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Récupération d’indemnités indues en AMI suite à un désassujettissement par l’O.N.S.S.

Commentaire de C. trav. Bruxelles, 13 janvier 2016, R.G. 2014/AB/396

Mis en ligne le mardi 14 juin 2016


Cour du travail de Bruxelles, 13 janvier 2016, R.G. 2014/AB/396

Terra Laboris

Dans un arrêt du 13 janvier 2016, la Cour du travail de Bruxelles examine les conséquences d’une décision de désassujettissement O.N.S.S. sur les conditions de récupération d’un indu d’indemnités AMI et rappelle particulièrement que la décision de l’O.N.S.S. ne s’impose pas aux autres institutions de sécurité sociale, non plus qu’au juge mais que le dossier administratif peut permettre de confirmer l’indu.

Les faits

Une bénéficiaire d’allocations de chômage fait l’objet d’une décision de désassujettissement de l’O.N.S.S. en juillet 2009. Elle percevait, auparavant, des allocations peu élevées. Une activité de salariée à son domicile fut déclarée par une société pour une période de 18 jours. Elle reçut, ensuite, des allocations de maternité sur base de la rémunération de référence nouvelle et, ultérieurement, des indemnités d’incapacité de travail, avant de retourner au chômage.

Pour l’O.N.S.S., l’activité salariée au profit de la société X est inexistante, la décision de l’Office touchant d’ailleurs d’autres personnes que l’intéressée.

Suite à cette décision de l’O.N.S.S., l’organisme assureur annonce l’annulation des bons de cotisations pour toute la période, la société étant sans activité à cette époque. Le remboursement des soins de santé est demandé, en sus des indemnités.

Un recours est introduit devant le tribunal du travail.

Devant celui-ci, l’organisme assureur admet que la période de chômage ayant précédé le congé de maternité ouvre le droit aux indemnités d’incapacité de travail et aux soins de santé, mais que subsiste un indu eu égard au salaire indûment déclaré.

L’organisme assureur ayant réduit sa demande à un montant de l’ordre de 9.000 € dûment justifié, correspondant aux indemnités indues, le tribunal condamne l’intéressée à cette somme.

Elle interjette appel.

Moyens des parties devant la cour

La partie appelante invoque en premier lieu un argument de prescription, considérant que celle-ci devait être de deux ans. Elle fait valoir ensuite que la décision de l’organisme assureur est irrégulière, dans la mesure où elle repose sur la décision de l’O.N.S.S. (dont elle soutient l’illégalité). Elle conteste enfin le fond, étant les effets sur le montant des indemnités de la déclaration fictive d’activité.

Quant à l’organisme assureur, il sollicite, bien normalement, la confirmation du jugement.

La décision de la cour

La cour examine les trois points soulevés par l’appelante, mais dans un ordre différent.

La première question, tirée essentiellement des éléments du dossier, est celle de la réalité ou du caractère fictif des prestations déclarées pour la société X. Se fondant sur divers indices, la cour considère qu’il peut être conclu à l’absence d’activité. Elle précise que la décision de l’O.N.S.S. ne lie pas l’organisme assureur, de même non plus que les juridictions. Ces éléments, tirés du dossier de l’O.N.S.S., peuvent cependant être utilisés dans le cadre du litige aux fins d’établir l’absence d’activité.

L’intéressée plaidant qu’elle n’avait aucun intérêt à faire de fausses déclarations, dans la mesure où son droit aux indemnités dans le secteur AMI était de toute façon acquis, la cour rétorque que tel n’est pas le cas, dans la mesure où elle a ainsi pu échapper à la règle de l’article 87, alinéa 3, de la loi coordonnée, selon lequel le chômeur qui vient à bénéficier des indemnités d’incapacité de travail ne peut, pendant les six premiers mois, obtenir des indemnités plus élevées que les allocations de chômage auxquelles il aurait eu droit. La déclaration de prestations fictives a, effectivement, eu une incidence sur le montant des indemnités, dans la mesure où celles-ci, calculées sur la base du salaire déclaré par la société X, ont pris comme base la rémunération journalière (de près de 63 €) et non les allocations de chômage auxquelles l’intéressée avait droit avant le congé de maternité.

Pendant celui-ci, il y a ainsi eu un montant de l’ordre de 3.000 € versé en plus et, pendant les six premiers mois d’incapacité de travail, la même constatation doit être faite, les indemnités des six premiers mois ayant été de 35 € par jour au lieu de 6 € et, ensuite, de 40 € par jour au lieu de 30 €.

La cour confirme la position de l’organisme assureur sur le montant de l’indu.

Se pose, cependant, une question plus spécifique, puisque l’intéressée plaide l’illégalité de la décision de l’O.N.S.S., au motif qu’elle n’a pas été entendue avant le désassujettissement. La cour relève qu’eu égard à ses conséquences, on peut se demander si une telle décision peut être prise sans audition préalable, puisque celle-ci s’impose en cas de mesures graves liées au comportement et s’étend à toute mesure susceptible de léser gravement une personne, qu’elle soit prise ou non en relation avec celui-ci (la cour renvoyant notamment à l’arrêt du Conseil d’Etat n° 168.653 du 8 mars 2007).

A supposer cependant qu’il faille écarter cette décision, ceci n’aurait pas d’incidence sur la récupération. En effet, l’organisme assureur établit lui-même l’absence d’activité et ne se fonde pas sur la décision de l’O.N.S.S., puisant cependant dans le dossier les éléments utiles à sa position.

Enfin, sur la prescription, la cour admet les manœuvres frauduleuses, dans la mesure où l’intéressée a utilisé un document mentionnant une activité et une rémunération fictives et qu’elle a ainsi pu bénéficier d’indemnités plus élevées.

La prescription est dès lors de cinq ans et non de deux ans, comme demandé par elle.

Intérêt de la décision

Le caractère fictif d’une activité de travailleur salarié entraîne, comme on le sait, des conséquences dans tous les domaines de la sécurité sociale. Est ici en cause la suite réservée à la décision de désassujettissement dans le secteur AMI.

L’intérêt particulier de la décision est d’exposer la règle particulière de l’article 87, alinéa 3 de la loi coordonnée le 14 juillet 1994, relatif aux six premiers mois d’incapacité, article selon lequel l’assuré social ne peut, pendant cette période, obtenir des indemnités plus élevées que les allocations de chômage auxquelles il aurait eu droit.

Enfin, la cour rappelle que la décision de désassujettissement de l’O.N.S.S. ne s’impose pas aux autres institutions de sécurité sociale, non plus qu’au juge. Le dossier permet, cependant, par les indices et éléments qu’il contient, d’aboutir à la même conclusion…


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