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Engagement au pair : petit rappel des conditions

Commentaire de C. trav. Bruxelles, 25 mai 2016, R.G. 2014/AB/771

Mis en ligne le lundi 12 décembre 2016


Cour du travail de Bruxelles, 25 mai 2016, R.G. 2014/AB/771

Terra Laboris

Dans un arrêt du 25 mai 2016, la Cour du travail de Bruxelles rappelle les conditions pour qu’il y ait engagement au pair, étant qu’il doit s’agir d’un jeune accueilli temporairement en sein d’une famille, où il est logé et nourri, en contrepartie de légères tâches courantes d’ordre familial, en vue de perfectionner ses connaissances linguistiques et d’accroître sa culture générale par une meilleure connaissance du pays en participant à la vie de la famille d’accueil.

Les faits

Une convention est conclue entre un couple et une parente de l’épouse, en vue de s’occuper des enfants. Le contrat prévoit que la personne est « au pair ». Elle bénéficie d’avantages en nature, étant la nourriture et le logement, ainsi que d’un forfait de 1.500 anciens BEF par semaine (l’engagement datant de 1994). L’employeur bénéficie d’une autorisation d’occupation pour un an, demande qu’il renouvelle à son expiration. Celle-ci est refusée. Un recours est introduit. L’intéressée reste dans la famille pendant plusieurs mois.

Rétroactes procéduraux

L’époux sera entendu par les services d’inspection sociale, audition au cours de laquelle il précise qu’après l’expiration de l’autorisation d’occupation, l’intéressée, qui a continué à habiter avec le couple, a effectué des petits travaux ménagers. Des poursuites sont alors diligentées contre le couple devant le tribunal correctionnel pour traite des êtres humains, occupation de main-d’œuvre étrangère sans permis de travail et omission de déclaration complète à l’O.N.S.S. L’intéressée s’était en effet tournée vers une A.S.B.L. (Surya), qui avait relayé sa demande tendant à obtenir l’autorisation de continuer à séjourner sur le territoire.

Dans son arrêt, siégeant en matière correctionnelle, la Cour d’appel de Mons constate que celle-ci avait en sus déposé plainte pour coups et blessures volontaires. La cour se fonde cependant sur les liens familiaux et les éléments de fait pour conclure qu’il n’était pas invraisemblable que le couple n’ait pas mis fin immédiatement au séjour de l’intéressée. Par ailleurs, ceux-ci l’avaient inscrite dans un établissement d’enseignement scolaire. En outre, le paiement de la main à la main de sommes revenant à une jeune fille au pair sans reçu n’apparaît pas pour la cour contraire aux usages, et ce eu égard au contexte particulier de l’espèce.

La cour relève encore que l’intéressée disposait d’une réelle autonomie, vu les occupations professionnelles du couple. Elle constate enfin que celui-ci avait pris toutes dispositions pour qu’elle puisse regagner son pays d’origine, ce qu’elle n’a pas fait.

Pour la cour d’appel, il n’y avait dès lors pas de contrat de travail.

Parallèlement, l’époux a été poursuivi par l’O.N.S.S., devant les juridictions du travail. Ici, le tribunal a confirmé l’existence d’un contrat de travail domestique et, en conséquence, une condamnation au paiement de cotisations a été prononcée. C’est l’appel de ce jugement (en réalité plusieurs jugements) qui fait l’objet de la décision de la Cour du travail de Bruxelles.

Décision de la cour du travail

Celle-ci examine, en premier lieu, le cadre général, renvoyant à l’arrêté royal du 9 juin 1999, portant exécution de la loi du 30 avril 1999 relative à l’occupation des travailleurs étrangers. Pour la cour, celui-ci permet d’éclairer les spécificités de l’engagement au pair, puisqu’e est visée l’hypothèse où un jeune est accueilli temporairement au sein d’une famille, où il est logé et nourri en contrepartie de légères tâches courantes d’ordre familial, et ce en vue de perfectionner ses connaissances linguistiques et d’accroître sa culture générale par une meilleure connaissance du pays que donne la participation à la vie de la famille d’accueil.

La caractéristique de l’engagement au pair est donc l’accueil de la personne dans une famille en échange de services d’ordre ménager ou éducatif. La cour renvoie ici à la doctrine de Ch.-E. CLESSE, « L’assujettissement à la sécurité sociale des travailleurs salariés et indépendants. Aux frontières de la fausse indépendance », 2e éd., Kluwer, coll. Pratique du droit, 2010, p. 194). Il n’y a dès lors pas, contrairement au contrat de travail, des prestations de travail effectuées contre rémunération, mais accueil dans une famille afin de découvrir une culture et un mode de vie différents.

Les parties ayant qualifié leur convention à l’engagement, cette qualification ne peut être écartée et le juge ne pourrait y substituer une qualification différente (contrat de travail domestique) que s’il devait constater des éléments incompatibles avec celle-ci.

En ce qui concerne l’autorité de chose jugée à attacher à l’arrêt de la Cour d’appel, la cour constate que les parties ne sont pas les mêmes et que cet arrêt n’a dès lors pas cette autorité à l’égard de l’O.N.S.S. Les constatations qui ont fondé cette décision et qui ont également été débattues dans le cadre de l’instance devant la cour du travail peuvent toutefois valoir comme renseignements.

La cour en vient, ensuite, à l’examen des éléments de preuve avancés par l’O.N.S.S. et elle conclut que rien ne permet de revenir sur la qualification des parties. Elle réforme dès lors le jugement. L’O.N.S.S. est dès lors débouté de ses demandes.

Intérêt de la décision

Cette espèce est l’occasion de rappeler deux choses : d’une part, l’O.N.S.S. a la charge de la preuve de l’existence d’un contrat de travail, le juge ne pouvant écarter la qualification donnée par les parties que s’il constate des éléments incompatibles avec celle-ci et, d’autre part, si une décision est intervenue au pénal, celle-ci ne peut avoir autorité de chose jugée à l’égard d’une partie à une instance sociale qui n’était pas présente à l’instance pénale (la cour soulignant cependant que les constatations faites par le juge pénal peuvent valoir au titre de renseignements, dans la mesure où elles ont également pu être débattues devant elle).


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