Terralaboris asbl

Exercice conjoint de l’autorité parentale : à qui payer les allocations familiales ?

Commentaire de C. trav. Bruxelles, 7 novembre 2007, R.G. 48.673

Mis en ligne le vendredi 21 mars 2008


Cour du travail de Bruxelles, 7 novembre 2007, R.G. n° 48.673

TERRA LABORIS ASBL – Mireille Jourdan

Dans un arrêt du 7 novembre 2007, la Cour du travail de Bruxelles a rappelé, en cas de séparation des parents avec exercice conjoint de l’autorité parentale, les obligations d’information dans le chef de l’organisme de paiement, afin de permettre au père de conserver la qualité d’allocataire.

Les faits

Un couple marié, ayant trois enfants, se sépare en dehors de toute procédure judiciaire. Suite à cette séparation, les enfants continuent à habiter avec leur père et sont domiciliés chez lui. Les allocations familiales sont versées sur un compte commun et sont perçues par le père.

Les allocations sont payées en rangs progressifs en fonction de l’âge des enfants. Lorsque le troisième de ceux-ci arrive à la majorité, l’ONSS A.P.L., distributeur des allocations, revoit le dossier et réclame le remboursement de plus de 3.500 €.

Pour l’ONSS, les deux aînés étant majeurs au moment de la séparation, les allocations familiales auraient dû être versées au père mais, pour la cadette, mineure à ce moment, les allocations auraient dû être versées à la mère, et ce au rang 1 et non au rang 3. Ceci justifie le montant de l’indu.

Le père va contester celui-ci.

La position du tribunal

Le tribunal du travail de Bruxelles déclare le recours fondé. Il considère que le père pouvait, nonobstant la séparation, prétendre en tant qu’allocataire aux allocations familiales au rang 3 pour sa fille mineure. En conséquence, les allocations payées à ce rang doivent lui être acquises.

La position des parties en appel

L’ONSS A.P.L. fait essentiellement valoir que la mère devait être considérée comme allocataire, puisque les parents ne cohabitaient pas mais que l’autorité parentale restait conjointe. Par conséquent, le groupement doit s’opérer dans le nouveau ménage de la mère allocataire et non dans celui du père. Les allocations de la fille mineure doivent donc être calculées au rang 1 et non au rang 3.

Il fait également valoir que il n’a pu se rendre compte du changement de situation avant un contrôle intervenu en 2004, au motif qu’il n’aurait pas été informé ni par le père, ni par la mère.

Selon lui, si le père avait voulu continuer à percevoir les allocations familiales pour sa fille mineure, il aurait dû en faire la demande auprès de l’organisme d’allocations familiales, conformément à la dérogation contenue à l’article 69, § 1er, alinéa 3 des lois coordonnées, disposition selon laquelle la demande du père ne peut être prise en considération que si l’enfant a la même résidence principale que lui, ce qui est le cas en l’espèce. Il constate que la condition d’octroi est remplie mais, le père n’ayant pas fait la démarche requise, il ne peut prétendre aux allocations.

L’ONSS fait encore grief au premier juge d’avoir considéré que la législation en vigueur ne faisait pas de la demande du père un préalable obligé à sa désignation comme allocataire.

Quant au père, il déclare avoir prévenu l’ONSS A.P.L. et produit, à l’appui de sa position, un courrier de sa commune confirmant la chose. Les déclarations de l’administration communale (qui l’emploie) sont explicites en ce qui concerne le changement de situation.

La position de la Cour

Sur le fond, la Cour rappelle l’article 69 des lois coordonnées relatives aux allocations familiales des travailleurs salariés, selon lequel en cas de séparation et d’exercice conjoint de l’autorité parentale au sens de l’article 374 du Code civil, si l’enfant n’est pas élevé exclusivement ou principalement par un autre allocataire, les allocations sont payées intégralement à la mère. Elles le sont cependant au père, à sa demande, lorsque l’enfant et lui-même ont la même résidence principale (§ 1er, alinéa 3).

Il en ressort que seules deux conditions sont requises, étant l’exigence de même résidence pour le père et l’enfant et une demande adressée par le père.
Pour la Cour il s’agit de deux conditions d’octroi et l’une n’est pas présente en l’espèce.

Pour la Cour, cependant, si la démarche n’a pas été faite par le père, il y a un devoir d’information des institutions de sécurité sociale, devoir inscrit dans la Charte de l’assuré social (articles 3 et suivants), et celui-ci a été appliqué par la Cour du travail de Liège notamment (C. trav. Liège, 12 septembre 2005, R.G. n° 34.404) à la présente hypothèse, cette Cour ayant considéré qu’il appartient à l’organisme de paiement, avant de verser les allocations à la mère, d’informer le père qu’il peut demander à conserver la qualité d’allocataire et de lui laisser un délai raisonnable pour introduire cette demande.

Après avoir, par ailleurs, estimé au vu des éléments de fait que l’ONSS A.P.L. avait dû être informé de la situation, la Cour va conclure, partageant l’avis de l’Avocat général, qu’il y a faute dans le chef de l’ONSS A.P.L. et que celle-ci va neutraliser l’absence de demande du père.

L’ONSS A.P.L. est dès lors débouté de son appel.

Intérêt de la décision

Voici une nouvelle occasion de mettre en pratique les principes de la Charte de l’assuré social relatifs au devoir d’information d’initiative de l’institution de sécurité sociale. En l’espèce, l’incidence financière de cette absence d’information est importante, pour l’assuré social, puisqu’il s’agit d’un indu de plus de 3.500€.


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