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Titres-repas et cotisations de sécurité sociale : examen de chaque situation au cas par cas

Commentaire de C. trav. Bruxelles, 9 août 2016, R.G. 2014/AB/939

Mis en ligne le lundi 13 mars 2017


Cour du travail de Bruxelles, 9 août 2016, R.G. n° 2014/AB/939

Terra Laboris

Dans un arrêt du 9 août 2016, la Cour du travail de Bruxelles reprend les conditions dans lesquelles les titres-repas peuvent être exemptés de cotisations de sécurité sociale, examinant particulièrement celles de l’octroi en remplacement ou en conversion d’avantages rémunératoires ou autres.

Les faits

Une intercommunale, issue de la fusion de plusieurs hôpitaux, signe au sein du comité de négociation un accord relatif à la prime de programmation sociale et aux titres-repas. Sur la prime, il est prévu d’en inscrire les modalités d’octroi dans le règlement de travail et de négocier chaque année un protocole d’accord sur son octroi. Pour les titres-repas, il est acté qu’une négociation doit également intervenir annuellement.

Il s’avère que ces décisions, intervenues en 2000, ont fait l’objet de différents protocoles annuels en vertu desquels la prime de programmation sociale n’a pas été payée pour des raisons financières mais que les titres-repas l’ont été.
En 2006, l’ONSSAPL effectue une enquête qui n’aura pas d’incidence sur le fond du litige, seule une irrégularité comptable étant relevée.
A partir de 2010, la prime de programmation est cependant payée à nouveau et les titres-repas sont supprimés.

Suite à une nouvelle enquête, l’ONSSAPL relève « un faisceau d’indices » susceptibles d’établir une corrélation entre les deux avantages. Les cotisations sociales sur la part patronale des titres-repas sont dès lors demandées.
Le litige est porté devant le tribunal du travail, par comparution volontaire, en 2012.

Pour l’employeur, les titres-repas n’ont pas été accordés en remplacement ou en conversion de la rémunération ou de prime ou d’avantage en nature ou encore d’un quelconque autre avantage ou complément.

Le tribunal a suivi l’administration et l’employeur a interjeté appel.

Décision de la cour

Le texte de référence est l’article 14 de la loi du 27 juin 1969 révisant l’arrêté-loi du 28 décembre 1944 concernant la sécurité sociale des travailleurs.

Il renvoie, pour la rémunération de base pour le calcul des cotisations de sécurité sociale, à l’article 2 de la loi du 12 avril 1965, la notion pouvant être élargie ou restreinte par le Roi.

Les titres-repas sont plus spécifiquement visés à l’article 19bis de l’arrêté royal du 28 novembre 1969. Ils constituent en principe de la rémunération sauf si diverses conditions sont remplies. La cour relève que ceux-ci ne peuvent pas avoir été octroyés en remplacement ou en conversion d’éléments rémunératoires précisés ci-dessus. Si tel est le cas, l’exclusion porte sur la totalité du montant (la cour renvoyant à l’arrêt de la Cour de cassation du 6 mai 2002, n° S.01.0174.N).

Elle reprend également un arrêt rendu par la même cour du travail le 6 mars 2013 (C. trav. Bruxelles, 6 mars 2013, R.G. n° 2011/AB/219), qui a relevé que le remplacement ne doit pas nécessairement concerner un droit acquis et qu’il n’est pas requis que l’avantage remplacé et l’avantage qui le remplace soient de même nature. Il s’agissait en l’occurrence d’une prime qui, sans être acquise, avait cependant été accordée en contrepartie du travail et constituait dès lors de la rémunération.

En l’espèce, la cour examine les conditions d’octroi des avantages, relevant le mode de détermination de l’octroi (révision annuelle) et retenant que la prime de programmation est devenue conditionnelle. Il n’est, pour la cour, pas possible d’affirmer, puisqu’elle n’a pas disparu, qu’elle aurait été convertie en titres-repas ou remplacée par ceux-ci. Elle restait dès lors en principe toujours d’application même si la condition financière à laquelle elle a été soumise n’a pas permis le paiement. La cour relève que ceci a été constaté plusieurs fois au fil du temps.

Le simple fait de la concordance des dates n’est pas suffisant, la cour relevant d’ailleurs que cette concordance n’est pas complète. Dans la mesure où le protocole d’accord et le règlement de travail (qui a confirmé la possibilité d’octroi des avantages) ne permettent pas de retenir un accord des parties sur un remplacement, les deux restaient possibles, même si la programmation sociale n’a pas été accordée pendant plusieurs années. Il n’y a dès lors pas remplacement au sens légal et les titres-repas ne constituent pas de la rémunération passible de cotisations de sécurité sociale.

Intérêt de la décision

La cour du travail a rendu deux arrêts le même jour (C. trav. Bruxelles, 9 août 2016, R.G. n° 2014AB/939 – arrêt commenté – et C. trav. Bruxelles, 9 août 2016, R.G. n° 2014/AB/940) concernant une association intercommunale. Dans ce second arrêt, la cour a relevé que n’était pas davantage établie l’existence d’un remplacement mais seulement que l’octroi éventuel d’une prime de programmation sociale était également subordonné à l’examen de la situation financière de l’institution.

Relevons, cependant, que la même cour du travail (autrement composée) a considéré dans un arrêt du 8 septembre 2016 (C. trav. Bruxelles, 8 septembre 2016, R.G. n° 2014/AB/383), à propos d’un CPAS, qu’il y avait remplacement.
Il s’agissait d’une prime de fin d’année (prévue à l’arrêté royal du 23 octobre 1979 accordant une allocation de fin d’année à certains titulaires d’une fonction rémunérée à charge du trésor public) qui avait été supprimée en 1997 et rétablie progressivement à partir de 1998. La cour avait relevé que le montant de la prime de fin d’année était demeuré largement inférieur au montant antérieur et que des titres-repas avaient été accordés.

Pour la cour du travail, il était établi que, en cas de rétablissement partiel de l’avantage initialement remplacé, comme en l’espèce, la fin du remplacement n’aurait lieu que lorsque l’avantage remplacé serait rétabli dans son intégralité, la réintroduction partielle laissant toujours subsister un remplacement partiel. La cour s’était attachée à cet aspect de la question, relevant que le mot « partiel » ne figure plus dans le texte actuel de l’article 19bis, § 1er, 2e alinéa, mais que le concept de remplacement lui-même n’avait pas changé. La cour y avait conclu que les montants avaient un caractère rémunératoire et devaient dès lors faire l’objet de cotisations de sécurité sociale.


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