spécifiques conclues entre le Fonds et les organismes financiers déterminent les obligations des banques concernant le remboursement de l’indu. Le paiement des prestations peut en effet être fait par virement sur un compte ouvert auprès d’un de ces organismes financiers, qui a conclu la convention-type (le modèle étant établi par le SPF Affaires sociales). Les formulaires sont réglementés, un exemplaire étant réservé au titulaire du compte. Les banques sont cependant autorisées à en modifier le libellé en fonction de leurs besoins internes.

La cour rejette dès lors le premier argument de la veuve, selon lequel le formulaire qui la concerne ne correspondrait pas au prescrit légal.

Sur la prescription, la cour commence par rappeler que l’intéressée n’a jamais signalé le décès au Fonds, la banque ne l’ayant pas fait davantage, alors qu’elle était au courant de celui-ci et était tenue de l’informer.

La cour renvoie à un arrêt de la Cour de cassation du 11 mai 1981 (Cass., 11 mai 1981, n° 6.145), qui a rappelé que le remboursement de l’indu en la matière ne peut être réclamé sauf s’il y a eu moyens frauduleux. L’article 44 des lois coordonnées ne fait pas de distinction suivant la cause du paiement indu (hors cette exception), ni suivant la personne à qui les fonds ont été versés (bénéficiaire ou ayant-droit au sens des lois coordonnées, ou encore en vertu d’une dévolution successorale).

Il est acquis aux débats que le Fonds n’a par ailleurs jamais adressé de recommandé à l’intéressée aux fins de l’informer de la récupération. Pour la cour, il faut appliquer la règle habituelle en matière de prescription, étant celle figurant au § 2 de l’article 44, qui retient un délai de 3 ans à compter de la date à laquelle le paiement a été effectué (un délai plus court – de 6 mois – étant prévu si le paiement résulte uniquement d’une erreur du Fonds dont le bénéficiaire ne pouvait normalement se rendre compte). Le délai de 3 ans est porté à 5 ans en cas de manœuvres frauduleuses ou de déclarations fausses ou sciemment incomplètes.

La cour reprend également les mentions que doit contenir la décision de récupération, mentions à défaut desquelles le délai de recours ne commence pas à courir. Elle souligne encore que la décision de récupération ne peut être exécutée qu’à l’expiration du délai de recours en justice.

Elle conclut au non-respect par le F.M.P. du prescrit de cette disposition, dont le Fonds a contourné les règles en procédant à une récupération directe auprès de la banque. Eu égard à la convention signée entre le titulaire du compte et l’organisme, autorisant ce dernier à restituer au Fonds les prestations indues sur simple demande de celui-ci, la cour constate que la banque était autorisée à procéder à la restitution et, par ailleurs, que, eu égard au règlement général des opérations, tout débit de compte doit être remboursé par le client.

Quant à l’intéressée, qui recevait des avis de paiement au nom de son époux décédé, elle agissait en connaissance de cause et la cour relève qu’elle a maintenu l’existence des deux comptes, l’un servant uniquement aux paiements de la prestation sociale.

Il en découle que toutes les parties ont une part de responsabilité, celle de la banque étant d’avoir causé un préjudice financier à sa cliente du fait du remboursement de l’intégralité de la somme réclamée par le F.M.P., ce qui a engendré des intérêts débiteurs contractuels.

Pour le Fonds, la procédure normale eut été en premier lieu de notifier la décision de récupération. Ne le faisant pas, il a choisi la voie la plus préjudiciable pour l’intéressée. Ceci a été fait en connaissance de cause.

La cour décide, en conséquence, d’appliquer le délai de prescription de 3 ans. Le remboursement de la différence sur le compte de l’intéressée est ordonné. La cour fonde sa conclusion sur la considération que, si l’intéressée avait reçu une décision administrative en bonne et due forme, réclamant le montant correspondant à ce délai, la banque n’aurait été autorisée qu’à payer celui-ci.

Un dernier point est réservé à la question des intérêts, étant essentiellement les intérêts bancaires débiteurs eu égard au fait que chaque partie a commis une faute. La cour considère que chacune doit en conséquence assumer la part de responsabilité qui lui revient et, sur la question des intérêts, même si ceux-ci sont prévus contractuellement, c’est la banque qui a payé indûment le F.M.P. et non l’intéressée qui aurait dépassé la limite autorisée sur son compte.

La cour confirme dès lors le jugement dans toutes ses dispositions.

Intérêt de la décision

Cette question d’indu se corse, en l’espèce, eu égard aux règles de droit bancaire, et ce dans une situation spécifique où chacune des parties a commis une faute.

Les conséquences du non-respect par le Fonds des Maladies Professionnelles sont abordées sur le plan de la prescription, la cour considérant que, de ce fait, il y a lieu à appliquer la règle de prescription de 3 ans, ce qui aboutit à ne pas retenir les manœuvres frauduleuses au motif que l’intéressée n’aurait pas reçu les notifications légales que tant le F.M.P. que la banque devaient lui adresser.

L’arrêt rappelle également les règles en matière de répétition d’indû en la matière, reprises à l’article 44 de la loi coordonnée : la décision de récupération doit préalablement faire l’objet d’une notification et elle ne pourra être exécutée qu’à l’issue du délai de recours en justice.


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