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Un bénéficiaire d’allocations aux personnes handicapées doit-il informer le Service du fait qu’un enfant à charge atteint l’âge de 25 ans ?

Commentaire de C. trav. Liège, div. Namur, 23 juin 2015, R.G. 2014/AN/160

Mis en ligne le lundi 15 février 2016


Cour du travail de Liège, division Namur, 23 juin 2015, R.G. 2014/AN/160

Terra Laboris

Dans un arrêt du 23 juin 2015, la Cour du travail de Liège (division de Namur) rappelle que, dès lors que des informations figurent dans le Registre national – et qu’elles sont de ce fait accessibles à l’administration –, il ne peut être fait grief à une personne handicapée de ne pas avoir informé le Service d’une modification de sa situation. La réglementation a en effet pour but d’éviter à la personne handicapée de multiplier les démarches destinées à actualiser sa situation.

Les faits

Une personne handicapée vit avec ses trois enfants jusqu’au départ progressif de ceux-ci, la dernière quittant le domicile en septembre 2013. La mère bénéficiait d’allocations aux personnes handicapées de catégorie C, correspondant aux personnes établies en ménage ou ayant au moins un enfant à charge.

La troisième fille (qui a quitté en septembre 2013) avait atteint l’âge de 25 ans en mai 2012, de telle sorte qu’elle n’avait plus, à cette date, la qualité d’enfant à charge.

Le Service procède, en juillet 2013, à la revision quinquennale du dossier et la mère donne toutes explications sur la situation de cette enfant, qui était alors encore à son domicile avec sa petite-fille de 6 mois et demi. Elle précise que les trois personnes vivaient essentiellement des allocations aux personnes handicapées perçues pour elle-même (en sus des allocations familiales pour l’enfant).

Une décision est prise avec effet rétroactif au premier jour du mois suivant la date à laquelle la fille a eu ses 25 ans, soit au 1er juin 2012, modifiant en conséquence la catégorie de la mère, la faisant passer en catégorie A. Un indu est réclamé pour la période, étant de l’ordre de 8.500 €.

Un recours est introduit devant le Tribunal du travail de Namur, sur l’indu uniquement.

Parallèlement, l’intéressée introduit une demande de renonciation à la répétition de l’indu. Suite à une décision prise par le Service de renoncer à une grande partie de l’indu, reste en litige la demande de l’intéressée en vue de récupérer une partie de l’arriéré retenu d’office avant celle-ci.

Par jugement du 6 octobre 2014, le tribunal du travail examine la question de l’obligation pour l’intéressée d’informer le SPF. S’appuyant notamment sur l’arrêté royal du 22 mai 2003 relatif à la procédure concernant le traitement des dossiers en matière d’allocations aux personnes handicapées, le tribunal conclut que les informations du Registre national auraient dû permettre au Service de prendre une décision en temps utile et que l’intéressée n’était pas tenue d’avertir que sa fille avait atteint l’âge de 25 ans. En conséquence, la décision de revision ne peut sortir ses effets que le premier jour du mois suivant sa notification.

Appel est interjeté par le Service.

Position des parties devant la cour

Pour le SPF, la décision de revision a tenu compte d’une modification de la situation familiale, consistant dans le fait que la fille n’était plus à charge de la mère, chose dont il affirme ne pas avoir pu être informé. Il considère ne pas avoir commis d’erreur, la responsabilité de l’indu appartenant à l’intéressée. En outre, plus spécifiquement sur le reliquat d’arriérés imputés sur l’indu, celui-ci correspond à une période précédant la décision administrative de renonciation. Cette somme doit, pour lui, rester acquise au Trésor.

Quant à l’intéressée, elle estime qu’elle était dispensée de communiquer spontanément l’âge de sa fille, cette information pouvant être obtenue via le Registre national. Sur la base de l’article 17 de la Charte de l’assuré social, elle considère qu’il ne pouvait pas être conclu à l’existence d’un indu et demande, par ailleurs, le remboursement de la somme retenue avant la décision de renonciation, la compensation étant, pour elle, irrégulière.

La décision de la cour

La cour consacre l’essentiel de son examen à l’étendue de l’obligation de déclaration d’éléments nouveaux, dans le chef d’un bénéficiaire d’allocations.

Après avoir repris la définition d’enfant à charge, qui ne peut viser que les personnes de moins de 25 ans, la cour circonscrit le litige non à une question relative à celle-ci mais à l’obligation de déclaration spontanée, eu égard à l’existence de cette information dans le Registre national.

Elle rappelle que l’article 20bis de l’arrêté royal relatif à la procédure concernant le traitement des dossiers en la matière a pour objet d’éviter à la personne handicapée de multiplier les démarches destinées à actualiser sa situation. Le texte dispense en effet celle-ci de communiquer au service toute modification d’une information figurant au Registre national, et la cour en conclut que, a fortiori, elle est dispensée de communiquer une information qui figure déjà dans ce Registre. Or, la date de naissance est une des mentions accessibles et la survenance du 25e anniversaire est une circonstance que la cour qualifie d’« éminemment prévisible ». Il y a dès lors absence d’obligation d’information.

La cour constate ensuite que l’article 23 de l’arrêté royal du 22 mai 2003 est plus restrictif en ce qui concerne les effets d’une revision que la Charte de l’assuré social. Rappelant qu’elle est d’ordre public, elle décide que la date de prise de cours doit être déterminée uniquement sur la base des dispositions de ce dernier texte. L’article 17, alinéa 2, vise l’hypothèse d’une décision de revision remplaçant une décision précédente entachée d’une erreur imputable à la seule institution de sécurité sociale.

En l’espèce, il y a erreur dans le chef du Service, qui devait tenir compte de l’anniversaire de la fille et revoir en conséquence le dossier de la mère, et ce en vue d’éviter la survenance d’un indu. Il a fallu près de 16 mois pour que celui-ci apparaisse et la cour relève que, pour sa part, l’intéressée pouvait penser que l’allocation continuait à être justement calculée, et ce vu qu’elle avait la charge de sa fille ainsi que de sa petite-fille.

Elle confirme dès lors le jugement. Vu l’absence d’indu, la décision de récupération était également sans objet et la cour l’annule.

Une dernière question est relative aux intérêts sur cette somme, que le service avait retenue d’office avant sa décision de renonciation à la récupération. Constatant que la compensation n’était pas autorisée, est donc dû par le Service un arriéré d’allocations, et la cour demande, sur ce point, aux parties d’exposer le fondement légal relatif au droit aux intérêts, ainsi qu’à la prise de cours de ceux-ci.

Intérêt de la décision

L’arrêt commenté s’inscrit dans un courant de jurisprudence de plus en plus affirmé, en ce qui concerne les informations ayant un impact sur le droit des assurés sociaux à des prestations. Dans la mesure où l’information est disponible au Registre national, l’on ne peut plus retenir une obligation d’information dans le chef du bénéficiaire, puisque celle-ci est déjà disponible.

En cas d’erreur dans le traitement du dossier, en l’occurrence consécutive à la non-prise en compte d’une information accessible, les dispositions de la Charte s’appliquent, dont ici l’article 17, § 2, relatif à l’hypothèse de la revision d’une décision administrative entachée d’erreur et aboutissant à un octroi inférieur au montant initialement décidé.

Dans cet arrêt, la cour du travail relève également que, l’article 23 de l’arrêté royal du 22 mai 2003 étant plus restrictif que les dispositions de la Charte, il y a lieu de retenir cette dernière, dont le caractère d’ordre public est également rappelé.


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