Terralaboris asbl

Précision sur la notion de mise en ménage et sur le partage de la charge de la preuve

Commentaire de C. trav. Liège, 13 décembre 2006, R.G. 31.325/03

Mis en ligne le vendredi 21 mars 2008


Cour du travail de Liège, 13 décembre 2006, R.G. 31.325/03

TERRA LABORIS ASBL – Sophie Remouchamps

Dans un arrêt du 13 décembre 2006, la Cour du travail de Liège, chargée de statuer sur le droit aux allocations familiales majorées d’une orpheline de père, apporte des précisions sur la portée de la présomption de mise en ménage ainsi que la charge et le contenu de la preuve à rapporter par l’ONAFTS.

Les faits

Suite au décès de son époux, Mme C. obtient, pour sa fille, les allocations familiales majorées à dater du 1er janvier 1992. Cette dernière perçoit, pendant quelques mois en 1994, elle-même les dites allocations.

Le 1er octobre 1994, Mme C. se marie avec Monsieur P. A cette suite, l’ONAFTS aurait procédé à une enquête et constaté que les nouveaux époux seraient domiciliés à la même adresse depuis 1987.

En conséquence, l’organisme réclame à la mère et à la fille la différence entre les allocations majorées et les allocations familiales ordinaires.

Toutes deux introduisent un recours devant le Tribunal. Dans ce cadre de celui-ci, l’ONAFTS introduit une demande reconventionnelle, visant leur condamnation à rembourser le prétendu indu.

Le Tribunal donne raison à l’ONAFTS, estimant qu’il y avait bien mise en ménage.

La position des parties

La mère et la fille contestent toute cohabitation de la première avec Monsieur P. Elles exposent que Mme C., locataire d’une maison de 3 étages, sous-louait le deuxième et troisième étage à Monsieur P., de sorte qu’ils ne partageaient pas le même espace de vie (cuisine, salle de bain, séjour). Elles estiment également que le mariage, postérieur, n’établit pas à lui seul la cohabitation.

L’ONAFTS sollicite par sa part la confirmation du jugement.

La décision de la Cour

La Cour rappelle tout d’abord le prescrit de l’article 56bis, § 2, des lois coordonnées relatives aux allocations familiales des travailleurs salariés, qui refuse le droit aux allocations familiales majorées si le parent survivant est marié ou établi en ménage. La loi prévoit une présomption de mise en ménage, dès lors qu’il y a cohabitation entre personnes de sexe différent, n’ayant pas de lien de parenté.

Il en résulte qu’il appartient à l’ONAFTS d’établir le fait matériel de la cohabitation, afin de pouvoir bénéficier de la présomption de mise en ménage.

Sur l’objet de la preuve à rapporter, la cour relève qu’il ressort de l’arrêt du 18 avril 1994 de la Cour de cassation que ce que l’ONAFTS doit établir est le fait de la vie sous le même toit et non également la mise en commun des ressources. Ce dernier point concerne le renversement de la présomption par le bénéficiaire, qui peut établir l’absence de mise en commun des ressources.

En conséquence, la cour examine tout d’abord si l’ONAFTS établit la vie sous le même toit entre la maman et Monsieur P.

Elle relève que l’existence d’un domicile commun n’est pas établie. Examinant les éléments déposés par la mère et la fille quant à la répartition faite de l’immeuble loué par Mme C. et eu égard au fait que le 3e étage avait déjà été mis en location à des étudiants, la cour relève qu’il s’agit dès lors d’une présence commune dans le même bâtiment.

Pour la cour, cette présence ne peut être assimilée à une « vie sous le même toit », peu importe que l’adresse de domiciliation se réfère au même immeuble. En effet, pour que la condition de « vie sous le même toit » soit établie, il est nécessaire de constater un partage des lieux de vie, tels que la cuisine, la salle de bain et la salle de séjour (ou pièce à vivre). Or, sur ce point, l’ONAFTS, qui n’a procédé à aucune investigation, échoue à établir l’existence de lieux de vie communs.

En conséquence, l’ONAFTS ne prouvant pas la vie sous le même toit, il n’est pas nécessaire d’examiner les éléments quant à la mise en commun des ressources.

La Cour reçoit dès lors l’appel.

Intérêt de la décision

L’importance de cette décision réside dans le rappel des règles de la charge de la preuve ainsi que du contenu de la preuve elle-même.

Il y a lieu de louer cet arrêt, qui, contrairement à l’interprétation faite par de nombreuses administrations sociales de la notion de cohabitation, considère que vivre dans le même immeuble ne signifie pas vivre sous le même toit, cette dernière notion supposant qu’il y ait un partage des espaces communs.


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