Terralaboris asbl

Caractère subsidiaire de l’intervention du Fonds spécial de Solidarité de l’I.N.A.M.I.

Commentaire de C. trav. Bruxelles, 3 juin 2015, R.G. 2013/AB/735

Mis en ligne le vendredi 27 novembre 2015


Cour du travail de Bruxelles, 3 juin 2015, R.G. 2013/AB/735

Terra Laboris asbl

Dans un arrêt du 3 juin 2015, la Cour du travail de Bruxelles, statuant après l’arrêt de la Cour de cassation du 27 mai 2013, examine les conditions d’intervention des patients (et ce à l’occasion d’une demande d’intervention du Fonds spécial de Solidarité de l’I.N.A.M.I.) pour des prestations spécifiques, eu égard aux règles de financement des hôpitaux.

Les faits

Un enfant, hospitalisé, bénéficie pendant une dizaine de jours de la technique ECMO (Extracorporelle Membrane Oxygénation), période suite à laquelle il décède.

L’hôpital facture au père un montant de l’ordre de 6.500 €, s’agissant de soins non repris dans la nomenclature.

Appel est dès lors fait au Fonds spécial de Solidarité, qui refuse d’intervenir au motif que la prestation serait déjà remboursée vu qu’elle est comprise dans la journée d’entretien et qu’elle n’est donc pas à charge des parents.

Un recours est introduit devant le Tribunal du travail de Marche.

Celui-ci fait droit à la demande. L’hôpital ayant interjeté appel, la Cour du travail de Liège rend un arrêt le 9 février 2011, constatant que la demande est non fondée en ce qu’elle est dirigée contre l’I.N.A.M.I., au motif que ce matériel ne relève pas de la nomenclature. La décision administrative est confirmée.

L’arrêt de la Cour de cassation du 27 mai 2013

Un pourvoi est introduit devant la Cour de cassation, qui casse l’arrêt, par décision du 27 mai 2013 (Cass., 27 mai 2013, n° S.11.0060.F).

La Cour de cassation rappelle qu’en vertu de l’article 25, alinéa 3 de la loi relative à l’assurance obligatoire soins de santé et indemnités, le Fonds spécial de Solidarité intervient pour les soins de santé pour lesquels aucune intervention n’est prévue en vertu des dispositions réglementaires de l’assurance soins de santé belge ou de dispositions légales d’un régime d’assurance obligatoire étranger.

La Cour de cassation considère que la cour du travail ne pouvait, sans violer cette disposition, rejeter le recours formé contre le refus d’intervention du Fonds au seul motif que la prestation ne relevait pas de la nomenclature.

La Cour casse également l’arrêt dans la mesure où la cour du travail s’était déclarée incompétente pour connaître de la demande d’intervention du père contre l’hôpital. Il est rappelé qu’en vertu de l’article 30 du Code judiciaire, les demandes liées entre elles par un rapport si étroit qu’il y a intérêt à les instruire et à les juger en même temps, afin d’éviter des solutions qui seraient susceptibles d’être inconciliables, peuvent être traitées comme connexes. Dans la mesure où le demandeur considérait que sa demande contre l’hôpital était l’accessoire de sa demande principale (celle-ci étant de la compétence des juridictions du travail), la cour du travail devait examiner la question de la connexité.

L’affaire est renvoyée devant la Cour du travail de Bruxelles.

La décision de la cour du travail

La cour rappelle le cadre juridique, constatant en premier lieu que la prestation en cause est entrée dans la nomenclature le 1er juillet 2009. S’agissant cependant d’une période antérieure, la question de l’intervention du Fonds doit être examinée.

Elle souligne qu’en vertu de l’article 25, alinéa 3 ci-dessus, cette intervention a un caractère subsidiaire, étant que la prestation ne sera prise en charge que si elle n’est pas remboursée autrement. En outre, elle relève une contestation entre l’I.N.A.M.I. et l’hôpital. L’I.N.A.M.I., pour sa part, estime que la prestation en cause est comprise dans le budget des moyens financiers (BMF) alloué à celui-ci, se référant à un arrêt de la Cour de cassation du 13 janvier 2014 (Cass., 13 janvier 2014, n° C.2011.596.N). La prestation n’étant pas exclue de celui-ci, elle doit être considérée comme incluse et, pour l’I.N.A.M.I., elle ne pouvait faire l’objet d’une facturation.

La cour en vient, ainsi, à l’examen de l’inclusion de la prestation dans le BMF de l’hôpital. En effet, si la prestation est incluse dans le budget des moyens financiers d’un hôpital, elle ne peut être facturée au patient. Elle ne pourra dès lors pas faire l’objet d’une demande de prise en charge par le Fonds. Ceci est l’application des règles de la loi sur les hôpitaux, dont l’article 96bis prévoit qu’aucune intervention financière ne peut être réclamée au patient pour l’ensemble des interventions et prestations couvertes forfaitairement par le BMF.

Examinant les dispositions réglementaires, la cour constate en premier lieu que ces prestations n’entrent dans aucune des rubriques relatives au coût des services cliniques.

Elle tranche alors la question de savoir s’il y a lieu de conclure à l’inclusion à défaut d’exclusion du BMF, ce que soutient l’I.N.A.M.I.

Reprenant la jurisprudence de la Cour de cassation, étant l’arrêt du 13 janvier 2014 cité, dont l’enseignement a été confirmé dans un nouvel arrêt du 8 décembre 2014 (Cass., 8 décembre 2014, n° C.12.0415.N), elle souligne le caractère limitatif des frais non repris dans le budget de l’hôpital. Ceux qui ne sont pas exclus (par une disposition spécifique, étant l’article 95 de la loi du 7 août 1987) sont censés être repris dans le BMF. Dans l’attente de leur exclusion explicite, les coûts d’un nouveau traitement ne peuvent dès lors être mis à charge du patient.

La matière est d’ordre public, de telle sorte que, si le Fonds a été amené à intervenir par le passé pour cette prestation, ceci ne crée aucun droit pour l’avenir.

Intérêt de la décision

Cet arrêt de la Cour du travail de Bruxelles, qui met un terme à une longue procédure, rappelle, en matière de nomenclature, le rôle du Fonds spécial de Solidarité et souligne qu’une des premières conditions de son intervention est le caractère subsidiaire du recours à cet organisme. Dans la mesure où la prise en charge peut intervenir autrement, il ne doit pas être sollicité.

En l’occurrence, l’I.N.A.M.I. a fait valoir que le budget des moyens financiers des hôpitaux couvre de manière forfaitaire tous les frais résultant du séjour en chambre commune et de la dispensation des soins en hôpital, en ce compris pour l’hospitalisation de jour (article 94 de la loi cordonnée sur les hôpitaux). Il y a dès lors une intervention forfaitaire, supposée couvrir l’ensemble de ces prestations. Certains services sont exclus, mais cette exclusion est limitative. Dès lors, il ne peut être réclamé au patient – et, par voie de conséquence, au Fonds spécial de Solidarité – une prise en charge.

Relevons enfin qu’un second arrêt a été rendu le même jour sur la question, la cour du travail y précisant que, si certaines conséquences de l’interprétation interne par la Cour de cassation sont jugés inadéquates, c’est au législateur et non au juge qu’il appartient de les corriger (C. trav. Bruxelles, 3 juin 2015, R.G. 2012/AB/936 et 2012/AB/938).


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