Terralaboris asbl

Evaluation de l’incapacité permanente de travail et de l’aide de tiers suite à un accident du travail

Commentaire de C. trav. Bruxelles, 20 avril 2015, R.G. 2013/AB/437

Mis en ligne le lundi 21 septembre 2015


Cour du travail de Bruxelles, 20 avril 2015, R.G. n° 2013/AB/437

Terra Laboris asbl

Dans un arrêt du 20 avril 2015, la Cour du travail de Bruxelles reprend les règles en matière d’évaluation de l’incapacité permanente de travail, rappelant avec l’expert qui avait été désigné, que celui-ci donne un avis et qu’il peut inviter le Juge et les parties à discuter du taux final. Quant à l’aide de tiers, c’est en fonction de la nécessité de la durée de celle-ci qu’elle doit être indemnisée, suivant les barèmes du R.M.M.M.G.

Les faits

Une aide-soignante dans une maison de repos est victime d’un accident sur le chemin du travail en janvier 2008, étant une chute devant son immeuble.

Elle est hospitalisée pendant une période de trois mois et dois, ensuite, suivre divers traitements. Les séquelles de l’accident s’avèrent importantes vu des complications neurologiques.

Un expert judiciaire est désigné dans le cadre de la procédure introduite en règlement des séquelles et cet expert conclut, dans son rapport d’expertise, à une incapacité économique de 85%, précisant que celle-ci « correspond dans la réalité (l’expert souligne) à une incapacité permanente totale mais laisse le Juge et les conseillers juridiques (d’)en décider ».

Une aide de tiers est prévue, en outre, pour laquelle l’expert précise que, si elle doit être évaluée en heures, il s’agit d’une aide non spécialisée pour l’entretien de l’habitat ainsi que la préparation des repas à concurrence d’une heure trente par jour, tous les jours de la semaine et que, en pourcentage, le degré de nécessité de cette aide peut être fixé à 18%.

Le rapport est entériné, le Tribunal du travail de Bruxelles précisant cependant que l’incapacité permanente de travail doit être fixée à 100%. En ce qui concerne l’aide de tiers, il l’augmente également, la portant à 28% (étant 28% du R.M.M.M.G. à la date de la consolidation).

Appel est interjeté par l’assureur, qui demande de revenir à un taux d’IPP de 85% et à un pourcentage d’aide de tiers de 18%.

Position de la cour du travail

La cour est saisie d’une double question, portant sur le règlement des séquelles dans le cadre de l’incapacité permanente et couvrant d’une part le taux de cette incapacité et d’autre part le pourcentage de l’aide de tiers.

Sur la première question, elle rappelle la méticulosité du rapport d’expertise, ainsi que les nombreux avis de sapiteurs qui ont été demandés, l’expert ayant conclu à l’issue de ses travaux à un taux de 85% dans un rapport que la cour considère comme motivé à suffisance. L’expert a mené, ainsi qu’elle le précise, sa mission de manière irréprochable et ses constatations et avis ne sont d’ailleurs en rien contestés. Il y a dès lors lieu de partir de la proposition faite, de fixer l’incapacité permanente à 85%, la cour relevant cependant les nuances apportées par le rapport d’expertise puisque ce taux correspond, selon l’expert, en réalité à une incapacité permanente totale.

La cour rappelle, à la lumière de cet avis, que le juge peut en vertu de l’article 962, alinéa 1er du Code judiciaire, charger des experts de procéder à des constatations ou de donner un avis technique en vue de la solution du litige qui est porté devant lui. Ce rapport a ainsi valeur d’avis et le juge peut s’en écarter. S’agissant en l’espèce d’apprécier in concreto l’incapacité de travail entraînée par des séquelles médicales, eu égard à des critères spécifiques, qui sont les caractéristiques propres de la victime et la répercussion des séquelles sur sa capacité économique sur le marché général du travail – la cour souligne que c’est à juste titre que l’expert a fait la distinction, dans sa proposition finale, entre l’incapacité qu’il proposait et la traduction de celle-ci, qui en réalité, couvre une incapacité totale – ce qu’il a laissé le juge décider.

