Terralaboris asbl

Une lésion passée inaperçue lors de la fixation des séquelles d’un accident du travail ouvre-t-elle le droit à une action en revision ?

C. trav. Bruxelles, 18 décembre 2006, R.G. 48.244

Mis en ligne le vendredi 21 mars 2008


Cour du travail de Bruxelles, 18 décembre 2006, R.G. 48.244

TERRA LABORIS ASBL – Sophie REMOUCHAMPS

La Cour du travail de Bruxelles a été saisie de cette question et a estimé qu’une telle lésion constitue le fait médical nouveau exigé en revision tant qu’elle n’était pas connue ou ne pouvait raisonnablement pas être connue des parties au moment de la consolidation, peu importe qu’elle existât déjà à ce moment.

Les faits

Monsieur G.C. a été victime d’un accident du travail en 1994. Il s’agissait d’une chute d’une échelle ayant entraîné la luxation des deux épaules.

Les séquelles sont réglées par le biais d’un accord-indemnité, entériné par le Fonds des accidents du travail. Cet accord prévoit 3% d’incapacité permanente partielle, pour persistance de douleurs résiduelles.

Pendant le délai de revision, l’état du travailleur s’altère. Une nouvelle lésion est mise en évidence à l’épaule droite.

Dans le cadre de l’expertise ordonnée par le Tribunal, l’expert estime que cette lésion a été provoquée par l’accident et existait dans les suites immédiates de celui-ci mais qu’elle passa inaperçue, en raison des conditions de prise de clichés radiologiques. Cette lésion (lésion du rebord de la glène droite ayant entraîné l’apparition d’un corps étranger ostéo-cartilagineux dans l’articulation de l’épaule) a, ultérieurement et pendant le délai de révision, provoqué une arthrose scapulo-humérale, qui explique l’aggravation subjective ressentie par le travailleur.

Quoique l’entreprise d’assurances admette l’existence de l’aggravation, elle conteste cependant le caractère imprévisible de celle-ci, vu qu’elle découle d’une lésion existant au moment du règlement définitif des séquelles et qui aurait dû être prise en compte à ce moment.

La décision du tribunal

Le Tribunal estime que la lésion a pu échapper aux parties, de sorte que les conditions de l’action en revision sont réunies. Il augmente, en conséquence, le taux d’incapacité permanente de travail.

La décision de la cour

La Cour rappelle tout d’abord que l’action en revision des indemnités, fondée sur une modification de la perte de capacité de travail, doit reposer sur des faits nouveaux, qui n’étaient ou ne pouvaient être connus des parties à la date de l’accord.

Elle estime que la preuve d’un tel fait nouveau est rapportée en l’espèce par le travailleur.

Pour la Cour, la lésion de la glène et le corps étranger (présents dans les suites immédiates de l’accident) n’étaient pas connus des parties, vu qu’ils n’apparaissent pas des radiologies effectuées à l’époque. De même, ils ne pouvaient raisonnablement être connus des parties, les clichés effectués ayant satisfait l’ensemble des médecins (traitants, radiologues et conseils des parties).

La lésion et l’apparition du corps ostéo-cartilagineux, quoique préexistants, sont donc reconnus comme constituant le fait médical nouveau exigé. La Cour considère en effet qu’il est indifférent que ces faits aient existé au moment de la consolidation puisque le critère pertinent est celui de la connaissance raisonnable des parties.

La Cour confirme donc le jugement attaqué.

Intérêt de la décision

Cet arrêt se prononce sur les conditions de l’action en revision dans une hypothèse bien précise, étant celle d’une aggravation engendrée par une lésion qui est passée inaperçue lors de la consolidation et du règlement définitif des séquelles.

L’on sait que l’action en revision « …est la réserve que la loi formule elle-même après l’instance initiale pour permettre de tenir compte ultérieurement des modifications dans l’existence, la nature permanente ou temporaire ou le degré d’incapacité de travail » (Cass., 16 janvier 1936, Pas., I, 121) et qu’elle suppose un fait médical nouveau afin d’éviter que cette action ne soit fondée sur des contestations médicales dont il a déjà été tenu compte lors de l’évaluation de l’incapacité permanente et afin de prévenir toute confusion entre l’action en revision et une voie de recours. En conséquence, l’action en revision ne peut avoir pour objet de rectifier une erreur ou une omission qui aurait été commise lors du règlement des séquelles.

L’intérêt de la décision annotée sur cette problématique est de rappeler clairement qu’il importe peu que le fait médical invoqué existe au moment du règlement définitif des séquelles (consolidation) puisque l’élément pertinent est de déterminer si les parties connaissaient ou pouvaient raisonnablement connaître l’existence de la lésion lors de l’entérinement de l’accord-indemnité (ou du jugement).


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