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AMI : Reprise d’un travail non autorisé et conditions d’un nouvel octroi

Commentaire de Cass., 23 mai 2016, n° S.14.0002.F

Mis en ligne le lundi 14 novembre 2016


Cour de cassation, 23 mai 2016, n° S.14.0002.F

Terra Laboris

Dans un arrêt du 23 mai 2016, la Cour de cassation se prononce sur les effets de l’examen médical prévu à l’article 101, § 3 de la loi coordonnée le 14 juillet 1994 : il doit permettre de déterminer si les conditions de reconnaissance de l’incapacité de travail de l’article 100, § 1er sont réunies, le droit aux indemnités étant rétabli sans qu’il faille tenir compte des règles en matière de stage.

Rétroactes

La Cour de cassation est saisie d’un pourvoi contre un arrêt rendu par la Cour du travail de Liège le 1er octobre 2013 (R.G. n° 2013/AL/207).

Les faits de l’espèce concernaient une assurée sociale en incapacité de travail (reconnue conformément à l’article 100 de la loi coordonnée) depuis mai 1994. Il apparut cependant qu’elle avait repris une activité sans l’autorisation préalable du médecin-conseil (Horeca). Pendant plusieurs années elle perçut, ainsi, des indemnités indues. Lui fut réclamé en septembre 2011 un montant de l’ordre de 30.000€. Elle fit, le mois suivant, une demande de reconnaissance d’incapacité de travail qui fut refusée et un nouvel indu de l’ordre de 3.000€ correspondant à des soins de santé lui fut réclamé en novembre 2011.

Suite à l’introduction d’une procédure judiciaire contre les deux décisions, le tribunal du travail désigna un expert, qui reconnut l’incapacité de travail à partir d’octobre 2011. Appel fut interjeté et par arrêt du 1er octobre 2013 la Cour du travail de Liège confirma le jugement.

La décision de la cour du travail

La cour du travail rappelle l’article 101 de la loi, relatif à l’hypothèse où le travailleur reconnu incapable de travailler a effectué un travail sans l’autorisation préalable du médecin-conseil mais dont la capacité de travail est réduite d’au moins 50%. Les indemnités indument perçues doivent être remboursées pour les jours ou pour la période durant lesquels il a accompli le travail non autorisé. Ce travailleur est toutefois réputé rester frappé d’une incapacité de travail. Les jours pour lesquels les indemnités d’incapacité sont récupérées sont assimilés à des jours pour lesquels une indemnité a été octroyée pour la fixation des droits aux prestations de la sécurité sociale du titulaire ainsi que des personnes dont il a la charge.

Cette disposition a été modifiée par la loi du 28 avril 2010, prévoyant actuellement que, en cas de travail effectué sans l’autorisation préalable ou sans respecter les conditions de l’autorisation, un examen médical doit être organisé en vue de vérifier si les conditions de reconnaissance de l’incapacité de travail sont réunies à la date de l’examen. Le remboursement des indemnités indument perçues est maintenu pour les jours ou la période pendant lesquels le travail non autorisé a été accompli et la même assimilation des jours ou périodes pour lesquels les indemnités ont été récupérées est maintenue. Il s’agit de jours indemnisés pour la détermination des droits aux prestations de sécurité sociale (pour le titulaire ou les personnes à charge).

En l’occurrence, la cour du travail a relevé que l’intéressée a été convoquée pour un examen médical en septembre 2011 et que la convocation a été annulée. Un expert judiciaire a été désigné, qui a conclu à l’incapacité de travail. Pour la cour du travail, si l’intéressée doit dès lors rembourser des indemnités pour la période antérieure, il n’en reste pas moins que celle-ci est assimilée à des jours indemnisés pour la détermination des droits aux prestations de sécurité sociale.

Le pourvoi

Un pourvoi a été introduit contre cette décision.

Sa deuxième branche fait notamment valoir que, en reprenant l’exercice d’une activité à temps plein entre janvier 2009 et mars 2011, l’intéressée a automatiquement perdu son statut d’incapacité de travail et que, si l’expertise médicale réalisée en juin 2012 a conclu à l’état d’incapacité de travail au sens des articles 100 et 101 de la loi à la date de l’examen, elle ne pouvait redevenir indemnisable qu’en réunissant les conditions prévues aux articles 86 § 1er et 128 de la loi, ce qui n’a pas été constaté par la cour du travail.

Décision de la Cour de cassation

La Cour de cassation répond essentiellement à cette deuxième branche.

Elle rappelle qu’en vertu de l’article 86, § 1er, 1°, a) de la loi, pour être bénéficiaire des indemnités légales, il faut être travailleur lié par un contrat de travail ou perdre cette qualité de travailleur assujetti, au cours d’une période d’incapacité de travail.

L’article 128, § 1er impose un stage et donne les règles relatives à celui-ci. Examinant l’arrêté royal d’exécution en son article 290, A, 2, 1°, la Cour rappelle que les travailleurs qui ont accompli ce stage continuent à bénéficier des prestations prévues par l’assurance indemnités lorsque, durant le deuxième et le troisième trimestres précédant celui au cours duquel ils y font appel, ils connaissent une ou plusieurs périodes d’incapacité de travail.

Depuis la modification de l’article 101, § 1er par la loi du 28 avril 2010, en cas de reprise du travail sans autorisation, un examen médical est organisé et, en cas de non reconnaissance de l’incapacité de travail, une décision en ce sens est notifiée au titulaire. Cet examen doit vérifier les conditions de reconnaissance, étant la cessation de toute activité en conséquence directe du début ou de l’aggravation de lésions ou de troubles fonctionnels dont il est reconnu qu’ils entraînent une réduction de la capacité de gain.

L’article 101, § 3 assimile pour l’application de ces dispositions à des jours indemnisés au cours desquels le travailleur est reconnu incapable de travailler ceux durant lesquels il a accompli un tel travail non autorisé. Après de tels jours de travail non autorisé, si les conditions de reconnaissance de l’incapacité de l’article 100 sont réunies à la date de l’examen médical, le titulaire peut bénéficier d’indemnités sans avoir à accomplir à nouveau le stage de l’article 128 § 1er.

Intérêt de la décision

Cet arrêt de la Cour de cassation est l’occasion de rappeler les effets d’une reprise du travail non autorisé (soit sans l’autorisation du – actuellement l’information au – médecin-conseil).

La question litigieuse portait sur l’interprétation de l’article 101, § 3 dans sa mouture actuelle (soit après la modification par la loi du 28 avril 2010), étant de déterminer la portée de l’assimilation des jours pour lesquels les indemnités indues ont été récupérées à des jours indemnisés pour la détermination des droits aux prestations de sécurité sociale.

Pour la Cour de cassation, l’examen médical doit permettre de déterminer si les conditions de reconnaissance de l’incapacité de travail de l’article 100, § 1er sont réunies, et ce sans considération des règles en matière de stage à accomplir pour bénéficier des indemnités.


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