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Conditions de légalité des visites domiciliaires de l’Inspection sociale

Commentaire de C. trav. Liège, div. Liège, 23 juin 2015, R.G. 2014/AL/372

Mis en ligne le vendredi 8 janvier 2016


Cour du travail de Liège, division Liège, 23 juin 2015, R.G. 2014/AL/372

Asbl Terra Laboris

Dans un arrêt du 23 juin 2015, la Cour du travail de Liège (div. Liège) reprend les conditions de régularité des visites au domicile effectuées par les inspecteurs sociaux aux fins de vérifier le respect de la législation, rappelant que le Code pénal social exige l’autorisation non plus du Juge de police, mais du Juge d’instruction.

Les faits

En juin 2010, l’Inspection sociale de l’O.N.S.S. effectue un contrôle au sein d’une propriété privée, qualifiée comme étant « d’une certaine importance ». L’O.N.S.S. a obtenu l’autorisation du Juge de Police. L’enquête fait suite à une plainte d’un ancien locataire auprès de l’Auditorat du travail. Lors de cette visite, est constatée la présence de deux travailleurs occupés à l’entretien du jardin. L’O.N.S.S. effectuera ultérieurement une régularisation, sur la base de travail salarié, pour sept trimestres, à concurrence de 3 heures par jour et 4 jours par semaine. Le montant des cotisations réclamé est de l’ordre de 12.000 €.

Un recours est introduit devant le Tribunal du travail de Liège, division de Huy.

Le tribunal fait droit à la demande de l’O.N.S.S.

Appel est interjeté.

Moyens des parties devant la cour

La partie appelante plaide essentiellement l’écartement du rapport de l’Inspection sociale, vu l’illégalité de celui-ci, ainsi que l’absence de lien de subordination. Elle fait également valoir que les travailleurs pourraient être considérés comme des travailleurs domestiques ou, encore, occasionnels.

Quant à l’O.N.S.S., il considère que l’autorisation donnée par le Juge de Police était régulière, qu’il y avait contrat de travail, celui-ci ne pouvant être un contrat de travail domestique et les travailleurs n’étant pas, par ailleurs, des travailleurs occasionnels.

La décision de la cour

La cour se penche successivement sur l’ensemble des points ci-dessus : régularité de la visite domiciliaire, exigence d’un contrat de travail, existence d’un contrat de travail domestique, ou encore travail occasionnel.

Sur le premier point, elle renvoie à la loi du 6 novembre 1972 concernant l’Inspection du travail. La question posée étant relative aux locaux habités, la cour rappelle que l’article 4, § 1er de la loi précise que, pour ceux-ci, les inspecteurs sociaux ne peuvent y pénétrer qu’avec l’autorisation préalable du Juge du Tribunal de Police.

Elle rappelle qu’il ne faut pas distinguer, en ce qui concerne la notion de domicile, entre le local habité et le jardin lui-même. Par ailleurs, ce n’est que depuis l’entrée en vigueur du Code pénal social que celui-ci impose en son article 24 l’obligation d’obtenir l’autorisation du juge d’instruction pour la visite d’un espace habité. Pour la cour, qui reprend les travaux préparatoires de la loi du 6 novembre 1972, il faut entendre par là l’habitation, mais également les dépendances (jardin, cour, remises, garages, allées) de cette habitation, où la personne est amenée à vivre sa vie privée. Il faut en effet assurer le respect de la vie privée. L’autorisation du Juge de Police à l’époque était indispensable et elle a été obtenue.

En ce qui concerne les éléments à la base de l’autorisation de la visite domiciliaire, la cour rappelle qu’il s’agit d’une dénonciation. Celle-ci a été faite à l’Auditorat du travail et celui-ci a demandé, en conséquence, que la visite domiciliaire ait lieu, faisant valoir une occupation de personnel non déclarée. C’est sur cette base, qui constitue des éléments sérieux, que l’autorisation a été donnée par Juge de Police. Elle n’a dès lors pas été soustraite au principe du contradictoire. Elle est régulière et le rapport ne doit pas être écarté des débats.

Sur la réalité du contrat de travail, la cour reprend les principes, soulignant que c’est à l’Office d’établir la réalité de ce contrat. Dans le cas d’espèce, il n’y a pas de convention écrite quant à la nature de la relation de travail et, dans la recherche de l’existence du lien de subordination, il convient de rechercher la présence d’indices révélateurs d’un tel lien. En l’espèce, le travail de jardinage n’est pas contesté, non plus que les instructions données par les propriétaires. N’est pas davantage discuté le fait que les outils étaient fournis par ces derniers et qu’ils venaient travailler certaines journées déterminées de la semaine (toujours les mêmes). Ils ne pouvaient dès lors décider de leur horaire et, vu la nature du travail et les instructions données, il y avait contrat de travail, étant également acquis que les travailleurs percevaient une rémunération.

Il ne peut, par contre, pas s’agir d’un contrat de travail domestique, l’article 5 de l’arrêté royal du 29 novembre 1969 pris en exécution de la loi organique du 27 juin 1969 contenant la même définition que celle visée à l’article 5 de la loi du 3 juillet 1978, étant que le travailleur domestique effectue des travaux ménagers d’ordre manuel pour les besoins de l’employeur et/ou de sa famille. La cour donne une qualification des travaux ménagers, étant que ceux-ci concernent les soins donnés à la maison et à son mobilier. S’agissant de travaux d’entretien du parc ou du jardin, cette définition ne peut s’appliquer.

Il n’est pas non plus question de recourir à la qualification de travail occasionnel, celui-ci étant défini comme ne pouvant dépasser 8 heures par semaine chez un ou plusieurs employeurs et étant également du travail effectué pour les besoins de ménage de l’employeur ou de sa famille.

Il résulte, dès lors, pour la cour, de l’ensemble des éléments examinés que le contrat de travail est dûment établi et que le jugement doit être confirmé.

Intérêt de la décision

Cet arrêt de la Cour du travail de Liège rappelle, outre le débat habituel relatif à la détermination de l’existence d’un contrat de travail, diverses notions utiles, dont celle de lieu habité, pour l’intervention des inspecteurs sociaux venant vérifier le respect de la législation sociale et, particulièrement, le travail déclaré à la sécurité sociale.

En l’espèce, s’agissant de faits antérieurs à l’entrée en vigueur du Code pénal social, l’autorisation du Juge de Police était indispensable pour que les inspecteurs puissent accéder à un « espace habité ». La cour a rappelé les tenants et aboutissants de cette notion, au sens des travaux préparatoires de la loi du 6 novembre 1972 (Doc. parl. Ch. Repr., session ordinaire, 1971-1972, n° 254/1, p. 2)

Elle a rappelé également la définition du travailleur domestique et, sur cette question, a fait la distinction claire entre des travaux de ménage et des travaux extérieurs d’entretien de l’immeuble.

L’on notera également, sur la première question, conditionnant la légalité des visites domiciliaires, que le Code pénal social contient une section relative aux pouvoirs des inspecteurs sociaux, spécifiant les conditions d’accès aux lieux de travail (article 23), ainsi qu’aux espaces privés (article 24). L’article 24, § 1er, 5e tiret, prévoit que les inspecteurs sociaux ont uniquement accès aux espaces privés lorsqu’ils sont en possession d’une autorisation de visite domiciliaire délivrée par le juge d’instruction. Pour ce, ils doivent, en vertu de la même disposition, § 2, adresser une demande motivée à celui-ci. La disposition poursuit en précisant les données minimales requises, parmi lesquelles figure la législation qui fait l’objet du contrôle, ainsi que, lorsque c’est le cas, les infractions éventuelles.


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