Terralaboris asbl

Quand prend effet le changement d’allocataire ?

Commentaire de C. trav. Mons, 21 décembre 2006, R.G. 16.458 et 18.215

Mis en ligne le vendredi 21 mars 2008


Cour du travail de Mons – 21 décembre 2006 – R.G. n° 16458/18215

TERRA LABORIS ASBL – Mireille Jourdan

Dans un arrêt du 21 décembre 2006, la Cour du travail de Mons a interprété l’article 70 bis des lois coordonnées comme signifiant que le changement d’allocataire ne peut produire ses effets qu’au plus tôt le premier jour du mois qui suit celui au cours duquel l’organisme débiteur des allocations a été avisé.

Les faits

Les faits de l’espèce sont simples : le père invoque une mutation à la date du 23 février 1998, par le biais d’une inscription théorique de sa fille dans son ménage à cette date.

Il déposera une requête au greffe du tribunal du travail pour obtenir la mutation neuf mois plus tard, soit le 27 novembre 1998.

Entre-temps, les allocations familiales ont été payées à la mère.

La position du tribunal

Le premier Juge va considérer que le changement d’allocataire devait produire ses effets à dater du premier jour du mois qui suit celui au cours duquel ledit changement a eu lieu.

Il fait dès lors droit à la demande.

Objet de l’appel

L’ONAFTS interjette appel du jugement, invoquant essentiellement que le changement ne peut produire ses effets qu’au plus tôt le premier jour du mois suivant celui de la notification du jugement adressée à l’organisme débiteur d’allocations familiales.

Pour l’Office, cette thèse est confortée par l’arrêté royal du 21 avril 1997, qui ne prévoit pas la suspension du paiement des allocations familiales à la mère dans l’attente de la décision judiciaire à intervenir. Pour lui, le paiement est effectué légalement à la mère tant qu’une décision attribuant la qualité d’allocataire au père n’a pas été rendue opposable à l’organisme d’allocations familiales.

La position de la Cour

La Cour va régler, d’abord, deux problèmes de procédure.

Le premier concerne la recevabilité de la requête d’appel. Le jugement du tribunal datant du 3 novembre 1999 et ayant été notifié le 5 novembre 1999, avec présentation le 8 novembre 1999, la Cour conclut que le recours enregistré au greffe le 3 décembre 1999 est recevable sur le plan des délais. Cette conclusion découle de la méthode de calcul déduite des articles 52, 53, 54, 792 (alinéas 2 et 3) et 1051 du Code judiciaire et également de l’enseignement de l’arrêt de la Cour constitutionnelle du 17 décembre 2003 (arrêt n° 170/2003) qui a consacré la théorie de la réception. La Cour relève que cette théorie est intégrée dans le nouveau prescrit de l’article 53 bis du Code judiciaire, qui prévoit, lorsque la notification est effectuée par pli judiciaire ou par voie recommandée avec accusé de réception (comme en l’espèce), que le délai commence à courir, à l’égard du destinataire, le premier jour suivant celui où le pli a été présenté à son domicile, le cas échéant à sa résidence ou encore à son domicile élu.

Par ailleurs, l’ONAFTS a cité en déclaration d’arrêt commun, au niveau de la procédure d’appel, la mère, dans la mesure où celle-ci aurait pu former tierce opposition à la décision sur la contestation principale (voir 1122 du Code judiciaire). La Cour relève le caractère purement conservatoire de cet appel, qui a pris place avant tout débat sur le fond même s’il a été exercé pour la première fois en degré d’appel. Il est, par conséquent, recevable, ne violant pas les droits de défense.

En ce qui concerne la question de fond, étant la date d’effectivité du changement d’allocataire, la Cour accueille l’appel de l’ONAFTS. Elle relève que l’article 70 bis des lois coordonnées prévoit simplement que tout changement d’allocataire (au sens des articles 69 et 70) qui intervient dans le cours d’un mois produit ses effets le premier jour du mois qui suit celui au cours duquel ce changement a eu lieu.

Il n’est pas fait état, dans cette disposition, de non rétroactivité d’une décision judiciaire à la base d’un changement d’allocataire. Celle-ci se limite, au contraire, à préciser que le changement – consacré ou non par un jugement – produit ses effets le premier jour du mois qui suit celui au cours duquel il a eu lieu. Pour la Cour, la seule date d’effectivité qui peut découler de cette disposition est celle à laquelle la décision judiciaire qui décrète le changement devient opposable à l’institution débitrice d’allocations.

En conséquence, le paiement des allocations familiales à la mère a été effectué légalement entre les mains de cette dernière tant qu’une décision attribuant la qualité d’allocataire au père n’a pas été rendue responsable à l’Office. La qualité d’allocataire du père n’aura donc effet que le premier jour du mois qui suit la notification de la décision rendue en première instance, étant, puisque la notification est intervenue le 8 novembre 1999, – en fonction de la théorie de la réception – le 1er décembre 1999. La Cour rappelle également de la jurisprudence inédite dans le même sens (C. trav. Liège, 6 juin 2000, R.G. 28.610/99 et C. trav. Mons, 13 janv. 2003, R.G. 16.681).

Intérêt de la décision

Le mérite de l’arrêt est de préciser la prise de cours de la mutation, en cas de changement d’allocataire, et ce dans la mesure où l’article 70 bis des lois coordonnées est laconique.


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