Terralaboris asbl

Absence de droit des travailleurs vis-à-vis de l’ONSS et conditions, dans le chef de l’employeur, pour obtenir les intérêts sur les paiements indus

Commentaire de C. trav. Bruxelles, 14 décembre 2006, R.G. 47.335

Mis en ligne le vendredi 21 mars 2008


Cour du travail de Bruxelles, 14 décembre 2006, R.G. 47.335

TERRA LABORIS ASBL – Sophie Remouchamps

Dans un arrêt du 14 décembre 2006, la Cour du travail de Bruxelles tranche la contestation concernant les conséquences d’un versement de cotisations de sécurité sociale effectué à tort, contestation portant sur le droit des travailleurs à demander le remboursement directement à l’ONSS ainsi que sur le droit de l’employeur à obtenir des intérêts sur les sommes versées.

Les faits

La société X, de droit américain, a mis en place un plan d’intéressement des travailleurs, en vue de leur octroyer des options d’achat d’actions, plan destiné au personnel de la société mère mais également de ses filiales étrangères. Ces options présentaient la caractéristique d’être rendues indisponibles pendant 5 ans à dater de leur octroi.

L’octroi aux travailleurs de la filiale belge a eu lieu entre 1991 et 1993. Lors de l’exercice des options d’achat (entre 1997 et 2000), la société belge a retenu des cotisations de sécurité sociale et a versé les cotisations patronales.

La société belge, la société mère américaine ainsi que les travailleurs concernés introduisent ensuite, par citation du 14 août 2002, une action devant le Tribunal du travail, sollicitant le remboursement des cotisations versées à l’ONSS, les intérêts sur ces sommes et la prise en charge des frais de justice.

Cette citation se fonde sur le caractère indu du versement des cotisations de sécurité sociale, arguant que

  • c’est au moment de l’attribution des options d’achat d’actions que les cotisations auraient dû être payées et non au moment de la levée de celles-ci puisqu’à ce moment, les options faisaient déjà partie du patrimoine des travailleurs et ne constituaient ainsi pas de la rémunération susceptible de donner lieu à la débition de cotisations de sécurité sociale ;
  • c’est la société mère qui a supporté le coût global du plan d’options d’achat et non l’employeur, de sorte qu’aucune cotisation n’était due.

Dans le cadre de la mise en état du dossier en première instance, les demandeurs ont, par voie de conclusions déposées en janvier 2004, apporté la preuve du fait que c’est la société mère qui a supporté le coût du plan d’options. Suite à cela, l’ONSS a reconnu le principe d’un remboursement et a effectué, en novembre 2004, celui-ci, en principal et dans la limite de la prescription, au profit de la société belge.

Le litige s’est donc réduit, pour l’employeur, à la question des intérêts et des frais.

La décision du tribunal

Le Tribunal a déclaré irrecevable la demande des travailleurs. Il a par ailleurs rejeté la demande de paiement des intérêts et a condamné l’ONSS au paiement des dépens de la société employeur.

La décision de la Cour

La Cour relève que, suite au paiement effectué par l’ONSS, le litige porte sur les questions suivantes, qu’elle tranche comme suit :

La recevabilité des demandes.

Elle admet la recevabilité de la demande de la société belge.

Elle estime que la société mère américaine n’a pas d’intérêt ou de qualité propre pour agir en remboursement des cotisations versées par sa filiale.

Quant à l’action des travailleurs, elle est déclarée irrecevable, seul l’employeur étant le débiteur des cotisations tant patronales que personnelles. Elle estime en conséquence que les travailleurs n’ont pas qualité pour réclamer le remboursement des cotisations indûment retenues par l’employeur et versées par celui-ci à l’ONSS.

La question des intérêts

Seule est examinée la demande de la société belge. A cet égard, la Cour relève que la demande vise des intérêts moratoires et/ou compensatoires tandis qu’aucun texte spécifique à la matière ne prévoit l’octroi d’intérêts en cas de paiement indu de cotisations.

Examinant le fondement de la demande de la société visant l’octroi d’intérêts compensatoires, la Cour note qu’elle se fonde sur l’article 1378 du Code civil, ce qui suppose que soit établie la mauvaise foi de l’ONSS. La Cour précise que la mauvaise foi visée par cette disposition est tout acte ou manœuvre visant à obtenir ou à conserver, sciemment, un montant indu.

La Cour estime que cette preuve n’est pas rapportée. Elle relève à cet égard qu’au moment du paiement initial par la société, c’est sur la base des déclarations de celle-ci que les cotisations ont été payées et que, jamais, avant l’introduction de la procédure, l’attention de l’ONSS n’a été attirée sur la question.

La Cour estime également qu’aucune mauvaise foi ne peut être relevée à la suite de l’introduction de la procédure, vu la diligence dans la mise en état du côté de l’ONSS ainsi que le remboursement spontané des cotisations versées.

La demande d’intérêts compensatoires est donc rejetée.

La Cour relève cependant que des intérêts moratoires (indemnisant le retard dans le remboursement de l’indu) pourraient être dus. Cette question n’ayant pas été débattue, la Cour rouvre les débats.

Intérêt de la décision

Cette décision présente l’intérêt de rappeler les droits des parties en cas d’indu en matière de versement des cotisations de sécurité sociale.

Il découle de cette jurisprudence que le travailleur qui s’est vu retenir des cotisations de sécurité sociale sur des sommes versées par l’employeur qui n’étaient cependant pas sujettes à cotisations doit réclamer l’équivalent des retenues à l’employeur lui-même et non à l’ONSS.


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