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Octroi des allocations de chômage : condition de résidence

Commentaire de C. trav. Liège, div. Namur, 3 février 2015, R.G. 2014/AN/117

Mis en ligne le vendredi 10 avril 2015


Cour du travail de Liège, div. Namur, 3 février 2015, R.G. n° 2014/AN/117

Terra Laboris asbl

Dans un arrêt du 3 février 2015, la Cour du travail de Liège, division Namur, rappelle la distinction à opérer entre les notions de résidence effective et de résidence principale, dans le cadre de la réglementation chômage.

Les faits

L’ONEm prend, en juillet 2012, une décision par laquelle il exclut un assuré social des allocations de chômage avec récupération des allocations pendant une période de 7 mois et demi, au motif qu’il ne réside pas effectivement en Belgique pendant la période concernée. Un avertissement est également donné, vu l’omission de la déclaration requise.

L’intéressé introduit un recours devant le Tribunal du travail de Liège, qui le déboute. Il interjette dès lors appel devant la cour du travail.

Il expose qu’il a, depuis 2002, une adresse de référence auprès du C.P.A.S. de Namur et qu’en 2008, il a déclaré à l’ONEm une modification de sa situation familiale, vu son mariage. Il a confirmé sa résidence effective à l’adresse.

Il a cependant été radié d’office ultérieurement, ne s’étant plus présenté à celle-ci pendant une période de 3 mois. Par jugement du 23 décembre 2011, le Tribunal du travail de Namur condamna le C.P.A.S. à poursuivre l’inscription à l’adresse de référence, ayant constaté que, si l’intéressé n’avait pu se présenter trimestriellement pour retirer son courrier, ceci était dû à des problèmes de santé l’empêchant de quitter sa résidence à l’étranger (Tchéquie).

Les constatations faites ont alors amené l’Auditorat à envisager l’éventualité de déclarations inexactes ou incomplètes.

La situation a été examinée eu égard aux obligations de l’intéressé dans le cadre de la réglementation chômage et, en fin de compte, l’ONEm a pris la décision en cause, vu l’absence de toute réaction de la part de l’assuré social.

La position des parties devant la cour

Quant aux faits, l’appelant expose qu’il vivait en partie à l’étranger et en partie chez des amis à Liège. Il relève que l’article 89bis de l’arrêté royal du 25 novembre 1991 le dispense de l’obligation de résider effectivement en Belgique, ayant plus de 60 ans. Il considère que l’adresse de référence ouvre le droit aux allocations de chômage.

Quant à l’ONEm, il fait valoir que, si l’article 89bis dispense les chômeurs de plus de 60 ans de résider effectivement en Belgique, ils doivent cependant y conserver leur résidence principale, ce qui implique qu’ils doivent pouvoir y être touchés (notamment en vue de vérifier la situation familiale ou l’absence d’activités dans le chef du chômeur).

L’avis du Ministère public

Pour l’Avocat général, le chômeur doit avoir en Belgique ses résidences principale et effective (article 66 de l’arrêté royal). Si l’article 89bis dispense le chômeur de plus de 60 de l’obligation d’avoir sa résidence effective en Belgique, il laisse entière l’obligation d’y avoir sa résidence principale, cette notion étant celle définie dans la réglementation sur le registres de la population, c’est-à-dire que la personne doit y résider la plus grande partie de l’année.

Tel n’est pas le cas.

La décision de la cour

La cour se livre en premier lieu à un long rappel des règles en la matière.

Il y a obligation pour le chômeur d’avoir sa résidence principale en Belgique et d’y résider effectivement. Certaines hypothèses sont prévues dans l’arrêté ministériel (article 39), autorisant le paiement des allocations s‘il n’y a pas résidence effective, étant notamment les vacances annuelles reprises sur la carte de contrôle (pour une durée maximale de 4 semaines) et pour la recherche d’un emploi (période limitée à 2 semaines maximum, avec autorisation du directeur du BR).

La cour rappelle qu’à l’époque, l’article 89bis (abrogé actuellement) fait à la fois référence à la résidence effective (condition dont le chômeur peut être dispensé) et la résidence principale (obligation maintenue dans la réglementation). Les deux notions sont dès lors distinctes, et la résidence effective est une condition plus stricte que la résidence principale, s’agissant de la résidence continue ou permanente en Belgique.

La résidence principale s’identifie au séjour en Belgique, séjour non nécessairement continu, mais couvrant la plus grande partie de l’année.

La cour renvoie à la loi du 19 juillet 1991 organisant un registre national des personnes physiques et à son arrêté d’exécution, selon lesquels la résidence principale vise une situation de fait, c’est-à-dire la constatation d’un séjour effectif dans une commune pendant la plus grande partie de l’année. Les critères sont le lieu que l’intéressé rejoint après son travail, le lieu de fréquentation scolaire des enfants, le lieu du travail, les consommations d’énergie, de téléphone,… La même réglementation précise encore qu’en ce qui concerne la résidence principale, elle ne peut se voir modifiée par une absence temporaire.

La cour souligne, ensuite, renvoyant à la doctrine (J.-F. FUNCK et L. MARKEY, Droit de la sécurité sociale, Larcier, 2014, 2e ed., n° 127), que ces deux notions visent une situation de fait et qu’il n’est pas satisfait aux conditions légales par la simple indication d’une adresse de référence lorsqu’il n’y a pas résidence en Belgique.

En l’espèce, l’intéressé était dispensé de résider effectivement (c’est-à-dire de manière continue ou permanente) sur le territoire belge, mais il devait continuer à remplir la condition de résidence principale (c’est-à-dire y habiter la plus grande partie de l’année).

Tel n’était nullement le cas, ainsi qu’il ressort de l’ensemble des éléments de fait.

La cour examine encore la situation sur le plan du droit européen (règlements de sécurité sociale) et relève qu’en vertu de ceux-ci, l’exportation des allocations de chômage est soumise à des conditions (droit de libre circulation) non remplies en l’espèce.

La décision d’exclusion est dès lors justifiée, et la récupération également.

La cour ne vide cependant pas complètement sa saisine, les parties ne s’étant pas expliquées sur l’existence ou non de la bonne foi dans le chef de l’intéressé, bonne foi qui, si elle est présente, a une incidence sur la récupération.

Intérêt de la décision

L’arrêt du 3 février de la Cour du travail de Liège repris ci-dessus fait le point sur une notion peu fréquemment examinée, étant la condition de résidence effective et/ou résidence principale dans le cadre de la réglementation chômage. La cour du travail renvoie très logiquement pour la définition de la résidence principale à la loi du 19 juillet 1991 relative aux registres de la population et, s’appuyant également sur la doctrine, relève que tant la détermination de la résidence principale que celle de la résidence effective vise des situations de fait, que le juge doit définir.


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