Terralaboris asbl

La requalification des relations de travail en contrat de travail : Un exercice difficile pour l’ONSS

Commentaire de C. trav. Bruxelles, 16 mai 2007, R.G. 44.602

Mis en ligne le vendredi 21 mars 2008


Cour du travail de Bruxelles, 16 mai 2007, R.G. 44.602

TERRA LABORIS ASBL – Sophie Remouchamps

Dans un arrêt du 16 mai 2007, la Cour du travail de Bruxelles, se fondant sur le peu d’informations récoltées par l’ONSS dans le cadre de son enquête, refuse de reconnaître que des prestations accomplies par une serveuse l’ont été dans le cadre d’un contrat de travail.

Les faits

Monsieur D.B. exploite un restaurant, avec l’aide de sa mère et de sa fille. Lors d’un contrôle effectué par l’inspection des lois sociales, est constatée l’occupation d’une dame B., occupation non déclarée à l’ONSS, en qualité de serveuse.

Monsieur D.B. fait valoir qu’il s’agit d’une amie, venue donner occasionnellement un « coup de main », du fait de l’absence de la mère et de la fille. Mme B. précise quant à elle travailler 2 heures par jour, trois jours par semaine et exercer la fonction de serveuse, ainsi qu’accomplir des prestations de nettoyage au domicile de l’exploitant.

Sur la base des informations recueillies par l’inspection des lois sociales, l’ONSS assujettit d’office l’intéressée et réclame à Monsieur D.B. le paiement de cotisations sur 3 ans.

Vu l’absence de paiement, l’ONSS cite Monsieur D.B. devant le Tribunal du travail en paiement des cotisations de sécurité sociale. Le Tribunal fait droit à cette demande. L’intéressé interjette appel.

La décision de la Cour

Après avoir rappelé que le droit de l’ONSS de décider d’office de l’existence d’un contrat de travail ne crée aucune présomption en sa faveur, de sorte qu’il doit établir l’existence dudit contrat, la Cour relève que l’Office fonde son action sur les déclarations de Mme B. ainsi qu’une partie des déclarations de Monsieur D.B. (celles qui convergent avec celles de la travailleuse), faisant ainsi fi des éléments contradictoires entre les deux déclarations.

La Cour relève ainsi un problème dans la manière dont l’ONSS appréhende le contenu des procès-verbaux, étant qu’il retient comme significatives les parties qui sont favorables à sa thèse tout en déniant cependant toute valeur probante aux autres éléments.

La Cour examine ensuite le premier argument de l’ONSS, reposant sur un aveu extrajudiciaire. Celui-ci est tiré de l’accord de Monsieur D.B. pour régulariser la situation pour la période de travail qu’il admet. Sur cette base, l’ONSS estime que sa demande de régularisation, qui porte sur une période plus longue que celle admise par l’intéressé, doit être considérée comme fondée. La Cour rejette l’existence d’un aveu extrajudiciaire, et ce dans la mesure où il ne peut être déduit des procès-verbaux qu’il aurait spontanément proposé la régularisation. Pour la Cour, il a pu marquer accord avec une proposition qui lui était faite par l’inspectrice, ce qui ne signifie cependant pas qu’il reconnaît l’existence du contrat, s’agissant éventuellement de trouver la solution la plus rapide et la moins onéreuse au problème.

Examinant ensuite si l’existence d’un lien de subordination peut être retenue, la Cour rappelle d’abord que la nature de la fonction en elle-même (serveuse) ne peut établir l’existence du lien de subordination, vu l’absence de présomption de contrat de travail pour cette catégorie de travailleurs ainsi que le fait que les juridictions du travail ont déjà, par le passé, admis qu’un tel travail pouvait être exercé en dehors d’un lien de subordination.

Pour le surplus, la Cour constate la maigreur des éléments portés à son appréciation, le travail précis effectuée par l’intéressée n’étant pas établi, de même que les modalités concrètes de l’exécution de celui-ci. Les seules circonstances qu’il ait pu y avoir un horaire de travail fixe et que la rémunération l’était également ne suffisent pas à démontrer le lien de subordination, d’autant que le mode, la fixation et la déclaration de la rémunération au niveau fiscal restent inconnus.

Aucun élément ne concluant à l’existence d’un lien de subordination, la Cour refuse de faire droit à la demande initiale de l’ONSS.

Intérêt de la décision

Cet arrêt illustre une nouvelle fois toutes les difficultés pour le tiers à la relation de travail (l’ONSS) d’établir l’existence du lien de subordination, difficulté encore accrue par les précisions apportées par la Cour de cassation quant à l’objet de la preuve à fournir (des éléments incompatibles avec la qualification donnée par les parties à leur relation de travail). La pratique de l’ONSS de ne considérer que les éléments favorables des déclarations des parties est par ailleurs mise à mal par l’arrêt. La démarche de l’ONSS est en effet empreinte d’un certain illogisme : les déclarations ne sont probantes que si elles sont favorables à la thèse que l’Office soutient. Est ici souligné une nouvelle fois l’aléa de procédures lorsque aucun élément ne permet d’appréhender les modalités concrètes d’exécution du travail, s’agissant d’éléments indispensables pour permettre aux juridictions d’apprécier l’existence d’un contrat de travail.


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