Terralaboris asbl

Eléments de preuve à apporter par l’ONSS en vue d’un désassujettissement d’office

Commentaire de C. trav. Bruxelles, 25 juillet 2014, R.G. n° 2013/AB/31

Mis en ligne le mardi 18 novembre 2014


C. trav. Bruxelles, 25 juillet 20114, R.G. n° 2013/AB/31

Terra Laboris asbl

Dans un arrêt du 25 juillet 2014, la Cour du travail de Bruxelles rappelle les critères utiles à l’examen de la qualification d’un contrat de travail ainsi que l’étendue de la charge de la preuve dans le chef de l’ONSS pour qu’il y ait désassujettissement.

Les faits

Une ASBL est constituée en 1997, son champ d’activités étant essentiellement d’ordre artistique. L’épouse d’un des fondateurs est engagée comme employée et elle poursuit son occupation au service de l’association pendant cinq ans, période suite à laquelle elle est licenciée moyennant indemnité compensatoire de préavis. Dans le cadre d’une enquête initiée par l’ONSS, l’intéressée confirme après le licenciement que le choix du statut a été fait pour avoir une sécurité sociale ou financière au cas où quelque chose arriverait. Elle précise qu’à l’époque une épouse aidante « n’avait droit à rien en cas de problème » et que c’était son mari qui avait proposé ce statut au cas où « il lui arriverait quelque chose ».

L’ONSS procède au désassujettissement de l’intéressée, annulant les prestations et rémunérations déclarées en tant que personnel salarié.

Une procédure est introduite devant le Tribunal du travail de Nivelles, section de Wavre, en contestation de cette décision.

Dans le cours de la procédure, l’ASBL est mise en liquidation.

Le tribunal confirme par jugement du 6 janvier 2012 le bien-fondé de la position de l’ONSS et rejette dès lors le recours introduit.

Appel est interjeté.

Des difficultés de procédure interviennent en cours de route, eu égard à la mise en liquidation de l’association et à l’absence de mention du liquidateur comme partie au litige, et ce dans le jugement rendu.

Décision de la cour du travail

Après avoir statué sur la recevabilité de l’appel, la cour en vient au fondement.

Il s’agit de reprendre, à partir des données de l’espèce, les principes relatifs à l’existence du lien de subordination, eu égard en l’espèce à la circonstance qu’une qualification a été donnée par les parties à la convention conclue. La cour du travail rappelle la jurisprudence constante de la Cour de cassation (dont Cass., 4 janvier 2010, R.G. n° S.09.0005.N), selon laquelle si les éléments soumis à son appréciation ne permettent pas d’exclure la qualification donnée par les parties à la convention conclue, le juge ne peut y substituer une qualification différente.

Quant au motif ayant guidé le choix du statut, et en l’occurrence une meilleure sécurité sociale ou financière, la cour relève qu’il est sans incidence, le choix étant clair.

Elle se tourne vers les éléments produits par l’ONSS pour écarter ce choix. Il s’agit de la nature du travail et du « vécu contractuel », de l’absence de directives et d’autorité, de l’absence d’horaires ainsi que de rémunération et de période de congés.

Pour la cour du travail ce sont les conditions d’exercice et les fonctions exercées qui doivent être examinées en premier lieu : fonction de secrétaire et de comptabilité (paiements, relations avec le secrétariat social, administration générale de la partie artistique de l’activité, …). Ces fonctions ne sont pas incompatibles avec un lien de subordination et, dès lors, la cour conclut sur ce point que la nature du travail ne contredit pas la qualification.

Quant à l’autonomie dont l’intéressée aurait disposé pour la sélection des artistes etc. et l’horaire variable, ces éléments ne sont pas non plus incompatibles. La cour relève également qu’elle prestait principalement à partir de son domicile et que le télétravail et le travail à domicile sont des formes courantes d’organisation du travail. Celles-ci n’excluent pas le lien de subordination dès lors que l’employeur conserve le pouvoir d’exercer son autorité. La cour constate qu’un contrôle effectif existait sur le résultat du travail, de telle sorte que l’ASBL gardait ce pouvoir.

L’ONSS n’apportant pas la preuve de l’absence de paiement de rémunérations et, des cotisations de sécurité sociale ayant par ailleurs été versées, la cour conclut que les éléments sur lesquels il se fonde ne sont pas établis. Il en va de même en ce qui concerne l’absence de prise de congés : même si le nombre de jours effectivement pris reste indéterminé, le travailleur a pu les prendre et ceci n’infirme pas l’existence d’un lien de subordination.

La cour réforme dès lors le jugement et conclut qu’il n’y avait pas lieu à désassujettissement.

Intérêt de la décision

Cette affaire, qui reprend, à partir de la jurisprudence constante et bien connue de la Cour de cassation, les principes en matière de requalification contractuelle dans l’hypothèse où une qualification donnée a été convenue par les parties, a la particularité de mettre en présence une petite structure, dans laquelle un membre dirigeant (non concerné par le litige) est l’époux de la travailleuse salariée, celle-ci prestant par ailleurs à partir de son domicile.

La cour reprend successivement les critères permettant de conclure à l’existence d’un contrat de travail, étant l’incompatibilité entre la situation présentée et l’exercice d’un lien de subordination d’abord, et ce eu égard aux diverses manifestations du pouvoir d’autorité. Elle rappelle qu’il appartient à l’ONSS d’établir l’absence du paiement de la rémunération convenue – preuve qui n’est pas apportée en l’espèce. Enfin, pour ce qui est des conditions d’exercice du travail (celui-ci étant effectué à partir du domicile de l’intéressée), elle se réfère très logiquement à deux formes de travail (subordonné) admis par la loi, étant le travail à domicile et le télétravail.

Les éléments de l’espèce sont, en conséquence, insuffisants pour conclure à une activité incompatible avec la qualification de contrat de travail retenue par les parties en début de contrat. Il est également intéressant de souligner que la cour a rejeté les motifs qui ont été avancés par l’employée comme choix du statut, considérant que ceux-ci ne sont pas de nature à influencer la qualification elle-même, dans la mesure où l’exercice de l’autorité de l’employeur est dûment constaté.


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