Terralaboris asbl

Frais professionnels forfaitaires et exonération des cotisations de sécurité sociale

Commentaire de C. trav. Bruxelles, 16 mai 2007, R.G. 46.403

Mis en ligne le vendredi 21 mars 2008


Cour du travail de Bruxelles, 16 mai 2007, R.G. 46.403

TERRA LABORIS ASBL – Sophie Remouchamps

Dans un arrêt du 16 mai 2007, la Cour du travail de Bruxelles statue sur l’application des cotisations de sécurité sociale sur des sommes payées au titre de remboursement forfaitaire de frais. Rappelant que la charge de la preuve repose sur l’ONSS, la Cour rejette la demande de celui-ci.

Les faits

La société P.B. octroie à certains de ses travailleurs une somme forfaitaire au titre de remboursement de frais. Il s’agirait de couvrir des dépenses liées à la participation à des manifestations culturelles et sportives, dans le but d’entretenir des relations avec la clientèle présente ou future. Par ailleurs, la société octroie également une voiture de fonction (avec carte essence) ainsi que le remboursement de frais sur justificatifs des employés.

L’ONSS estimant que les sommes allouées au titre de remboursement de frais doivent être soumises aux cotisations de sécurité sociale, s’agissant d’une rémunération, cite l’employeur en paiement de celles-ci.

Cette demande est rejetée par le premier Juge. L’ONSS interjette appel.

Les positions des parties

L’ONSS soutient que la société serait dans l’impossibilité de donner une justification des catégories des dépenses couvertes par les indemnités allouées. Elle se fonde à cet égard sur le fait que la société aurait reconnu la chose, ce qui est, selon elle, un aveu extrajudiciaire. L’ONSS avance également que les remboursements litigieux font double emploi avec les autres remboursements de frais accordés, de même que l’octroi du véhicule de fonction.

La société invoque quant à elle l’irrecevabilité de la demande, eu égard à l’absence d’identification, dans la citation, de l’objet et de la cause de la demande (exception obscuri libelli). Elle soutient par ailleurs que les avis rectificatifs n’étant pas motivés formellement, la Cour ne peut leur donner le moindre effet (application de l’article 159 de la Constitution). Sur le fond, réfutant les arguments de l’ONSS, elle demande la confirmation du jugement. Enfin, elle introduit deux demandes reconventionnelles, visant la condamnation de l’ONSS d’une part au paiement de dommages et intérêts pour appel téméraire et vexatoire et d’autre part au remboursement de ses frais d’avocat.

La décision de la cour

Examinant en premier l’exception obscuri libelli, la Cour la rejette, relevant que ce n’est pas la cause et/ou l’objet de la demande qui manquent de précision mais la justification de celle-ci. Par ailleurs, la Cour relève que la société n’a pu se méprendre sur l’objet de la demande. Quant à l’argument lié à l’absence de motivation formelle, la Cour le rejette, rappelant que l’avis rectificatif n’est pas un acte administratif.

Sur le fond, s’appuyant sur un arrêt du 17 mai 1993 de la Cour de cassation, la Cour rappelle que trois conditions existent pour que les remboursements de frais soient exonérés de cotisations de sécurité sociale, étant que :

  1. les frais ont été effectivement supportés par le travailleur, en raison ou en conséquence de l’exécution du contrat de travail ;
  2. ils sont à la charge de l’employeur, c’est-à-dire que celui-ci est tenu à leur remboursement, en vertu de la loi, d’un engagement unilatéral ou de l’usage ;
  3. l’indemnité allouée correspond à des dépenses réellement exposées par le travailleur.

La Cour rappelle par ailleurs que c’est à l’ONSS que revient la charge de la preuve de l’assujettissement des frais professionnels. En conséquence, ce dernier ne peut se limiter à invoquer l’absence d’indentification (et de preuve) par la société des catégories de frais remboursés. Ceci d’autant plus que la société soutient qu’il s’agit précisément de frais pour lequel la preuve, par les employés, est difficile à fournir.

Quant à l’aveu extrajudiciaire, il est rejeté, l’ONSS se basant sur des déclarations recueillies dans le cadre d’une enquête concernant une autre société. Sur le double emploi, la Cour fait sienne les considérations de la société, étant que les frais forfaitaires couvrent des dépenses différentes de celles remboursées sur justificatifs.

En conséquence, elle confirme le jugement.

Quant aux dommages et intérêts pour appel téméraire et vexatoire, la Cour la rejette. Celle-ci estime en effet que, vu que l’accès à la juridiction d’appel est une liberté publique garantie par la Constitution et le droit supranational, l’exercice d’un appel ne peut être sanctionné qu’en cas de légèreté grave et s’il y a intention malicieuse de nuire. Or, la preuve d’une telle attitude dans le chef de l’ONSS n’est pas établie, de même d’ailleurs que le dommage allégué par la société.

Quant à la demande de répétibilité des honoraires, la Cour, à la demande des parties, réserve à statuer.

Intérêt de la décision

La Cour trace les principes en matière d’assujettissement à la sécurité sociale des sommes allouées au titre de remboursement forfaitaires de frais, faisant supporter à l’ONSS la charge – et le risque – de la preuve.


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