Terralaboris asbl

Conditions d’admissibilité et travail à l’étranger : une précision de la Cour de cassation en cas de temps partiel effectué en Belgique

Commentaire de Cass., 31 octobre 2016, n° S.15.0024.F

Mis en ligne le lundi 27 février 2017


Cour de cassation, 31 octobre 2016, n° S.15.0024.F

Terra Laboris

Pour que les prestations de travail à l’étranger soient prises en considération dans le calcul du stage, il est requis que le demandeur d’allocations de chômage effectue, après lesdites prestations à l’étranger, des prestations de travail en Belgique, mais l’article 37§2 al.2 de l’arrêté royal du 25 novembre 1991 n’exige pas que, si celles-ci sont accomplies dans un emploi à temps partiel, le chômeur réponde aux conditions d’admissibilité à temps plein au moment où il est entré dans le régime de travail à temps partiel.

Faits de la cause

Mr P.M., de de nationalité tchèque, est musicien et travaillait dans son pays à temps plein. Il a été engagé en Belgique à partir du 8 septembre 2008 pour un travail de musicien à temps partiel à raison de 2,5 heures par semaine. Il a introduit une demande en vue d’obtenir le statut de travailleur à temps partiel avec maintien des droits et de se voir octroyer une allocation de garantie de revenus avec effet au 8 septembre 2008. Cette première demande a été refusée par l’ONEm le 22 juillet 2009.

Entre-temps, le 23 juin 2009, son contrat de travail avait pris fin et il avait introduit une demande en vue de bénéficier des allocations de chômage à temps plein à partir du 24 juin. Cette deuxième demande a été refusée par une décision de l’ONEm du 26 août 2009.

Mr P.M. a introduit des recours recevables contre ces deux décisions.

Au début de l’année scolaire 2009, il a à nouveau été engagé à temps partiel et a introduit une nouvelle demande avec effet au 7 septembre 2009.

Par un jugement du 11 septembre 2012, le tribunal a déclaré les prétentions de Mr P.M. partiellement fondées, décidant : que le demandeur était admissible au bénéfice des allocations de chômage à temps plein à partir du 8 septembre 2008, qu’il pouvait donc bénéficier de l’allocation de garantie de revenus et qu’il pouvait prétendre au bénéfice des allocations de chômage à temps plein à partir du 24 juin 2009. Il a « donné acte aux parties que Monsieur M. était indemnisé en tant que chômeur à temps plein à partir du 7 septembre 2009 ». On précisera néanmoins que la question de son droit à l’allocation de garantie de revenus à partir du 7 septembre 2009 paraît avoir continué à faire partie du litige.

L’ONEm et le chômeur ont interjeté appel de cette décision.

L’arrête attaqué

L’arrêt prononcé par la Cour du travail de Bruxelles distingue trois périodes :

  • La période débutant le 8 septembre 2008 pour laquelle la cour décide d’interroger la Cour de justice sur la question si l’article 37§2, de l’arrêté royal du 25 novembre 1991 en ce qu’il « semble (…) avoir comme conséquence qu’un ressortissant européen ayant exercé son droit à la libre circulation vers la Belgique, ne pourrait revendiquer la totalisation de ses périodes de travail effectuées à l’étranger, en vue d’obtenir les allocations de garantie de revenus destinées à compléter son salaire à temps partiel qu’après une première période de travail en Belgique » est conforme au droit de l’Union ;
  • La période débutant le 24 juin 2009, pour laquelle la cour décide que, dans la période de référence, les prestations de travail en Tchéquie puis en Belgique totalisent plus de la moitié des journées requises ; Mr M.P. peut donc faire appel à son passé professionnel dans les 10 ans précédant la période de référence (article 32,1er AR) ; dans la mesure où il justifie de 1.560 journées de travail au moins dans cette période, il était admissible comme travailleur à temps plein et
  • La période débutant le 7 septembre 2009 pour laquelle la cour déduit de sa décision sur la deuxième période que Mr M.P. était admissible au bénéfice des allocations de garantie de revenus.

