Terralaboris asbl

Relations de travail et intervention du juge des référés

Commentaire de C. trav. Bruxelles, 12 août 2014, R.G. 2014/CB/10

Mis en ligne le lundi 27 octobre 2014


Cour du travail de Bruxelles, 12 août 2014, R.G. n° 2014/CB/10

Terra Laboris asbl

Dans un arrêt du 12 août 2014, la Cour du travail de Bruxelles confirme le pouvoir d’intervention du juge des référés dans les relations de travail en rappelant qu’il peut intervenir dans le cours de l’exécution du contrat aux fins de faire respecter une obligation légale ou contractuelle.

Les faits

Un employé entre au service d’une société belge dans le courant de l’année 2000. En 2009, il signe un avenant, lui conférant des responsabilités très étendues et prévoyant que, amené à exercer une fonction internationale, il serait basé à Paris.

Quatre ans plus tard, des discussions interviennent entre parties concernant la poursuite de cette fonction et l’intéressé signale ne pas pouvoir accepter la proposition de la société. Il demande que lui soit attribué un « job » correspondant à son évolution personnelle et affirme sa volonté claire de revenir vers la Belgique.

Un blocage intervient début avril 2014. L’intéressé faisant intervenir son conseil, demandant de préciser d’urgence sa fonction et ses responsabilités, la société considère, dans un dernier courrier de début mai, qu’il n’y aucune raison de le réintégrer dans une nouvelle fonction en Belgique, l’avenant étant conclu pour une durée indéterminée.

Une procédure est introduite par l’employé en référé devant le Président du Tribunal du travail francophone de Bruxelles, demandant qu’il soit ordonné à la société de suspendre sa décision de lui imposer la poursuite de sa mission et qu’il soit réintégré dans une fonction de niveau équivalent à Bruxelles.

L’ordonnance du président du tribunal

Par ordonnance du 1er juillet 2014, il est fait droit à la demande de l’intéressé, la société se voyant ordonner de le réintégrer dans une fonction de niveau équivalent à ses compétences, à son niveau de performance, à son ancienneté, au poste qu’il occupait avant son expatriation, ainsi qu’à son souhait de carrière et aux postes alors disponibles. L’effet de l’ordonnance est limité, celle-ci précisant que l’injonction est valable jusqu’à ce que les parties aient trouvé un accord sur les conditions de travail ou jusqu’à ce que le contrat de travail ait pris fin.

La société interjette appel de la décision.

La position de la cour du travail

La cour procède en premier lieu à un rappel complet des conditions du référé social, particulièrement dans les hypothèses d’intervention du juge dans les relations de travail en cours.

Après avoir repris les conditions de l’urgence, et particulièrement le pouvoir d’appréciation souverain du président du tribunal sur celle-ci, la cour rappelle un arrêt de la Cour du travail de Liège du 30 mars 2009 (C. trav. Liège, 30 mars 2009, R.G. 47/09) sur la justification du recours au référé dès que les conditions de travail apparaissent dégradées et qu’elles créent pour chacune d’elles des inconvénients sérieux auxquels il faut tenter d’apporter une solution par des mesures provisoires. Il s’agit d’aménager une situation d’attente ou de sanctionner la méconnaissance d’un droit évident ou non sérieusement contesté. Ceci inclut la voie de fait.

Dans les relations de travail, la cour rappelle que le juge des référés peut ainsi intervenir aux fins de faire respecter une obligation légale ou contractuelle. C’est la doctrine de Madame VANNES (V. VANNES, « Le juge des référés et le respect des droit évidents des travailleurs », J.T.T., 1999, p. 265 et suivantes).

Ceci permet, dans le cadre des référés, d’ordonner à l’employeur de suspendre provisoirement des modifications contractuelles (la cour renvoyant à diverses décisions en ce sens) et autorise dès lors l’intervention du juge des référés pour assurer la préservation et la sauvegarde des droits menacés des travailleurs, ainsi que pour réprimer des voies de fait.

La cour va dès lors examiner, en l’espèce, si les conditions du référé sont réunies.

La question est de déterminer si l’employeur a l’obligation de mettre fin au détachement du travailler à une date déterminée, le débat portant sur la notion de « travail convenu ». La cour va, assez rapidement, considérer qu’elle ne peut suivre le premier juge en ce qui concerne l’existence d’une voie de fait, celle-ci supposant une atteinte portée par un acte matériel ou un comportement violent ou intempestif à un droit subjectif évident et incontestable. Elle reprend les éléments du dossier et conclut assez rapidement que la prétention de l’employé ne s’appuie pas sur des droits suffisamment évidents pour ordonner une suspension provisoire de la décision prise.

Quant à l’existence d’un préjudice grave ou d’inconvénients sérieux, la cour souligne que des démarches auraient, contractuellement, dû être entreprises en vue d’une réintégration éventuelle, et ce dans les 12 mois avant l’échéance, ce qui n’a pas été fait.

Enfin, la cour ne constate pas une modification unilatérale des conditions de travail et réforme, dès lors, l’ordonnance du président du tribunal.

Intérêt de la décision

Cet arrêt rappelle, avec de nombreuses décisions récentes, que l’intervention du juge des référés est actuellement autorisée dans les relations de travail, dans la mesure où les conditions classiques du référé sont remplies. Dans plusieurs décisions judiciaires, il a ainsi été ordonné à l’employeur de suspendre les effets d’une décision modifiant le secteur géographique d’un représentant de commerce (C. trav. Bruxelles, 6 septembre 2012, R.G. 2012/CB/9 ; C. trav. Bruxelles, 9 mars 2012, R.G. 2012/CB/2). Il a également été admis, dans le cadre de l’examen sommaire et superficiel des droits invoqués que devait être suspendue une décision par laquelle une société exploitant un hôtel avait imposé à une gouvernante, sans son accord, de passer au service (dont au payroll) d’un autre hôtel, ce que la cour avait constaté être l’obligation pour la travailleuse de changer d’employeur (C. trav. Bruxelles, 28 juin 2012, R.G. 2012/CB/5).


Accueil du site  |  Contact  |  © 2007-2010 Terra Laboris asbl  |  Webdesign : michelthome.com | isi.be