Constatant que l’intéressée n’a aucune possibilité effective de se réinsérer même dans un atelier protégé, vu qu’elle a un très faible bagage scolaire et qu’elle souffre de problèmes cognitifs et moteurs, elle confirme la décision du premier juge, étant que le taux doit être fixé à 100%.

Sur l’allocation complémentaire pour aide de tiers, la cour rappelle que le législateur semble avoir implicitement pris pour critère d’évaluation le nombre d’heures de travail (mensuel, hebdomadaire ou journalier). L’expert a proposé deux calculs. Elle rappelle qu’il ne peut être déduit de l’article 24 que la victime dont le besoin d’aide n’est pas maximal n’aurait droit qu’à une fraction du montant du R.M.M.G. en proportion de son besoin d’aide par rapport à ce besoin maximal, et ce plus particulièrement en fonction de grilles préétablies.

Elle renvoie à un arrêt de la même cour du 18 octobre 2010 (R.G. n° 2009/AB/51700) sur la question. Dans cet arrêt il est fait référence à plusieurs décisions de la Cour de cassation dont un arrêt du 28 février 1994 (Cass., 28 février 1994, Pas., p. 207). Elle en rappelle le principe, étant que la limitation du montant de l’allocation complémentaire au montant du R.M.M.M.G. constitue un plafonnement, c’est-à-dire que ce montant ne peut pas être dépassé – même s’il est insuffisant au vu du besoin d’aide de la victime. Cette limitation ne signifie cependant pas que, si son besoin d’aide n’est pas maximal, elle n’aurait droit qu’à une fraction du montant du R.M.M.M.G. au titre d’allocation complémentaire en proportion du besoin d’aide par rapport à ce besoin maximal. Il n’y a dès lors pas lieu de réduire l’allocation complémentaire en proportion du degré de nécessité d’aide par rapport au besoin d’aide maximal.

La cour analyse dès lors les répercussions de l’état de la victime sur la possibilité pour elle de réaliser tel ou tel geste de la vie courante. Elle constate qu’il y a neuf réponses négatives (aux grilles en cause), dans la description des séquelles faite lors des travaux d’expertise, celles-ci étant relatives aux postes de nutrition, de vie domestique et d’autonomie. Le pourcentage est dès lors de 18%. La cour relève cependant que ce pourcentage du besoin d’aide maximal, tel que fixé par les grilles fonctionnelles ne permet pas de déterminer à lui seul le montant de l’allocation complémentaire. Le critère légal est en effet la fixation de ce montant sur la base du R.M.M.M.G. tel que déterminé pour un travailleur à temps plein.

La cour confirme dès lors la conclusion du tribunal, qui a retenu comme mode de calcul le nombre d’heures de travail par rapport au R.M.M.M.G. pour un temps plein. Il s’agit de 10hrs30 par semaine sur un total de 38 heures, ce qui donne un chiffre de 28%.

Le jugement est dès lors confirmé sur ces deux questions.

La cour règle enfin des questions annexes plus spécifiques à l’espèce, que nous n’abordons pas.

Intérêt de la décision

Il s’agit, dans cet arrêt, de déterminer essentiellement les séquelles de l’accident dans le cadre de l’incapacité permanente de travail.

De manière très adéquate, l’expert désigné avait nuancé ses propres conclusions invitant les acteurs juridiques à préciser leur position en ce qui concerne les séquelles sur le plan socio-économique, question qu’il n’avait pas tranchée dans son avis.

La cour rappelle très judicieusement à cet égard qu’elle peut, se reposant sur un tel avis, réapprécier elle-même les éléments permettant de déterminer les séquelles globales de l’accident. Eu égard aux spécificités du cas d’espèce, elle a conclu assez rapidement que l’ensemble du marché du travail était fermé à l’intéressée.

Sur l’aide de tiers, c’est en fonction du R.M.M.M.G. que celle-ci doit être évaluée, étant qu’il faut traduire le temps jugé indispensable pour l’aide de tiers en termes d’indemnisation, celle-ci étant censée correspondre, à 100%, au montant du R.M.M.M.G.


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