Terralaboris asbl

Droit aux allocations de chômage en cas de prestations à l’étranger d’abord et en Belgique ensuite

Commentaire de C. trav. Bruxelles, 12 novembre 2014, R.G. 2012/AB/983

Mis en ligne le jeudi 12 février 2015


Cour du travail de Bruxelles, 12 novembre 2014, R.G. n° 2012/AB/983

Terra Laboris asbl

Dans un arrêt du 12 novembre 2014, la Cour du travail de Bruxelles rappelle le mécanisme de la totalisation des périodes d’assurance exigées par le Règlement européen de sécurité sociale n° 1408/71 eu égard aux conditions d’admissibilité aux allocations de chômage fixées par l’arrêté royal du 25 novembre 1991.

Les faits

Un ressortissant de nationalité espagnole vient en Belgique. Après deux mois d’occupation dans un magasin, occupation pour laquelle il avait signé un contrat de travail à durée indéterminée, il sollicite le bénéfice des allocations de chômage.

Il fait valoir qu’il a presté pendant deux ans en Espagne, avant d’entrer sur le territoire belge. Il perçoit les allocations. Une enquête est menée ultérieurement en ce qui concerne l’effectivité de son activité professionnelle auprès de la société belge et, dans le cadre de son audition par un contrôleur social, il expose les faits, confirmant son occupation en Espagne d’abord, soit jusqu’au mois d’août 2008, ainsi que sa qualité de salarié pendant deux mois environ fin de l’année 2008 pour la société belge. Dans la mesure où il s’est avéré qu’il n’avait pas été déclaré à la sécurité sociale, l’ONEm le reconvoque et il produit, lors de cette nouvelle audition, des reçus de salaire. Il est cependant exclu depuis son inscription, en janvier 2009. L’Office décide de récupérer les allocations (410 allocations journalières) et l’exclut encore pour une période de 27 semaines à partir de juillet 2010.

L’intéressé dépose alors plainte à l’Inspection sociale pour défaut de déclaration à l’O.N.S.S. et absence de paiement des cotisations. Il introduit également un recours devant le tribunal du travail.

Suite à la plainte déposée, l’O.N.S.S. prend une décision d’assujettissement d’office pour la période d’occupation contestée (2 mois fin 2008).

Le Tribunal du travail de Bruxelles ayant en grande partie fait droit à la demande de l’intéressé, l’ONEm interjette appel. Le premier juge a, en effet, considéré que les prestations déclarées ne correspondent pas à la réalité. Il a cependant admis le droit de l’intéressé au chômage à partir d’une période ultérieure (2010. L’ONEm considère que la Belgique n’est pas le dernier pays d’emploi et que le travailleur ne peut dès lors bénéficier d’allocations de chômage en Belgique. Il rappelle qu’est applicable à l’époque le Règlement de sécurité sociale n° 1408/71 et qu’est exigée dans le cadre de celui-ci la totalisation des périodes d’assurance, condition subordonnée au fait que le travailleur ait accompli en dernier lieu des périodes d’emploi selon les dispositions de la législation au titre de laquelle il demande les prestations (article 67, § 3). En cas de travail à l’étranger, celui-ci n’est, en vertu de l’arrêté royal du 25 novembre 1991, pris en considération que si, après celui-ci, des périodes de travail comme travailleur salarié ont été effectuées conformément à la réglementation belge.

Quant à l’intéressé, il plaide, en premier lieu, que ses prestations auprès de la société belge étaient effectives. Subsidiairement, il considère qu’il pouvait bénéficier des allocations de chômage sur la base des prestations effectuées en Espagne.

La décision de la cour

La cour examine en premier lieu les conditions dans lesquelles les prestations de travail ont été fournies. Elle constate d’une part la radiation de la déclaration Dimona (intervenue sans explications communiquées à la cour), ainsi que l’absence de DmfA.

L’intéressé produit par contre divers éléments (contrat de travail, attestation de la gérante, preuve de l’existence de la déclaration Dimona elle-même, copie de reçus de salaire et décision d’assujettissement d’office de l’O.N.S.S.).

Pour la cour, ces éléments établissent à suffisance de droit la réalité de prestations de travail salarié. Par ailleurs, si le travailleur a été engagé quelques semaines avant la faillite de la société et que l’employeur n’a pas respecté ses obligations en matière de déclaration, ces éléments sont indifférents, le travailleur pouvant avoir normalement presté dans de telles circonstances. La cour relève encore le caractère sommaire de l’enquête de l’ONEm et notamment le fait qu’aucun indice n’est produit quant au défaut d’activité de la société, les responsables de celle-ci n’ayant même pas été interrogés, non plus que le curateur à la faillite et les administrations (TVA et SPF Finances). Sur la base des éléments fournis, la cour conclut donc à l’existence de périodes de travail en qualité de salarié et donc à l’admissibilité au bénéfice des allocations de chômage sur la base des prestations belges et espagnoles.

Enfin, le travailleur n’ayant pas fait usage de documents inexacts, la sanction de l’exclusion ne se justifie pas.

La cour réserve encore de très brefs développements à la question de l’indemnité de procédure, relevant que, dans la mesure où l’ONEm avait introduit en première instance une demande reconventionnelle (récupération des allocations d’un montant de l’ordre de 15.000 €) et qu’il a été débouté de ce chef de demande, l’indemnité de procédure de première instance devait être fixée sur la base du montant applicable lorsque le litige porte sur une demande évaluable en argent. Cette demande n’ayant pas été maintenue en appel, c’est le montant fixé pour les litiges non évaluables en argent qui est retenu pour la seconde instance.

Intérêt de la décision

Cet arrêt de la Cour du travail de Bruxelles rappelle les conditions de totalisation des périodes d’assurance dans le cadre du Règlement européen de sécurité sociale n° 1408/71. Actuellement, dans le cadre du Règlement 883/2004, hormis les hypothèses où un chômeur résidait dans un Etat-membre autre que l’Etat compétent, le droit aux allocations est subordonné à la condition que l’intéressé ait accompli en dernier lieu, conformément à la législation au titre de laquelle les prestations sont demandées, soit des périodes d’assurance (si la législation exige des périodes d’assurance), soit des périodes d’emploi (si cette législation exige des périodes d’emploi), soit encore des périodes d’activités non salariées (si la législation exige des périodes d’activités non salariées).

L’arrêt se livre, en outre, à un examen fouillé des éléments de fait lui soumis quant à la réalité de l’exercice de prestations de travail dans le cadre d’un contrat de travail.


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