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Chômage : rappel de l’obligation de biffure de la carte de contrôle en cas d’exercice d’une activité accessoire

Commentaire de C. trav. Mons, 20 avril 2016, R.G. 2014/AM/372

Mis en ligne le vendredi 28 octobre 2016


Cour du travail de Mons, 20 avril 2016, R.G. 2014/AM/372

Terra Laboris

Dans un arrêt du 20 avril 2016, la Cour du travail de Mons rappelle l’obligation de déclaration, en cas d’exercice d’une activité accessoire, ainsi que la règle selon laquelle une déclaration inexacte, c’est-à-dire non conforme à l’engagement souscrit, équivaut au sens des dispositions en cause à un défaut de déclaration, de sorte que le droit aux allocations doit être refusé à partir du jour de la demande d’allocations.

Les faits

Le 1er juillet 2011, Madame M. est admise au bénéfice des allocations de chômage. Celle-ci déclare une activité complémentaire de secrétariat exercée depuis plus de 3 ans les samedis et dimanches toute l’année et communique un procès-verbal de l’Assemblée générale d’une SPRL, dont il ressort qu’elle détient un tiers des parts et qu’elle est en outre gérante.

La décision d’octroi de l’ONEm prévoit la réduction de l’indemnisation d’une unité pour chaque prestation des samedis et dimanches. Est également soulignée l’obligation de biffer la carte de contrôle.

Deux ans plus tard, lorsqu’elle produit son avertissement-extrait de rôle relatif à ses revenus 2011, l’ONEm constate qu’elle a bénéficié en sus des revenus de dirigeant d’entreprise (+/- 500 € bruts).

Elle est entendue notamment sur l’absence de biffure de ses cartes de contrôle depuis le début du chômage pour cette activité de gérante. Elle expose que ce travail n’aurait représenté que quelques heures et était de minime importance et que si elle ne l’a pas déclarée, il s’agit d’une erreur bien involontaire.

La décision de l’ONEm, prise suite à cette audition, l’exclut des allocations pendant les deux années concernées, avec récupération et arrêt de l’indemnisation pour l’avenir.

Un recours est introduit devant le Tribunal du travail de Mons et de Charleroi, qui le rejette par jugement du 10 octobre 2014.

Position des parties devant la cour

La position de la partie appelante est de contester l’indu au motif qu’il s’est agi d’un travail de minime importance et qu’il ne justifiait pas de biffer les cases correspondant aux prestations effectives. Elle fait grief à l’ONEm de ne pas avoir attiré son attention sur l’obstacle que posait sa qualité de gérante sur le plan des allocations et souligne que, si elle en avait été dûment informée, elle se serait retirée de la société aussitôt.

Elle plaide, subsidiairement, qu’il y a bonne foi, demandant de limiter l’indu à quatre journées (l’activité accessoire ne concernant que quelques factures par mois pour son époux, qui n’aurait que trois clients). Elle souligne également qu’elle ignorait que la moindre heure prestée devait compter pour une journée complète.

Sur la bonne foi (article 169, alinéa 1er, de l’arrêté royal), elle expose ne jamais avoir caché sa situation à l’ONEm et avoir transmis, dès que ceci lui a été demandé, son avertissement-extrait de rôle 2011. Elle fait encore valoir un retard pris par l’ONEm, qui n’a pris sa décision que plusieurs mois après l’audition.

Quant à l’Office, il demande la confirmation du jugement, la récupération devant être maintenue eu égard à l’impossibilité de vérifier les jours exacts de prestation.

La décision de la cour

La cour rappelle les principes en la matière, tels que contenus aux articles 44 et suivants de l’arrêté royal du 25 novembre 1991. Elle insiste sur la notion de travail, au sens de ceux-ci, et reprend les conclusions de M. le Premier Avocat général LECLERCQ avant l’arrêt de la Cour de cassation du 3 janvier 2005 (Cass., 3 janvier 2005, S.04.0091.F), selon lesquelles l’activité d’administrateur d’une société commerciale est une activité en soi. C’est une activité pour compte propre. Les personnes désignées comme mandataires sont présumées exercer en Belgique une activité professionnelle en tant que travailleurs indépendants.

La rigueur de l’interdiction de principe d’exercer une telle activité est adoucie par l’article 48, § 1er, qui autorise cet exercice dans certaines conditions. Si cette activité remplit celles-ci, elle a le caractère d’activité accessoire et est admise.

Par ailleurs, en vertu de l’article 48, § 3, les allocations peuvent être refusées, même pour les jours pendant lesquels le chômeur n’exerce aucune activité si celle-ci ne présente pas ou plus le caractère d’une profession accessoire, eu égard au nombre d’heures de travail ou du montant des revenus.

La déclaration permet d’assurer l’effectivité du contrôle du caractère accessoire et la cour rappelle encore, sur le plan des principes, qu’une déclaration inexacte est ici équivalente à un défaut de déclaration. Il en découle que le droit aux allocations doit être refusé et, dans cette hypothèse, l’exclusion est totale.

Il appartient au chômeur qui demande de limiter la récupération en vertu de l’article 169, alinéa 3, de l’arrêté royal de prouver que l’activité s’est limitée à certains jours et/ou à certaines périodes. La cour insiste sur le fait que cette preuve est à apporter par le chômeur lui-même et que la charge de la preuve du caractère irrégulier de celle-ci n’incombe pas à l’ONEm.

Appliquant l’ensemble de ces principes au cas d’espèce, la cour constate qu’il y a effectivement eu une erreur de l’ONEm, qui n’a pas pris en compte le procès-verbal de l’assemblée générale reprenant la mention du mandat de gérante de la société et qui a cependant accepté d’indemniser.

L’ONEm a cependant limité la récupération à deux jours par semaine, et ce eu égard à l’absence de biffure de la carte de contrôle. La décision de l’ONEm a dès lors été limitée à cette seule irrégularité, pour ce qui est du passé. S’agissant de l’erreur commise, il a décidé que, pour l’avenir, la situation de l’intéressée n’était plus compatible avec l’octroi d’allocations de chômage, ce qui a entraîné l’exclusion totale à partir du mois d’août 2013.

La cour reprend, enfin, la notion de bonne foi en la matière, soulignant que le critère est particulièrement strict et qu’il ne se limite pas à l’absence d’esprit de fraude et ne s’identifie pas davantage au cas digne d’intérêt sur le plan social. Elle rappelle ici la doctrine de B. GRAULICH sur la question (B. GRAULICH, « Matières approfondies de sécurité sociale : l’assurance chômage », p. 217 et 218). En l’espèce, l’intéressée ne pouvait ignorer l’existence des obligations qui lui incombaient.

Enfin, la cour rencontre l’argument de l’absence de diligence dans le chef de l’Office et le rejette.

Intérêt de la décision

Dans cet arrêt nuancé, la Cour du travail de Mons rappelle, dans un premier temps, les principes en matière d’exercice d’une matière autorisée en cas de perception d’allocations de chômage. La situation en l’espèce se doublait d’une erreur dans la gestion administrative du dossier et cette erreur a été bien comprise par l’ONEm lui-même, puisqu’il a statué pour l’avenir en ce qui concerne le non-cumul de l’exercice de l’activité avec les allocations de chômage, mais a néanmoins sanctionné le non-respect de l’obligation bien connue de l’intéressée de biffer sa carte de contrôle.

L’arrêt contient en outre les principes relatifs à la notion de bonne foi, ainsi que de fraude et de dol.


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