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Demande de suspension des dettes ONSS quand le débiteur est également créancier impayé de l’Etat Belge : attention au formalisme

Commentaire de C. trav. Liège, 23 octobre 2007, R.G. 8.214/2006

Mis en ligne le vendredi 21 mars 2008


Cour du Travail de Liège, 23 octobre 2007, R.G. 8214

TERRA LABORIS ASBL – Sophie REMOUCHAMPS

Dans un arrêt du 23 octobre 2007, la cour du travail de Liège dégage une solution pragmatique et originale dans le cas où un employeur, débiteur de cotisations vis-à-vis de l’ONSS, avait demandé la suspension de la créance de l’ONSS, étant lui-même créancier de l’Etat belge. Si la cour constate que la procédure doit être suivie par le débiteur, elle estime, vu que les conditions pour obtenir la suspension sont réunies, qu’il y a lieu de donner un délai à l’employeur pour régulariser la situation.

Les faits

La société X, active dans le secteur du transport, effectue régulièrement des transports au profit d’une prison wallonne et de la police fédérale.

Certaines des factures adressées par la société à l’Etat belge n’ont jamais été honorées.

Parallèlement, la société n’a pas régulièrement payé l’intégralité des cotisations de sécurité sociale. Elle est en conséquence assignée, en septembre 2004, par l’ONSS.

Après l’introduction de cette procédure, un premier paiement intervient et la société adresse, en janvier 2005, une télécopie par laquelle elle demande l’application de la loi du 1er août 1985 et de l’arrêté royal du 11 octobre 1985.

Le courrier est intitulé « requête » et est également envoyé quelques jours plus tard, par courriers recommandés, tant à l’ONSS qu’au SPF Justice.

En réponse, l’ONSS fit valoir que la demande n’a pas été introduite selon les règles prévues par la loi et a joint à son courrier une copie des instructions aux employeurs concernant la question.

Ultérieurement encore, la société a obtenu la preuve de ce que ses créances étaient certaines, liquides et exigibles et qu’elles restaient toujours impayées.

La situation ne s’étant pas débloquée, la procédure fut relancée par l’ONSS. Dans le cadre de celle-ci, l’employeur souhaitait obtenir la suspension de la créance ONSS, du fait des impayés de l’Etat belge.

La décision du tribunal

Le tribunal a fait droit à la demande de suspension de la créance ONSS sollicitée par la société employeur. Il se fonde sur un défaut d’information dans le chef de l’ONSS, qui n’a jamais communiqué le formulaire ad hoc tandis que le texte de l’arrêté royal ne sanctionne ni de nullité ni d’irrecevabilité une demande introduite sans utilisation du formulaire.

La position des parties en degré d’appel

L’ONSS a interjeté appel du jugement, faisant valoir que l’utilisation du formulaire serait indispensable pour que la demande de suspension puisse être prise en considération.

Il fait ainsi grief au tribunal d’avoir suspendu l’exigibilité de la créance, alors que la procédure n’a pas été respectée et que la créance de la société sur l’Etat belge n’est pas établie, faute de respect de la procédure.

La décision de la Cour

Après avoir rappelé le prescrit des articles 87, 88 et 89 de la loi du 1er août 1985, ainsi que les dispositions pertinentes de l’arrêté royal d’exécution du 11 octobre 1985, la cour en retient que, dès lors que les conditions imposées par la loi du 1er août 1985 sont réunies, le débiteur de l’ONSS peut se prévaloir d’un droit subjectif, autorisant les juridictions du travail à statuer sur une demande de suspension et à y faire éventuellement droit.

La cour rappelle par ailleurs que l’absence de réponse du débiteur (en l’espèce l’Etat belge) dans le délai prescrit par la loi ne peut préjudicier la société, l’absence de suite dans le délai prescrit étant présumée être un accord.

La cour relève par ailleurs que la procédure prévue par la loi du 1er août 1985 et l’arrêté d’exécution sont des dispositions dérogatoires à celles contenues dans le Code judiciaire en matière de saisie-arrêt, ce qui suppose, avant toute mise en œuvre de cette procédure spéciale, le respect strict des dispositions.

A cet égard, la cour relève que l’envoi d’un fax ne peut suffire, la réglementation imposant l’envoi de lettres recommandées tant au créancier qu’au débiteur.

La cour relève par ailleurs que si la législation ne réglemente pas le contenu de la lettre recommandée, elle impose cependant qu’aux lettres recommandées soit joint le document dont le modèle figure en annexe de l’arrêté.

Elle estime ainsi que le formulaire est indispensable au respect de la procédure, et ce dès lors qu’il contient toute une série de renseignements qui permettra à l’Etat belge de se prononcer et à l’ONSS de prendre les éventuelles mesures nécessaires.

En l’espèce, ledit formulaire n’a jamais été joint aux demandes formulées par la société et, si cette dernière a communiqué dans sa « requête » certaines des informations contenues dans le formulaire, toutes n’ont pas été fournies à l’ONSS.

La cour retient cependant que, au vu des éléments du dossier, la société remplit bien les conditions pour obtenir la suspension de l’exigibilité de la créance de l’ONSS.

Face à cette situation, qualifiée d’une part d’aberrante, la cour choisit un moyen terme, étant une solution pratique : elle enjoint d’une part à la société de suivre la procédure en respectant les dispositions légales, à savoir en remettant le formulaire manquant, et d’autre part aux autres organismes de se prononcer dans le respect de ladite procédure.

Intérêt de la décision

La décision rappelle les conditions pour obtenir la suspension de la créance ONSS dès lors que l’employeur débiteur est lui-même créancier de l’Etat belge ou d’un organisme d’intérêt public. L’on peut en retenir que toutes les mentions prévues sont nécessaires et que le formulaire doit être remis.

La décision est également intéressante sur le plan judiciaire puisqu’elle apporte une solution originale et pragmatique au problème posé, dès lors qu’il apparaissait que la société remplissait bien les conditions pour obtenir la suspension demandée.

Enfin, cet arrêt confirme le pouvoir des juridictions du travail pour se prononcer sur la suspension d’exigibilité de la dette ONSS.


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