Terralaboris asbl

Chômage avec complément d’entreprise : comment se calcule l’allocation complémentaire ?

Commentaire de C. trav. Mons, 7 décembre 2015, R.G. 2014/AM/368

Mis en ligne le vendredi 15 avril 2016


Cour du travail de Mons, 7 décembre 2015, R.G. 2014/AM/368

Terra Laboris

Dans un arrêt du 7 décembre 2015, la Cour du travail de Mons reprend les règles à suivre en vue de la détermination du complément d’entreprise dû par l’ex-employeur en cas de mise en régime de chômage avec complément d’entreprise (RCC – précédemment prépension).

Les faits

Un travailleur est licencié en 2011 en vue de sa prépension (RCC). Des difficultés surviennent avec son ex-employeur, eu égard au montant de l’allocation complémentaire aux allocations de chômage.

La société dépend de la commission paritaire n° 126, dans laquelle une convention collective a été conclue sur la question.

Vu les difficultés persistantes dans les décomptes, le travailleur introduit un recours devant le Tribunal du travail de Mons et de Charleroi (division de Binche).

Celui-ci rend un jugement le 9 avril 2014, tranchant deux questions de principe quant au mode de calcul, considérant que (i) la retenue de sécurité sociale ne doit pas être calculée sur la rémunération brute de référence majorée à 108% (mais à 100%) et que (ii) la retenue ainsi que le précompte professionnel doivent être calculés de façon mensuelle et non trimestrielle (comme le défend l’employeur). Il ordonne la réouverture des débats sur les décomptes précis.

Appel est interjeté.

Position des parties devant la cour

La société considère que la rémunération brute de référence doit être multipliée par 108% pour le calcul de la retenue de sécurité sociale. Elle fait également valoir que la retenue et le précompte doivent être calculés trimestriellement.

Elle estime en outre que, des erreurs étant intervenues dans les calculs à cause du secrétariat social, elle est en droit de retenir des indemnités complémentaires en compensation d’un indu. Par ailleurs, le travailleur lui reprochant une mauvaise gestion de son dossier et réclamant des dommages et intérêts, la société conteste une faute dans son chef, de même qu’un préjudice dans celui du travailleur.

Celui-ci introduit un appel incident, demandant des dommages et intérêts de 1.000 €. Il effectue par ailleurs un décompte circonstancié des allocations complémentaires dues au mois le mois.

La décision de la cour

La cour procède en premier lieu à un rappel général des règles en la matière : le régime du chômage avec complément d’entreprise comporte l’octroi d’une allocation de chômage ainsi que d’un complément d’entreprise, celui-ci étant à charge de l’employeur et correspondant à la moitié de la différence entre la rémunération nette de référence plafonnée et l’allocation de chômage. Le calcul se fait en partant de la rémunération mensuelle brute (plafonnée), sous déduction des cotisations personnelles O.N.S.S. et du précompte professionnel. En vertu de l’article 7, § 6 de la C.C.T. n° 17, le mois de référence est désigné d’un commun accord par les parties ou, à défaut, il s’agira du mois précédant celui au cours duquel est intervenue la rupture des relations de travail.

En ce qui concerne les cotisations sociales, l’employeur doit verser une cotisation patronale spécifique et le prépensionné également, cette retenue étant calculée à la fois sur l’indemnité de prépension (légale et extra-légale), mais également sur les allocations de chômage (la cour renvoyant à cet égard à F. VERBRUGGE, Guide de la réglementation sociale pour les entreprises, Kluwer, 2013, n° 2101). Sur le plan fiscal, le barème du précompte est celui des pensions.

Les règles sur lesquelles les parties sont d’accord sont que le complément d’entreprise doit correspondre à la moitié de la différence entre la rémunération nette de référence et l’allocation de chômage, tenant compte d’une rémunération brute de référence fixée en l’espèce à 2.691,66 €. La cour constate que l’allocation de chômage est quant à elle de 1.223,64 € en janvier 2012, montant porté à 1.248 € en janvier 2013, et qu’il y a lieu de tenir compte du fait que le complément d’entreprise doit faire l’objet d’une indexation. Quant à la retenue O.N.S.S., elle est de 6,5% sur le tout (chômage + complément, avec cependant garantie d’une allocation minimale).

La cour constate cependant que des questions continuent à opposer les parties, étant le brut à prendre en compte (108% pour la société ou 100% pour le travailleur). La société fait valoir que ce chiffre lui a été confirmé par son secrétariat social et qu’il est d’ailleurs procédé de la sorte pour le calcul de la cotisation personnelle à la sécurité sociale pour les ouvriers (s’agissant de financer le pécule des vacances à payer par l’O.N.V.A.).

