Terralaboris asbl

Cotisation annuelle forfaitaire à charge des sociétés : effet de la faillite sur les obligations du mandataire

Commentaire de C. trav. Bruxelles, 1er septembre 2014, R.G. 2013/AB/947

Mis en ligne le mercredi 3 décembre 2014


Cour du travail de Bruxelles, 1er septembre 2014, R.G. 2013/AB/947

Terra Laboris asbl

Dans un arrêt du 1er septembre 2014, la Cour du travail de Bruxelles examine les effets du dépôt d’une déclaration de créance dans le cadre d’une faillite sur les obligations du mandataire de société, eu égard aux règles de prescription.

Les faits

Les faits sont anciens : un gérant d’une société (garage) est resté en défaut de payer les cotisations annuelles pour la période de 1993 à 2002. Une mise en demeure est intervenue en 1998 et, ensuite, en 2001. La société étant tombée en faillite, la caisse introduit une déclaration de créance dans le cadre de celle-ci en octobre 2003. La clôture de la faillite date du 29 janvier 2010 et, en sa qualité de créancier privilégié, la caisse perçoit un dividende. En mai 2010, elle met alors l’ancien gérant en demeure de payer le solde et une contrainte est délivrée le 21 décembre 2011. L’intéressé fait opposition le 6 janvier 2012.

La décision du tribunal

Par jugement du 10 septembre 2013, le Tribunal du travail déclare l’opposition non fondée, considérant que, suite à la déclaration de créance dans la faillite, la prescription a été interrompue jusque la date de clôture de celle-ci, et ce à l’égard de tous les débiteurs solidaires. Le mandataire interjette appel, considérant que la suspension de la prescription pendant la procédure de faillite ne peut avoir d’effet qu’à l’égard du failli et non vis-à-vis des autres débiteurs solidaires.

La décision de la cour

La cour rappelle le fondement de l’obligation légale de la cotisation annuelle, étant l’article 98 de la loi du 30 décembre 1992 portant des dispositions sociales et diverses. Cette disposition impose aux associés actifs, administrateurs ou gérants, une obligation solidaire avec la société quant au paiement de la cotisation, des majorations et des frais dont celle-ci est redevable. L’intéressé est dès lors, en sa qualité de gérant de la société déclarée en faillite, responsable solidairement de cette cotisation.

La cour constate qu’au moment de la déclaration de créance à la faillite de la société, la prescription n’était pas acquise.

Elle renvoie à la jurisprudence de la Cour de cassation (Cass., 19 janvier 2009, n° S.08.0099.N et Cass., 30 mai 2002, n° C.99.0524.N). La cour constate que la prescription des cotisations de solidarité a commencé à courir vis-à-vis du gérant à partir du 28 octobre 2003, à savoir le jour qui a suivi la déclaration de créance à la faillite de la société et l’impossibilité de paiement existant à ce moment-là eu égard à la faillite de la société. Tenant compte du délai de 5 ans applicable (délai commençant à courir le 1er janvier de l’année qui suit celle pour laquelle la cotisation est due), la cour constate que la lettre recommandée adressée à l’appelant est intervenue en dehors de ce délai et ne peut dès lors constituer un nouvel acte d’interruptif. Lorsque la contrainte a été signifiée, la prescription était déjà acquise.

Intérêt de la décision

Cet arrêt de la Cour du travail de Bruxelles est l’occasion de revenir sur les deux arrêts de la Cour de cassation auxquels il se réfère.

Dans le premier arrêt du 30 mai 2002 (rendu en matière de transport international de marchandises), la Cour de cassation avait été amenée à appliquer la Convention de Genève du 19 mai 1956 en la matière, qui prévoit qu’une réclamation écrite suspend la prescription jusqu’au jour où le transporteur la repousse par écrit. La réclamation adressée suspend en principe la prescription à l’égard du seul transporteur contre lequel elle est dirigée et la solidarité entre les transporteurs n’y déroge pas. Pour la Cour suprême, la prescription ne pouvait valoir à l’égard du débiteur solidaire.

Dans l’arrêt rendu le 19 janvier 2009, s’agissant de l’application de l’article 30bis, § 1er de la loi du 27 juin 1969, relatif à la responsabilité solidaire du paiement des cotisations de sécurité sociale, la Cour de cassation a rappelé le principe de la responsabilité solidaire du paiement des dettes sociales du co-contractant en cas d’appel à un entrepreneur non enregistré au moment de la conclusion de la convention. L’alinéa 3 de l’article 42 dispose que la prescription peut être interrompue (conformément aux articles 22, 44 et suivants du Code civil) par une lettre recommandée par l’O.N.S.S. à l’employeur. Ceci ne vaut pas pour la lettre recommandée adressée aux co-contractants de l’employeur.

En l’espèce, la cour du travail a considéré que, si une déclaration de créance introduite par un créancier à la faillite d’un débiteur solidaire interrompt la prescription à l’égard de tous les débiteurs solidaires, la prescription ne peut être interrompue jusqu’à la clôture de la faillite qu’à l’égard du seul créancier solidaire déclaré en faillite, en l’occurrence la société faillie et non le mandataire.


Accueil du site  |  Contact  |  © 2007-2010 Terra Laboris asbl  |  Webdesign : michelthome.com | isi.be