Terralaboris asbl

Accident du travail dans le secteur public et subrogation de l’organisme assureur A.M.I.

Commentaire de C. trav. Mons, 11 février 2016, R.G. 2015/AM/49

Mis en ligne le vendredi 10 juin 2016


Cour du travail de Mons, 11 février 2016, R.G. 2015/AM/49

Terra Laboris

Dans un arrêt du 11 février 2016, la Cour du travail de Mons rappelle le mécanisme des sanctions prévues en cas de non-respect des obligations d’information prévues à l’article 136, § 2 de la loi AMI coordonnée le 14 juillet 1994.

Les faits

Suite à un accident du travail survenu en avril 2007, une travailleuse au service d’un C.P.A.S. perçoit des indemnités d’incapacité temporaire. Il est mis un terme à la prise en charge trois ans plus tard, soit fin avril 2010. L’assureur du C.P.A.S. prend parallèlement contact avec la mutuelle, précisant, en ce qui concerne le dernier mois (avril 2010), que l’incapacité est imputable à l’accident du travail de 2007 et que, si l’intéressée venait à demander les indemnités AMI, il y aurait lieu de la « diriger » vers lui.

La réponse de l’organisme assureur est que, suite à l’accident du travail, aucune intervention provisionnelle n’a été faite en faveur de l’intéressée en matière d’indemnités. Après la période d’indemnisation en loi, celle-ci ne reprend, effectivement, pas le travail et tombe à charge de sa mutuelle à partir du 1er mai, ayant informé celle-ci de la cessation de l’intervention de l‘assureur.

Un an plus tard, elle reçoit une proposition d’indemnisation de la part de son employeur, fixant la date de consolidation des lésions au 1er mai 2010 et proposant un taux d’I.P.P. de 22%. La rente est payée, pour ce qui est des arriérés, à partir du 1er mai 2010.

Quelques mois plus tard, en octobre 2011, la mutuelle en est informée, et ce par l’intéressée, qui a communiqué le courrier de l’assureur annonçant le paiement.

L’incapacité de travail va se poursuivre. Un contrôle médical de la mutuelle admet celle-ci, tenant compte partiellement des séquelles de l’accident. La rente doit ainsi venir en déduction des indemnités journalières AMI. La mutuelle réclame dès lors les indemnités versées pour la période à partir de la consolidation.

L’intéressée introduit un recours devant le Tribunal du travail de Charleroi.

Par jugement du 12 janvier 2015, elle est déboutée de son recours et interjette appel.

Moyens des parties devant la cour

La partie appelante fait grief, tant à son organisme assureur qu’au C.P.A.S., d’avoir manqué à leurs obligations d’information.

La position de l’organisme assureur est de solliciter la confirmation du jugement, tandis que le C.P.A.S. conclut pour sa part qu’il a respecté les obligations d’information mises à sa charge en application de l’article 136 de la loi coordonnée et qu’il n’est redevable d’aucune somme envers l’U.N.M.S.

La décision de la cour

La cour rappelle, dans un premier temps, en le reprenant in extenso, l’article 136, § 2, de la loi. Dans la mesure où le même dommage est couvert en AMI et en vertu de la législation sur les accidents du travail, l’organisme assureur et l’assureur-loi ont des obligations : le premier doit payer à titre provisionnel en attendant que le dommage soit effectivement réparé par l’assureur-loi et le second doit, pour permettre à la mutuelle d’exercer son droit de subrogation dans l’hypothèse d’un cumul, avertir celle-ci de son intention d’indemniser le bénéficiaire. A cette fin, ce dernier doit lui transmettre une copie des accords ou décisions de justice intervenu(e)s.

La disposition qui exécute l’article 136, § 2, est l’article 295, §§ 2 et 3, de l’arrêté royal du 3 juillet 1996. En vertu de celui-ci, l’octroi des prestations AMI est subordonné à la condition que le bénéficiaire informe l’organisme assureur de la possibilité que le dommage soit couvert par une autre législation. Cette mesure doit également permettre à ce dernier d’exercer son droit de subrogation.

En l’espèce, la mutuelle est intervenue à partir du 1er mai 2010. A ce moment, elle était informée par l’intéressée de la possibilité pour elle d’être indemnisée dans le cadre du régime des accidents du travail. Elle a ainsi respecté son obligation d’information.

La cour examine, ensuite, si le débiteur de la réparation en loi a respecté la sienne et conclut que tel n’est pas le cas. Il s’agit d’un accident du travail du secteur public et, en l’occurrence, le débiteur de la réparation est le C.P.A.S., à savoir l’employeur.

La cour rappelle que les administrations locales sont leur propre assureur et qu’elles peuvent souscrire des contrats d’assurance auprès d’un assureur privé, et ce en vue d’être exonérées, en tout ou en partie, des paiements. C’est une sorte de « réassurance » conclue dans le cadre d’un contrat de droit commun, de telle sorte que la victime ne dispose pas d’une action contre le réassureur privé. En conséquence, les différents courriers adressés par celui-ci à la mutuelle ne peuvent constituer l’information exigée par l’article 136, § 2, alinéa 6, de la loi. L’assureur a en effet informé la mutuelle de la prise en charge en loi des incapacités temporaires, mais n’a pas signalé qu’il indemniserait dans le cadre de l’I.P.P. à partir du 1er mai 2010. Les arriérés ont en réalité été versés « d’autorité », et ce pour une période de 16 mois, sans que la mutuelle n’ait été informée de l’intention de l’assureur de procéder à ce paiement. Il y a dès lors non-respect de l’obligation d’information par le débiteur de la réparation et celui-ci est sanctionné par l’inopposabilité des paiements. Ce qui est acquis à la victime l’est dès lors définitivement.

Par ailleurs, rappelant la doctrine de M. GOSSERIES (Ph. GOSSERIES, « Difficultés d’interprétation et d’application de la règle de l’interdiction du cumul de la réparation du même dommage par la législation sur l’assurance obligatoire contre la maladie et l’invalidité et une autre législation nationale ou étrangère (L.14 juillet 1994, art. 136, § 2) », J.T.T., 2000, p. 274), si le débiteur de la réparation verse ce qui est dû après les paiements de la mutualité sans avoir informé cette dernière de son intention de règlement, seule l’action subrogatoire est possible et l’assuré social ne peut être poursuivi en récupération. La mutuelle devait dès lors exercer son action subrogatoire à l’encontre du C.P.A.S.

Intérêt de la décision

Cet arrêt de la Cour du travail de Mons est particulièrement intéressant, vu qu’il examine sous l’angle de la législation AMI les obligations des parties au niveau de l’information à donner eu égard à l’indemnisation d’un même dommage. Vu que l’organisme assureur est tenu de faire l’avance de celle-ci, il doit pouvoir exercer son droit de subrogation et il est capital que, dans le cadre de ce mécanisme, à la fois l’assuré social et le débiteur légal de la réparation en loi l’informent de paiements intervenus. En l’espèce, l’on aura noté que l’assurée sociale a correctement rempli son obligation, contrairement à son employeur.

La conclusion de la cour est logique, étant que, dès lors que, dans une telle situation, le débiteur n’a pas informé la mutuelle de son intention d’effectuer un paiement, seule l’action subrogatoire de l’organisme assureur est autorisée, action devant être exercée contre le débiteur de la réparation lui-même. L’assuré social ne peut en aucune manière devoir être amené à rembourser.


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