Le pourvoi

L’ONEm soutient qu’il ressort de la combinaison des articles 29 § 2, 1°, a), et § 4, 33, 37 § 2, al. 2, 55 al.1er in fine, 103, 104 § 1er, 131bis § 5 de l’A.R. du 25 novembre 1991 que « le régime d’indemnisation du travailleur à temps partiel est fonction du statut du travailleur pendant son occupation à temps partiel et que le travailleur à temps partiel qui ne répondait pas aux conditions d’admissibilité à temps plein au moment où il est entré dans le régime de travail à temps partiel ne peut bénéficier des allocations de chômage à temps plein à la fin de son occupation à temps partiel, ni d’une allocation de garantie de revenus en cas de reprise du travail » (p. 10 de la requête reproduite avec l’arrêt commenté sur Juridat). Le moyen en déduit que l’arrêt attaqué ne pouvait décider que Mr M.P. était dans les conditions pour bénéficier des allocations de chômage à temps plein à partir du 24 juin 2009 « tout en admettant « que le texte de l’article 37§ 2 AR excluait que, lors de de son premier emploi en Belgique, (Mr M.P.) puisse être considéré comme un travailleur à temps partiel avec maintien des droits à défaut d’avoir travaillé antérieurement en Belgique » et en posant à la Cour de Justice deux questions préjudicielles sur la conformité de cette disposition au droit européen.

L’arrêt commenté

La Cour décide que c’est vainement que l’ONEm critique la décision de l’arrêt attaqué que Mr M.P. avait droit aux allocations de chômage à temps plein du 24 juin au 6 septembre 2009. En effet, l’article 37 § 2 de l’A.R. subordonne la prise en considération d’un travail à l’étranger répondant aux conditions de l’alinéa 1er ( à savoir que ce travail l’ait été dans un emploi qui en Belgique donnerait lieu à des retenues de sécurité sociale y compris pour le secteur du chômage, ce qui n’était pas contesté en l’espèce) à l’accomplissement après ce travail d’une période de travail comme salarié en vertu de la réglementation belge mais « n’exige pas que le travailleur qui a accompli à temps partiel lesdites périodes de travail satisfasse aux conditions d’admissibilité et d’octroi pour bénéficier des allocations de chômage comme travailleur à temps plein au moment où il est entré dans le régime de travail à temps partiel ».

L’arrêt attaqué contient donc toutes les constatations justifiant légalement sa décision que Mr M.P. a accompli, depuis le 8 septembre 2008 jusqu’au 23 juin 2009, des périodes de travail comme salarié en vertu de la législation belge, de sorte que, en considération du travail, effectué en Tchéquie, il a droit aux allocations de chômage à temps plein du 24 juin au 6 septembre 2009. En outre, satisfaisant aux conditions d’admissibilité et d’octroi pour bénéficier des allocations comme travailleur à temps plein lorsqu’il a, le 7 septembre 2009, repris le travail à temps partiel, ce travailleur pouvait bénéficier à partir de cette date des allocations de chômage pour ses heures d’inactivité.

Intérêt de la décision

La Cour s’est prononcée sur la portée de l’article 37 § 2 de l’A.R. dans la version applicable au litige. Cette disposition a été modifiée par l’arrêté royal de 11 septembre 2016 en ce sens qu’il ne suffit plus comme auparavant d’avoir presté au moins un jour en Belgique dans les conditions prévues par cette disposition ; il faut désormais que ce travail ait été exercé pendant trois mois au moins, exigence qui ne modifie pas l’enseignement de l’arrêt commenté que le travail exécuté en Belgique après le travail à l’étranger peut l’être à temps partiel. ( Arrêté royal modifiant les articles 36, 37, 38, 42, 42bis, 48, 118, 130, 133 en 153 de l’arrêté royal du 25 novembre 1991 portant réglementation du chômage et y insérant un article 139/1, insérant un article 3/1 dans l’arrêté royal du 2 juin 2012 portant exécution du Chapitre 6 de la loi du 12 avril 2011 modifiant la loi du 1er février 2011 portant la prolongation de mesures de crise et l’exécution de l’accord interprofessionnel, et exécutant le compromis du Gouvernement relatif au projet d’accord interprofessionnel et insérant un article 5/1 dans l’arrêté royal du 9 janvier 2014 relatif à l’indemnité en compensation du licenciement, visant des économies et des dispositions contre l’abus de droit - entrée en vigueur le 1er octobre 2016).


Accueil du site  |  Contact  |  © 2007-2010 Terra Laboris asbl  |  Webdesign : michelthome.com | isi.be