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Personnel académique des universités libres : régime de vacances annuelles

Commentaire de C. trav. Bruxelles, 21 avril 2015, R.G. 2013/AB/322

Mis en ligne le lundi 6 juillet 2015


Cour du travail de Bruxelles, 21 avril 2015, R.G. n° 2013/AB/322

TERRA LABORIS ASBL

Dans un arrêt du 21 avril 2015, la Cour du travail de Bruxelles reprend la jurisprudence de la Cour de cassation relative aux obligations faites aux universités libres en ce qui concerne le statut applicable à leur personnel et l’équivalence à réaliser avec le personnel des universités d’Etat.

Les faits

Un docteur en médecine, occupant le poste de chef de clinique dans un service d’un hôpital dépendant d’une université libre, démissionne de son poste en février 2009. Une convention de rupture d’un commun accord est conclue, fixant la date de fin du contrat.

Six mois plus tard, le médecin adresse à son ex-employeur une mise en demeure, demandant le paiement du double pécule de vacances pour toute la durée d’occupation (ainsi que d’un solde de comptes).

Une procédure est introduite devant le Tribunal du travail de Bruxelles, qui rend un jugement le 19 décembre 2012, jugement par défaut réputé contradictoire. Le tribunal déboute l’intéressé de l’ensemble de ses demandes.

Il interjette appel.

La décision de la cour

Une première question est soumise à la cour, étant la recevabilité de l’action contre l’université et contre l’hôpital lui-même. Or, comme le relève la cour, ce dernier n’emprunte pas la forme d’une personne juridique et n’a pas la capacité d’être attrait en justice. L’employeur est donc l’université elle-même (la cour renvoyant à un arrêt de la Cour du travail de Bruxelles du 7 mai 2013 (R.G. 2011/AB/822). L’action n’est dès lors pas recevable contre l’hôpital lui-même. Elle l’est cependant contre l’établissement universitaire.

Quant au fond, la cour se livre à une analyse des dispositions pertinentes de la loi du 28 juin 1971 concernant les vacances annuelles des travailleurs salariés et de celle du 27 juillet 1971 sur le financement des universités.

En sécurité sociale, il est prévu que la loi du 28 juin 1971 n’est pas applicable aux catégories de personnes qui bénéficient d’un autre régime légal de vacances annuelles.

Quant à la loi du 27 juillet 1971 (dont l’article 41 a été modifié par l’arrêté royal du 5 août 1986), elle impose aux universités libres de fixer un statut équivalent pour leur personnel à celui des universités de l’Etat.

La cour renvoie à un arrêt de principe du 11 octobre 1982 de la Cour de cassation (Cass., 11 octobre 1982, n° 3440), qui a considéré que cette disposition est de nature impérative et qu’il doit en tout cas y être satisfait. Les conditions permettant de déroger à la législation sur les contrats de travail et à la réglementation sociale ont été réaffirmées dans divers arrêts de la Cour suprême (dont Cass., 6 octobre 1997, n° S.97.0003.N), celle-ci s’étant également penchée sur le champ d’application des matières de sécurité sociale, et particulièrement du secteur des vacances annuelles, à ces établissements.

La cour du travail rappelle que, dans un autre arrêt du 7 septembre 1982 (Cass., 7 septembre 1982, Chron. Dr. Soc., 1993, p. 161), elle a souligné le fait que ce statut peut déroger aux dispositions générales et impératives applicables aux travailleurs, dans la mesure où ces dispositions sont nécessaires pour réaliser l’équivalence légalement requise. La loi du 28 juin 1971 n’étant pas applicable aux catégories de personnes qui bénéficient d’un autre régime légal de vacances annuelles, les universités doivent introduire dans le statut de leur personnel un autre régime légal, dans la mesure où cela est nécessaire pour réaliser l’équivalence du régime de vacances avec celui du personnel des universités de l’Etat.

Sur le plan du financement, la cour du travail renvoie à l’article 25 de la loi du 27 juillet 1971, qui dispose que la Communauté française contribue aux dépenses de fonctionnement des universités par des allocations annuelles de fonctionnement, chacune comprenant une partie fixe et une partie variable en fonction du nombre d’étudiants régulièrement inscrits. Ces allocations couvrent une série de dépenses (dépenses ordinaires d’administration, d’enseignement et de recherche, en ce compris les équipements mobiliers). Ne sont notamment pas couvertes les charges de pension et d’éméritat (article 26).

Revenant sur la réglementation en matière de sécurité sociale des travailleurs salariés (et particulièrement l’article 7, § 3 de l’arrêté royal du 28 novembre 1969), en vertu de laquelle la réglementation en matière de vacances annuelles exclut elle-même le personnel académique des universités libres, dans la mesure où ils bénéficient d’un autre régime légal, étant celui des universités de l’Etat (pour qui existe un pécule « secteur public »), la cour constate que l’intéressé faisait partie du personnel académique et qu’il a été autorisé à porter à titre honoraire un titre de maître de conférence associé. Il ne pouvait dès lors prétendre au bénéfice de la législation sur les vacances annuelles du secteur privé. C’est dès lors à bon droit que l’université lui a versé un pécule de vacances « secteur public », calculé conformément à la loi du 27 juillet 1971 sur le financement et le contrôle des universités.

La cour décide dès lors de confirmer le jugement, aucun droit ne pouvant exister dans le chef du demandeur au bénéfice de la loi du 28 juin 1971.

Elle examine ensuite les autres points de la réclamation de l’intéressé, points plus factuels et étrangers à la présente problématique.

Intérêt de la décision

Le point particulier de cet arrêt de la cour du travail est la situation des membres du personnel des universités libres eu égard au régime de sécurité sociale des travailleurs salariés.

La cour a rendu une décision particulièrement documentée sur l’obligation des institutions universitaires libres en matière de statut du personnel, celles-ci devant, par décision de leur Conseil d’administration, fixer pour leur personnel rémunéré à charge des allocations de fonctionnement, un statut équivalent à celui du personnel des institutions universitaires de l’Etat.

La cour du travail a repris les diverses décisions rendues par la Cour de cassation entre les années 1991 et 1997, jurisprudence constante qui a précisé que le statut du personnel pouvait déroger aux dispositions tant de la loi sur les contrats de travail que de la réglementation sociale, dans la mesure où cette dérogation était nécessaire pour obtenir l’équivalence du statut avec celui des universités de l’Etat, et ce que les dérogations soient ou non favorables aux travailleurs.

Dans un des arrêts cités, étant celui du 7 septembre 1992 (Cass., 7 septembre 1992, n° 7825), la Cour suprême avait également été saisie d’une question d’application de la loi du 28 juin 1971. Elle avait cassé un arrêt de la Cour du travail de Bruxelles vu qu’il considérait que la loi du 28 juin 1971 était applicable au personnel au motif que, en tant que travailleurs, ils ne bénéficiaient d’aucun autre régime légal de vacances annuelles que celui-là.


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