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Le CPAS est-il tenu de fournir une aide sociale à un candidat réfugié dont le lieu obligatoire d’inscription a été supprimé par FEDASIL ?

Commentaire de C. trav. Mons, 18 décembre 2013, R.G. 2012/AM/480

Mis en ligne le jeudi 18 juin 2015


Cour du travail de Mons, 18 décembre 2013, R.G. n°2012/AM/480

Terra Laboris asbl

En cas de constat de saturation du réseau d’accueil, FEDASIL peut, sous certaines conditions, supprimer le lieu obligatoire d’inscription. Dans ce cas, le CPAS du lieu de résidence du candidat réfugié doit assurer la continuité de l’accueil et lui fournir une aide sociale.

Les faits

L’intéressée, de nationalité congolaise, a introduit une demande d’asile auprès de l’Office des Etrangers en date du 10 juin 2011. Elle a résidé dans une structure d’accueil collective située à NATOYE, commune désignée comme lieu obligatoire d’inscription par l’agence FEDASIL (code 207). Le 14 décembre 2011, l’agence FEDASIL a décidé de supprimer ce lieu obligatoire d’inscription. Après avoir quitté le centre d’accueil, elle a été indemnisée par le CPAS de HAMOIS jusqu’au 31 mars 2012. A partir du 28 mars 2012, elle a demandé l’intervention du CPAS de CHARLEROI, commune où elle était désormais inscrite au registre d’attente des Etrangers. Le 25 avril 2012, le CPAS de CHARLEROI a refusé de lui accorder une aide financière à partir du 28 mars 2012 et en outre, de prendre en charge certaines factures.

Décision du tribunal du travail

Le 21 novembre 2012, le Tribunal du travail de CHARLEROI a condamné le CPAS de CHARLEROI à payer à l’intéressée une aide financière mensuelle équivalente au revenu d’intégration au taux isolé à dater du 28 mars 2012 et à prendre en charge différentes factures (hôpital, consommation d’énergie,…).

La problématique envisagée

Dès l’introduction d’une demande d’asile, le candidat réfugié a droit à une aide matérielle.

Il est prévu que cette aide matérielle soit octroyée par la structure d’accueil désignée par FEDASIL comme lieu obligatoire d’inscription, plus communément appelé « code 207 ». En principe, FEDASIL a l’obligation de désigner un lieu obligatoire d’inscription pour la durée de la demande d’asile.
La saturation des places d’accueil et des structures d’accueil a rapidement poussé FEDASIL à invoquer des circonstances particulières lui permettant de ne pas désigner un lieu obligatoire d’inscription (article 11, §3 de la loi du 12 janvier 2007) ou de supprimer une inscription déjà existante (article 13 de la loi du 12 janvier 2007).

En l’espèce, dans la mesure où l’intéressée remplissait certaines conditions (demande d’asile toujours en cours depuis plus de 6 mois, production d’un contrat de bail signé,…), FEDASIL a décidé de supprimer le lieu d’inscription obligatoire (NATOYE).

Condamné à payer une aide financière, le CPAS de CHARLEROI a formulé essentiellement deux critiques à l’encontre du jugement. Premièrement, le CPAS considérait que la saturation du réseau d’accueil de FEDASIL n’était pas une « circonstance particulière » au sens de l’article 13 de la loi du 12 janvier 2007. Il convient de relever qu’en décembre 2009, le législateur avait inséré un article 11 §4 dans la loi afin justement de faire face à la situation de saturation. La saturation du réseau pouvait à ce titre être considérée comme une « circonstance exceptionnelle » et non « une circonstance particulière » justifiant des décisions de non-désignation et de renvoi vers les CPAS et ce, dans le cadre d’un plan de répartition. A défaut d’adoption d’un tel plan de répartition, cette disposition est néanmoins restée lettre morte. Deuxièmement, le CPAS rappelait que l’article 13 de la loi du 12 janvier 2007 nécessitait l’intervention du Roi. Le CPAS reprochait à FEDASIL d’avoir fait application de l’article 13 de la loi du 12 janvier 2007 et de la sorte d’avoir supprimé le lieu d’inscription obligatoire de l’intéressée sans attendre l’adoption d’un arrêté royal d’application.

Décision de la cour du travail

La Cour du travail va dans un premier temps rappeler deux arrêts importants de la Cour de cassation prononcés les 26 novembre 2012 (R.G. S.11.0126.N) et 7 janvier 2013 (R.G. S.11.0111.F). Selon la Cour de cassation, la saturation des places d’accueil et des structures d’accueil, indépendamment de sa cause, constitue une « circonstance particulière » tant au sens de l’article 11 §3 qu’au sens de l’article 13 de la loi du 12 janvier 2007.

Ensuite, selon la Cour du travail, FEDASIL était autorisé à prendre une décision de suppression du lieu obligatoire d’inscription sur base de l’article 13 de la loi du 12 janvier 2007. Le fait que le Roi n’ait pas fixé la procédure relative à cette suppression n’est pas de nature à entraîner une quelconque illégalité de la décision de FEDASIL.

La Cour du travail précise que FEDASIL dispose, depuis les modifications de la loi du 12 janvier 2007 intervenues en décembre 2009, de quatre possibilités : une désignation ou non d’un lieu obligatoire d’inscription, sa suppression ou sa modification.

Enfin, la Cour du travail rappelle qu’à supposer même que FEDASIL ait commis une quelconque faute en supprimant un lieu obligatoire d’inscription, le CPAS ne pourrait invoquer aucun dommage dans la mesure où l’aide qu’il fournit au demandeur d’asile dans cette hypothèse est intégralement remboursée par l’Etat.

En conclusion, la Cour du travail va confirmer le principe d’intervention du CPAS eu égard à la suppression du lieu obligatoire d’inscription par FEDASIL et ce, jusqu’à ce qu’un ordre de quitter le territoire soit notifié. Au moment où la Cour du travail statue, la période litigieuse était révolue vu la clôture définitive de la procédure d’asile intervenue le 21 mars 2013. La Cour du travail a de ce fait limité l’intervention financière du CPAS aux seules dettes constituant un effet encore actuel et palpable d’une existence non conforme à la dignité humaine menée précédemment, et qui empêcherait l’intéressée de mener désormais une vie conforme à la dignité humaine.


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