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Règlements de coordination et périodes d’assurance à prendre en compte pour le calcul d’une prestation de sécurité sociale

Commentaire de C. trav. Bruxelles, 29 septembre 2016, R.G. 2015/AB/83

Mis en ligne le mardi 14 mars 2017


Cour du travail de Bruxelles, 29 septembre 2016, R.G. 2015/AB/83

Terra Laboris

Dans un arrêt du 29 septembre 2016, la Cour du travail de Bruxelles examine, à l’occasion d’un dossier de pension de retraite, le mécanisme des règlements de coordination, étant en l’espèce le Règlement 883/2004, en ce qu’il définit les périodes d’assurance à prendre en compte pour l’octroi d’une prestation de sécurité sociale. Elle rappelle également qu’une période d’incapacité de travail qui a suivi – mais non immédiatement - la fin de la dernière activité professionnelle doit bénéficier de l’assimilation, seul étant exigé ici que la dernière activité professionnelle antérieure relève du régime de la sécurité sociale des travailleurs salariés.

Les faits

Une employée, licenciée en 2001 avec une indemnité compensatoire de préavis de 24 mois, ne reprend par la suite aucune activité professionnelle. Elle réside au Grand-Duché de Luxembourg et est à charge du secteur chômage dans le régime luxembourgeois après la période couverte par l’indemnité compensatoire de préavis. En 2005, elle bénéficie en outre d’indemnités d’invalidité dans le système belge, et ce jusqu’à la prise de cours de sa pension de retraite, en mars 2012. Elle a introduit une demande de pension quelques mois auparavant. L’O.N.P. lui retient une carrière de salariée de 41/45es.

L’intéressée introduit un recours, demandant une correction pour le début de la carrière (années 1971, 1974 et 1975, ainsi que pour les années 2003 à 2011), s’agissant pour ces dernières d’une rectification du calcul de la pension, tenant compte des rémunérations réelles et fictives.

Par jugement du 23 décembre 2014, le Tribunal du travail de Nivelles confirme la décision de l’O.N.P.

L’intéressée interjette appel.

Position des parties devant la cour

L’appelante demande que soit revue sa carrière, étant essentiellement que doit être prise en compte l’indemnité compensatoire de préavis et, ensuite, la période où elle a été incapacité de travail (incapacité reconnue par la Caisse d’assurance pension du Luxembourg et également par l’I.N.A.M.I.). Il y a dès lors assimilation au sens de l’arrêté royal du 21 décembre 1967 portant règlement général du régime de pension de retraite et de survie des travailleurs salariés. Sur les calculs, l’intéressée fait valoir des erreurs en ce qui concerne les montants de base pour le début de la carrière et, pour la période de 2003 à 2011, sollicite qu’il soit procédé au calcul des rémunérations fictives, le calcul correct devant être fait tant pour la pension nationale, la pension théorique et la pension proportionnelle conformément au Règlement 883/2004.

Quant à l’Office, il fait valoir deux types d’argument.

Les problèmes du début de carrière visent essentiellement le plafond de rémunération à prendre en considération. Il rappelle que, depuis le 1er janvier 2010, le Service « Carrières » de l’O.N.P. a repris les tâches et compétences de l’A.S.B.L. CIMIRE et qu’il ressort de l’extrait de compte individuel que le nombre de jours d’occupation effectifs et assimilés, de même que la rémunération perçue, sont ceux sur la base desquels la décision a été prise.

Pour la période de 2003 à 2011, il s’agit essentiellement d’examiner la période couverte par l’indemnité d’incapacité de travail. Celle-ci peut être assimilée mais, selon l’Office, à la condition que le travailleur ait été occupé au moment où l’événement donnant lieu à l’assimilation se produit ou qu’il soit déjà à ce moment dans une période d’inactivité assimilée.

La décision de la cour

La cour procède également en deux étapes, la première consistant à déterminer les rémunérations à prendre en compte en début de carrière. Si l’O.N.P. s’est basé sur un compte individuel (conformément à l’arrêté royal n° 50 et à son arrêté d’exécution), celui-ci ne reprend pas en espèce les trois années litigieuses et la carrière peut être prouvée par d’autres documents.

Pour la fin de la carrière, la cour constate en premier lieu une erreur dans les informations données par les autorités luxembourgeoises, l’intéressée n’ayant pas repris d’activité à l’issue de la période couverte par l’indemnité compensatoire de préavis, mais ayant été prise en charge par les services de l’emploi dans un premier temps et dans le secteur assurance maladie ensuite. Il en découle que la carrière a été effectuée principalement en Belgique. Le Règlement CE n° 883/2004 doit trouver à s’appliquer. Vu les revenus de remplacement perçus au Luxembourg, ces périodes doivent être considérées comme accomplies sous la législation belge.
En ce qui concerne la période d’incapacité de travail, celle-ci a suivi la fin de la dernière activité professionnelle. La cour précise ici qu’il n’est pas exigé que cette activité précède immédiatement la période d’incapacité, l’article 34, § 2.2, de l’arrêté royal imposant uniquement, pour bénéficier de l’assimilation, que la dernière activité professionnelle antérieure relève du régime de la sécurité sociale des travailleurs salariés.

La cour calcule ainsi la rémunération fictive, celle-ci devant se faire au départ de la dernière rémunération annuelle brute.

La cour va encore vérifier les règles de plafonnement des rémunérations, retenant que les allocations de chômage qui précèdent la période d’incapacité et d’invalidité représentent une période continue pour ce qui est de l’assimilation. Il n’y a dès lors pas eu de prestation relevant d’un autre Etat-membre. Pour les années 2005 à 2011, la rémunération fictive doit dès lors être la moyenne journalière des rémunérations réelles forfaitaires et fictives afférentes à l’année civile précédente. Il y a dès lors lieu à assimilation mais sans réduction, ni la résidence au grand-Duché de Luxembourg ni la perception d’allocations de chômage ne pouvant avoir pour effet de réduire les rémunérations fictives. Un recalcul est dès lors ordonné par la cour.

Intérêt de la décision

La cour a relevé un point important, dans ce type de carrière, étant qu’en cas d’incapacité de travail, il n’est pas exigé que l’activité professionnelle précède immédiatement celle-ci, l’article 34, § 2.2, de l’arrêté royal du 19 décembre 1967 n’imposant pas cette exigence mais soumettant le bénéfice de l’assimilation à la condition que la dernière activité professionnelle antérieure relève du régime des travailleurs salariés.

En outre, l’arrêt reprend les règles dégagées par le Règlement CE n° 883/2004 du 29 avril 2004 en ce qui concerne les périodes d’assurance à prendre en compte pour le calcul de la prestation, étant qu’il faut viser les périodes de cotisations, d’emploi ou d’activité non salariées, telles qu’elles sont finies ou admises comme périodes d’assurance par la législation sous laquelle elles ont été accomplies ou sont considérées comme accomplies, ainsi que toutes les périodes assimilées, dans la mesure où elles sont reconnues par cette législation comme équivalant aux périodes d’assurance (article 1er, § 1er, t)).


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