Terralaboris asbl

Titres-services : conditions d’occupation de travailleurs de nationalité étrangère

Commentaire de C. trav. Bruxelles, 18 février 2016, R.G. 2014/AB/647

Mis en ligne le lundi 10 octobre 2016


Cour du travail de Bruxelles, 18 février 2016, R.G. 2014/AB/647

Terra Laboris

Dans un arrêt du 18 février 2016, la Cour du travail de Bruxelles examine les conséquences d’une occupation irrégulière (absence de permis de travail) dans le cadre de titres-services, l’ONEm ayant introduit une demande de récupération de son intervention (intervention publique et quote-part utilisateur pour toute la durée d’occupation).

Les faits

Une société de titres-services emploie comme aide-ménagère une personne de nationalité roumaine. Celle-ci est titulaire d’un permis de séjour E, mais n’a pas de permis de travail.

L’ONEm constate une infraction à la réglementation et notifie à SODEXO une interdiction de paiement de l’intervention fédérale et de la quote-part utilisateur pour cette société.

Le contrat de travail est rompu et l’ONEm lève l’interdiction de paiement. Il notifie à la société une décision de récupération d’un montant de près de 30.000 €, vu que l’occupation est intervenue sans permis de travail.

La société introduit un recours devant le tribunal du travail, qui l’accueille. Appel est interjeté par l’ONEm.

La décision de la cour

La cour statue sur l’état de la réglementation pour la période 2010-2011. Elle constate que celle-ci a été modifiée à diverses reprises. Il y a lieu d’appliquer les textes en vigueur à cette époque.

La loi de base est celle du 20 juillet 2001 visant à favoriser le développement de services et d’emplois de proximité. Elle contient le siège de la réglementation, étant notamment les conditions d’agrément que doivent réunir les sociétés.

Son arrêté royal d’exécution du 12 décembre 2001 concernant les titres-services ne contient pas d’exigence d’un permis de travail dans le chef des travailleurs étrangers, ceci étant un ajout qui interviendra par l’arrêté royal du 25 octobre 2011 (entré en vigueur le 16 novembre 2011). Si, actuellement, le texte prévoit que l’entreprise doit respecter toutes les dispositions de la loi du 15 décembre 1980 et la réglementation relative à l’occupation des travailleurs étrangers, cette disposition, telle quelle, n’est pas applicable au litige.

La cour constate cependant que, même en l’absence de textes visant cette condition, un tel engagement était contraire à la réglementation pour la période concernée. Il s’agit d’un engagement contraire à l’ordre public. La nullité ne peut certes être opposée au travailleur (article 14 de la loi du 3 juillet 1978), mais vaut dans les relations employeur/ONEm. En l’absence de contrat de travail régulier, la société ne peut bénéficier de l’intervention des pouvoirs publics dans la rémunération des travailleurs concernés.

Aussi, la cour conclut-elle sur cette question que, même si la condition n’est pas précisée à l’époque, de manière expresse, les travaux ont été effectués sans que les conditions légales ou réglementaires aient été respectées. Il y a dès lors lieu à remboursement.

La société invoquant par ailleurs une discrimination entre travailleurs européens, la cour rappelle qu’à l’époque, existaient des règles temporaires pour les citoyens roumains et qu’il ne peut y avoir de discrimination injustifiée sur cette base.

La société s’appuie enfin sur un principe général de droit, qui est la légitime confiance et la sécurité juridique, argument que la cour balaye en « s’étonn(ant) » qu’une société de titres-services ne s’inquiète pas de ses obligations en matière d’occupation de main-d’œuvre étrangère. Elle relève en outre qu’en l’espèce, la société est également active dans le secteur de la construction.

La cour décide, en conséquence, de réformer le jugement et de condamner la société aux indemnités de procédure, d’un total de 4.400 €.

Intérêt de la décision

L’on sait que le titre-service est un moyen de paiement, qui inclut une intervention financière publique et qui permet aux utilisateurs (particuliers) de payer des prestations de travaux ou de services de proximité. Ceux-ci sont effectués par un travailleur engagé dans les liens d’un contrat de travail avec une entreprise agréée et qui bénéficie d’interventions financières publiques. L’agrément est octroyé par le SPF Emploi.

Relevons, dans les modifications récentes intervenues, celles introduites par la loi-programme du 22 juin 2012, qui a notamment donné lieu à un arrêté royal du 14 décembre 2012. Depuis le 1er janvier 2013, si une entreprise ne remplit plus les conditions d’agrément, une retenue (5 €) peut être opérée sur l’intervention fédérale dans le coût des titres-services transmis à la société émettrice en vue de leur remboursement. Constituent des infractions graves en la matière, justifiant par ailleurs la retenue de la totalité de l’intervention fédérale ainsi que du montant du prix d’acquisition des titres, l’existence d’un procès-verbal pour infraction punissable d’une sanction de niveau 4 (C.P.S.), ou encore en cas d’escroquerie, de même que l’introduction de titres-services indûment reçus, l’occupation de travailleurs étrangers sans permis de travail, et encore des formes manifestes de fraude.

Dès lors que l’intervention publique et le montant du prix d’acquisition des titres ont été indûment accordés, l’ONEm peut récupérer ceux-ci entièrement.

Par ailleurs, une section spécifique relative aux titres-services a été intégrée dans le Code pénal social (livre 2, chapitre 4), entrée en vigueur le 24 décembre 2012. Les sanctions pénales pour les infractions spécifiquement liées à la réglementation en matière de titres-services sont de niveau 2 à 4. Les utilisateurs ainsi que les travailleurs qui participent sciemment et volontairement à ces infractions sont également punissables.


Accueil du site  |  Contact  |  © 2007-2010 Terra Laboris asbl  |  Webdesign : michelthome.com | isi.be