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Demande de remboursement de prestations sociales : incidence du décès sur les règles prescription

Commentaire de C. trav. Mons, 27 octobre 2016, R.G. 2015/AM/414

Mis en ligne le lundi 30 janvier 2017


Cour du travail de Mons, 27 octobre 2016, R.G. 2015/AM/414

Terra Laboris

Dans un arrêt du 27 octobre 2016, la Cour du travail de Mons examine, à l’occasion d’une demande de remboursement de l’ONEm, les règles de prescription en ce qui concerne le recouvrement et, plus particulièrement, la question de l’incidence du décès sur les causes d’interruption qui pourraient intervenir.

Les faits

Une exclusion du bénéfice des allocations de chômage est décidée par l’ONEm le 23 janvier 1985, celle-ci incluant également une récupération et une sanction administrative. Un recours est formé dans le délai. L’intéressé décède rapidement (avril 1985). Après le décès, soit en 1988, l’ONEm demande sa condamnation au remboursement des allocations de chômage perçues indûment. Il ne procédera à une citation forcée en reprise d’instance par la veuve que six ans plus tard, soit en 1994.

L’ONEm dépose, près de vingt ans plus tard, soit en mars 2013, des conclusions demandant la condamnation de l’intéressée au remboursement des allocations.

La décision du tribunal

Par jugement du 8 janvier 2014, le Tribunal du travail de Charleroi ordonne la réouverture des débats, la veuve soulevant un moyen de prescription : elle fait valoir que la demande reconventionnelle a été introduite par des conclusions prises contre son de cujus en 1988 (conclusions déposées en 1993), alors que, à ce moment, le décès était intervenu et que la citation en reprise d’instance n’avait pas encore été lancée.

Le tribunal rend un second jugement, vidant sa saisine, le 14 octobre 2015. Il conclut à la prescription.

L’ONEm interjette appel, au motif que la prescription aurait été valablement interrompue par la citation en reprise d’instance, signifiée avant l’expiration du délai de prescription de 10 ans. Il demande dès lors de condamner la partie intimée au remboursement, soit un montant de 4.500 € environ, à majorer des intérêts… depuis le 25 février 1985.

L’intimée estime pour sa part que ni les conclusions (prises en 1988 et déposées en 1993) ni la citation de 1994 ne sont des causes d’interruption valables. La demande figurant dans les conclusions déposées en 2013 est dès lors prescrite.

La décision de la cour

La cour répond essentiellement en droit, abordant les règles en matière de recouvrement d’indu.

Elle rappelle le délai de 3 ou 5 ans (en cas de fraude ou de dol) contenu à l’article 7, § 13, alinéa 2, de l’arrêté royal du 28 décembre 1944 concernant la sécurité sociale des travailleurs. Il s’agit, dans le cas de l’ONEm, du délai dans lequel il peut se délivrer un titre exécutoire. La cour rappelle cependant que la disposition ci-dessus ne soumet pas l’action en récupération d’indu à un délai spécifique. Il en découle qu’il faut renvoyer aux règles de droit civil, étant d’appliquer la prescription ordinaire de 10 ans.

Un deuxième point à régler est celui de la règle à suivre lorsqu’il y a, en matière civile, une loi nouvelle prévoyant un délai de prescription plus court que celui prévu par la loi antérieure et que le droit est né avant l’entrée en vigueur de cette loi nouvelle, aucune règle particulière n’étant fixée par le législateur. Dans cette hypothèse, le nouveau délai de prescription commence à courir au plus tôt à l’entrée en vigueur de la loi nouvelle, mais il ne peut pas faire obstacle à la prescription qui a pris cours antérieurement, et ce conformément à l’ancienne loi. En l’espèce, la prescription est donc de 10 ans, soit le délai fixé par la loi du 10 juin 1998, qui a inséré l’article 2262bis, § 1er , dans le Code civil.

La cour en vient ensuite à la question de l’interruption de cette prescription, eu égard au décès de l’intéressé survenu en 1985. Les conclusions déposées contre celui-ci, et ce après son décès, ne constituent pas une cause d’interruption. Le décès ayant été valablement notifié dès le mois de novembre 1985, l’instance a été interrompue (article 815 C.J.) et tous les actes accomplis postérieurement sont nuls. Seuls demeurent ceux posés antérieurement, qui restent valables.

Les conclusions déposées ne peuvent dès lors être admises comme cause d’interruption.

La cour estime que ne peut davantage l’être la citation en reprise d’instance, dans la mesure où celle-ci se bornait à entendre condamner la veuve à reprendre l’instance et à l’entendre condamner aux frais et dépens de celle-ci.

La cour reprend les règles en matière de citation interruptive de prescription, étant que, pour avoir ce caractère, la demande en justice doit tendre à faire reconnaître le droit et, s’il s’agit du paiement d’une somme d’argent, le créancier doit manifester une telle volonté. L’acte ne doit dès lors laisser planer aucun doute.

La cour constate qu’en l’espèce, la citation reste muette quant à la volonté d’obtenir un paiement et qu’aucune demande n’y figure.

Les conclusions déposées au greffe pourraient être admises, mais elles l’ont été en 2013 seulement, soit après l’expiration du délai de prescription.

La cour confirme dès lors le jugement.

Intérêt de la décision

Cet arrêt de la Cour du travail de Mons rappelle trois corps de règles. Le premier est spécifique à la matière du chômage, étant la portée de l’article 7, § 13, alinéa 2, de l’arrêté royal du 28 décembre 1944, qui vise le délai dont l’ONEm dispose pour se délivrer un titre exécutoire, mais non l’action en récupération d’indu elle-même.

Les deux autres questions sont plus générales, étant d’une part le délai de prescription « raccourci » par une loi nouvelle, ainsi que les effets du décès d’une partie sur les actes de procédure et donc les effets de l’interruption de l’instance. L’on notera ici l’importance du libellé de la citation en reprise d’instance, dans la mesure où il déterminera son caractère interruptif de prescription.


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