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Octroi des allocations de chômage : sanction en cas de chômage considéré comme volontaire

Commentaire de C. trav. Liège, div. Namur, 23 avril 2015, R.G. 2014/AN/70

Mis en ligne le jeudi 20 août 2015


Cour du travail de Liège, div. Namur, 23 avril 2015, R.G. n° 2014/AN/70

Terra Laboris asbl

Dans un arrêt du 23 avril 2015, la Cour du travail de Liège, Division Namur, rappelle que la sanction d’un comportement fautif aboutissant au licenciement est une conséquence du non accomplissement des conditions d’octroi des allocations mais qu’elle peut être assortie d’un sursis.

Les faits

Un ouvrier est licencié moyennant paiement d’une indemnité compensatoire de préavis, l’employeur indiquant cependant sur le C4 que le motif du chômage est le non respect des consignes.

L’ONEm fait son enquête auprès de l’employeur et celui-ci invoque une attitude générale, l’ayant amené à formaliser ses griefs dans un premier courrier et puis dans un second. Il signale avoir pris en compte la situation de l’intéressé, situation malheureuse. Les reproches détaillés sont en général relatifs à son comportement au travail.

L’ouvrier est alors convoqué par l’ONEm en vue de vérifier son attitude fautive éventuelle. La convocation ne lui parvient pas, vu un changement lié à la rupture du bail par le propriétaire. La nouvelle adresse est communiquée un mois plus tard sur le document C1.

L’ONEm prend une décision le 7 février 2013, considérant qu’il est chômeur par suite de circonstances dépendantes de sa volonté. Une exclusion de treize semaines est prononcée pour motif équitable suite à son attitude fautive.

Décision du tribunal du travail

Par jugement du 8 mai 2014, le Tribunal du travail de Liège, Div. Namur, annule la sanction pour défaut de motivation et rétablit l’intéressé dans ses droits aux allocations à compter de la date litigieuse.

Position des parties

L’ONEm interjette appel sur l’annulation de la décision administrative. Il plaide également que, si celle-ci devait être annulée, la cour a un pouvoir de substitution. En tout état de cause, il considère que la hauteur de la sanction est motivée eu égard aux éléments du dossier.

Décision de la cour du travail

La cour rappelle en premier lieu les obligations du chômeur en cas de changement d’adresse, étant qu’il doit déclarer à son organisme de paiement toute modification dans les données nécessaires à la gestion de son dossier si les éléments communiqués précédemment ne sont plus d’actualité. Dans la mesure où l’intéressé a attendu un mois avant de respecter cette obligation, il ne peut tirer argument du fait qu’il n’a pas été entendu.

En ce qui concerne la motivation, elle juge qu’il y a une motivation en droit suffisante dès lors qu’il est fait référence aux articles de la réglementation concernée. En ce qui concerne les faits, l’ONEm s’est référé au motif du C4 et la cour considère que l’intéressé doit comprendre les motifs invoqués, dans la mesure où il a reçu deux lettres d’avertissement avant le licenciement. Il n’y a dès lors pas lieu à annuler la décision administrative.

Sur l’existence d’un motif équitable, la cour constate que l’intéressé a commis plusieurs manquements, ceux-ci étant d’ailleurs précisés et personnalisés, ces manquements ayant été répétés et leur constatation ayant été régulièrement faite par l’employeur. Il devait dès lors s’attendre aux reproches formulés, de telle sorte que la cour retient un lien causal entre les fautes et le licenciement.

L’absence de contestation des fautes par l’organisation syndicale, de même que l’absence de procédure en indemnisation pour licenciement abusif sont également retenues, ainsi que le fait que l’intéressé n’a pas contesté précédemment les termes des avertissements donnés.

Sur la sanction, la cour rappelle que l’exclusion n’est pas une sanction administrative, mais une conséquence du fait que les conditions d’octroi ne sont plus remplies. Elle renvoie à la doctrine en la matière et notamment à celle de Mme HAUTENNE (N. HAUTENNE, « Sanctions : quelques questions et controverses », in Ouvrage collectif sur la réglementation du chômage : vingt ans d’application de l’arrêté royal du 25 novembre 1991, Kluwer 2011, p. 721).

L’exclusion a été fixée à 13 semaines, dans la fourchette de 4 à 26.

La cour retient cependant que le travailleur peut bénéficier d’un sursis complet, eu égard à l’absence d’antécédents et au fait qu’il a travaillé pendant neuf ans pour le même employeur.

La cour confirme dès lors l’exclusion pendant 13 semaines, celle-ci étant cependant assortie d’un sursis complet.

Intérêt de la décision

Plusieurs points sont abordés dans cet arrêt de la Cour du travail de Liège sur la question du caractère volontaire du chômage.

L’on doit en effet rappeler en premier lieu que même le licenciement avec préavis ou paiement d’une indemnité compensatoire ne met pas le travailleur à l’abri en ce qui concerne l’octroi des allocations de chômage et que le document C4 sert précisément, dans sa rubrique « motif précis du chômage », à vérifier si le travailleur remplit la condition d’octroi qui consiste à ne pas être responsable de sa mise en chômage.

L’arrêt rappelle ensuite que pour la cour la motivation donnée est suffisante au regard de la loi du 29 juillet 1991 sur la motivation des actes administratifs, étant que, à la fois en droit et en fait, elle contient une motivation adéquate. La cour admet donc la motivation « par référence », puisque l’acte lui-même n’a pas contenu les motifs requis. Le tribunal avait fait une autre appréciation de la question.

Par ailleurs, sur la nature de la mesure d’exclusion, la cour rappelle à juste titre qu’il ne s’agit pas d’une sanction à proprement parler, mais de la conséquence sur le droit aux allocations du non accomplissement d’une condition d’octroi.

Eu égard aux éléments qui lui ont été présentés, elle considère cependant pouvoir faire application de l’article 53bis de l’arrêté royal, qui prévoit en son paragraphe 1er que le directeur du bureau régional peut se limiter à donner un avertissement et en son paragraphe 2 qu’il peut assortir la décision d’exclusion d’un sursis partiel ou complet, le délai du sursis étant exprimé en nombre de semaines. L’article 53bis en son paragraphe 3 exclut cette possibilité de limitation de la mesure si dans les deux ans qui précèdent l’événement en cause il y a déjà eu un fait ayant donné lieu à l’application de ces dispositions.

L’on relèvera encore, sur la question, que dans un arrêt du 17 septembre 2009 (C. trav. Bruxelles, 17 septembre 2009, R.G. n° 45.522), la Cour du travail de Bruxelles avait fait une application des mêmes dispositions, s’agissant en l’espèce de l’abandon d’emploi convenable sans motif légitime (et non de licenciement pour un motif lié à l’attitude fautive du travailleur). La Cour du travail de Bruxelles y réservait des développements circonstanciés sur la sanction et sur le contrôle judiciaire.


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