Pour la cour, cette manière de voir ne peut être suivie. En effet, ni la C.C.T. n° 17 ni la convention sectorielle ne prévoient ce mode de calcul ici, et la cour renvoie ici également à la doctrine (dont S. WINTGENS, « Le régime de chômage avec complément d’entreprise (RCC) ou la ‘prépension’ nouvelle génération », Le droit en chantier(s), Larcier, 2012, p. 216). La position du secrétariat social n’est dès lors nullement étayée, la cour renvoyant également aux sites de l’ONEm et du SPF Sécurité sociale (muets sur la question). Il faut dès lors effectuer le calcul à partir de la rémunération à 100%, s’agissant en l’espèce non de calculer des cotisations sociales ordinaires, mais le complément d’entreprise dans un cadre juridique distinct. La cour rappelle encore qu’il y a, dans celui-ci, fixation d’une cotisation patronale spécifique, ainsi que d’une retenue personnelle dans le chef du travailleur, cette retenue étant calculée sur l’ensemble des montants perçus, étant à la fois du chômage et de l’employeur.

Le calcul est dès lors effectué sur la base des chiffres ci-dessus, étant que le brut est réduit de la cotisation de sécurité sociale de 13,07%, ainsi que du précompte professionnel (barème 1) correspondant, ce qui aboutit à un net de 1.672,02 €.

L’allocation de chômage à prendre en compte est l’allocation journalière multipliée par 26 pour un mois complet.

En ce qui concerne le montant du complément d’entreprise, la cour précise encore qu’il est fixé définitivement au moment où le droit prend cours, et ce selon la formule ci-dessus.

Il y a cependant lieu de soumettre celui-ci à l’indexation (celle-ci étant en l’espèce intervenue à deux reprises au 1er décembre 2012 et au 1er août 2015), ainsi qu’à une revalorisation de 0,18% applicable au 1er janvier 2013.

Reste encore à déterminer les modalités des retenues O.N.S.S. et de précompte professionnel. Les instructions administratives de l’O.N.S.S. aux employeurs prévoient que les retenues doivent être effectuées sur les compléments et être calculées pour un mois théorique, représentant un pourcentage de la somme du montant mensuel théorique de l’allocation sociale et des compléments. Il faut ensuite éventuellement limiter la retenue pour éviter que le travailleur ne perçoive un montant insuffisant (un minimum garanti étant assuré). Après, les retenues ainsi obtenues sont multipliées par le nombre de mois couverts par la déclaration. La méthode appliquée pour calculer la retenue O.N.S.S. est dès lors la base mensuelle et non trimestrielle. La cour constate encore qu’en l’espèce, l’application de cette retenue n’a pas pour effet de ramener le montant global de la prépension en-dessous du seuil fixé.

Enfin, la retenue de précompte doit également être opérée mensuellement, et ce sur le total de l’allocation de chômage et de l’allocation complémentaire. Tel est le régime de la C.C.T. n° 17, et celui-ci est d’ailleurs repris dans diverses conventions sectorielles qui prévoient des avantages au moins équivalents à ceux-ci.

Tenant compte de la méthode suivie ci-avant, la cour ordonne la réouverture des débats en ce qui concerne les calculs à faire au mois le mois.

Sur la demande de dommages et intérêts, elle retient que le travailleur a subi un dommage incontestable dû aux tracasseries administratives générées par la mauvaise gestion de son dossier. Elle alloue des dommages et intérêts de 500 € pour ce poste.

Intérêt de la décision

Cet arrêt reprend, pas à pas, la méthode de calcul de l’indemnité complémentaire à payer par l’employeur en cas de chômage avec complément d’entreprise, exercice à première vue fastidieux mais combien utile…

En l’espèce, le dossier s’était complexifié du fait d’erreurs successives commises par le secrétariat social, ayant abouti à des paiements sans déduction des retenues applicables, d’où un indu, dans la thèse de l’employeur, qui a de ce fait considéré qu’il n’y avait pas lieu de payer des compléments correspondant à des mensualités ultérieures.

Le secrétariat social n’étant pas à la cause, c’est l’employeur qui a été condamné à des dommages et intérêts pour les fautes commises, la cour retenant un préjudice évident dans le chef du travailleur.


Accueil du site  |  Contact  |  © 2007-2010 Terra Laboris asbl  |  Webdesign : michelthome.com | isi.be