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Critiques formulées par un supérieur et événement soudain : la Cour de cassation confirme l’arrêt de la Cour du travail de Mons

Commentaire de Cass., 12 janvier 2009, n° S.08.0104.F

Mis en ligne le vendredi 17 octobre 2014


Cour de cassation, 12 janvier 2009, n° S.08.0104.F

TERRA LABORIS ASBL

Dans un arrêt du 12 janvier 2009, la Cour de cassation a rejeté le pourvoir introduit par Monsieur V. à l’encontre d’un arrêt, commenté, de la Cour du travail de Mons qui avait estimé non établi un événement soudain constitué par le caractère inattendu et critique du contenu d’une réunion d’évaluation

Les faits

Monsieur V., occupé par une administration publique fédérale, s’estimait victime d’un accident du travail survenu au cours d’une réunion d’évaluation s’étant déroulée le 13 avril 2004. Il invoquait qu’au lieu d’être un entretien constructif, ses supérieurs auraient critiqué d’une manière injustifiée son travail des années antérieures. Il faisait valoir un état anxio-dépressif attribué à « l’accident du travail » du 13 avril.

L’accident fut refusé par son employeur. Il introduisit une procédure judiciaire à l’encontre de cette décision. Le Tribunal le débouta de sa demande, estimant qu’il n’y avait pas d’événement soudain.

L’intéressé interjeta appel du jugement devant la cour du travail de Mons.

Par arrêt du 26 mars 2008, la cour du travail déclare l’appel non fondé. La cour du travail, après un rappel des principes, s’attache à circonscrire l’élément particulier épinglé par la victime au titre d’événement soudain. Elle retient que Monsieur V. épingle la critique acerbe et inattendue émanant de ses supérieurs et que, dans le cadre de la procédure, il a encore précisé que l’événement soudain réside non dans le ton employé mais dans le contenu de l’entretien, qui l’aurait pris par surprise.

Elle vérifie ensuite si l’intéressé établit les circonstances évoquées. Constatant que le seul élément de preuve à retenir est l’enregistrement de l’entretien, elle constate, après audition dans le cadre du délibéré, que les points abordés lors de la réunion sont bien ceux annoncés par la convocation reçue avant l’entretien. Elle estime que le caractère inattendu du contenu de la réunion n’est pas établi. Sur le caractère critique et acerbe, la cour estime que les remarques faites peuvent être qualifiées de constructives et ne note aucun élément qui prouverait que la conversation est sortie du cadre normal et habituel d’un entretien d’évaluation.

Les moyens du pourvoi

Le pourvoi s’articule autour de trois moyens.

Sur le premier moyen, l’intéressé reproche à la cour du travail d’avoir exigé que l’événement soudain soit inattendu et qu’il présente un caractère anormal. Il lui reproche également d’avoir méconnu la notion d’événement soudain en retenant à ce titre non l’impact du contenu de la réunion sur son organisme mais le contenu lui-même. Par ailleurs, il allègue que, dès lors que l’existence de critiques émises au cours de la réunion était établie, la cour n’avait pas à exiger d’autres circonstances pour reconnaître l’événement soudain.

Le deuxième moyen reproche à l’arrêt d’avoir écarté, comme élément de preuve de l’accident, l’appréciation faite par le Medex, résultant d’une mention sur une autorisation de séjour à l’étranger.

Enfin, le troisième moyen fait grief à l’arrêt de à la cour de ne pas avoir procédé à l’audition de l’enregistrement en audience publique, en présence des parties, privant celles-ci de la possibilité de faire valoir leurs arguments sur l’élément de preuve.

La décision de la Cour de cassation

La Cour de cassation rejette les trois moyens.

Sur la qualification des faits, elle estime que l’intéressé fait une mauvaise lecture de l’arrêt, la cour du travail n’ayant pas exigé que l’événement soudain soit inattendu ou anormal. Elle relève que l’arrêt décide que les circonstances invoquées par Monsieur V. comme constituant l’événement soudain ne sont pas établies. Ce faisant, elle ne limite pas l’événement au contenu de la réunion.

Pour la Cour de cassation, le fait qu’il y ait eu des critiques n’imposait pas à la cour de retenir un événement soudain.

La Cour de cassation considère par ailleurs (2e moyen) que la cour du travail n’a pas refusé de prendre en considération l’élément de preuve tiré du formulaire complété par le Medex en considérant que cet élément ne prouvait pas l’événement soudain.

Enfin, la Cour de cassation retient que, dès lors que l’intéressé a pu faire valoir ses arguments sur l’enregistrement qu’il a déposé, il n’y a pas violation des droits de la défense.

Intérêt de la décision

Rappelons que la demande de l’intéressé avait été rejetée parce que la cour du travail de Mons a estimé qu’il n’établissait les circonstances particulières évoquées. Ainsi, ce n’était pas la réunion ou les critiques émises au cours de celle-ci qui constituaient, selon l’arrêt, l’événement soudain épinglé par la victime mais l’effet de surprise (caractère inattendu des critiques) ainsi que le ton acerbe de la discussion.

En conditionnant la reconnaissance de l’événement soudain à la preuve de ces circonstances, la Cour du travail, comme le confirme la Cour de cassation, n’a pas exigé que l’événement en lui-même soit inattendu ou anormal. De même, la preuve des critiques dans le cadre de la réunion ne suffisait pas, dès lors que l’événement soudain n’était pas en tant que tel constitué de cette circonstance.

Il faut donc retenir que, lorsque l’événement soudain épinglé consiste en des circonstances professionnelles stressantes, il importe que les circonstances épinglées soient effectivement établies.


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