Terralaboris asbl

Des bons de réduction promotionnels font-ils partie de la rémunération en cours pour le calcul d’une indemnité compensatoire de préavis ?

Commentaire de Cass., 24 février 2014, n° S.11.0078.N

Mis en ligne le jeudi 25 septembre 2014


Cour de cassation, 24 février 2014, n° S.11.0078.N

TERRA LABORIS ASBL

Dans un arrêt du 24 février 2014, la Cour de cassation rejette un pourvoi contre un arrêt de la Cour du travail de Gand du 16 avril 2010, qui avait conclu que des bons de réduction promotionnels ne constituent pas nécessairement de la rémunération à prendre en compte pour la détermination du délai de préavis.

Les faits

Une société du secteur de la distribution remet à son personnel des bons de réduction promotionnels valables lors de certains achats de marchandises. Ces bons permettent d’obtenir des avantages, étant des remises sur le prix d’achat.

Un employé, licencié, demande que ces bons de réduction soient considérés comme de la rémunération à prendre en compte pour le calcul de l’indemnité compensatoire de préavis qui lui est due, suite à son licenciement.

Sa position est rejetée par la Cour du travail de Gand, qui conteste qu’il s’agisse de rémunération au sens des articles 82, § 2 et 39, § 1er (ancien) de la loi du 3 juillet 1978 relative aux contrats de travail.

L’intéressé introduit un pourvoi devant la Cour de cassation.

Décision de la Cour de cassation

La Cour rappelle les principes en la matière, étant ceux fixés aux articles 39, § 1er et 82, § 2 de la loi du 3 juillet 1978. En vertu de ces dispositions, la rémunération annuelle du travailleur à prendre en considération lors de la détermination du délai de préavis comprend non seulement la rémunération en cours mais aussi les avantages acquis en vertu du contrat de travail.

La Cour de cassation définit ces avantages comme étant les avantages spéciaux auxquels le travailleur a droit en sus de la rémunération en cours en contrepartie des prestations de travail fournies.

Tout en constatant que les bons de réduction de réduction promotionnels remis par l’employeur aux travailleurs le sont en contrepartie des prestations de travail fournies, la Cour constate que ceux-ci ne sont valables que sous certaines conditions. Si, lors d’éventuels achats de marchandises, le travailleur peut bénéficier d’un avantage, il faut cependant examiner concrètement dans quelle mesure lesdits bons présentent un caractère rémunératoire.

La Cour va conclure, à partir des constatations de fait de la cour du travail que le caractère rémunératoire n’était pas acquis en l’espèce. Si ces bons sont effectivement remis en contrepartie du travail fourni, ils n’étaient valables qu’à l’occasion d’éventuels achats de marchandises, et ce sous certaines conditions. Pour la Cour de cassation, ils offraient ainsi tout au plus une chance de bénéficier d’un avantage.

La Cour se fonde ainsi sur les circonstances que (i) un maximum de 410 bons de réduction d’un euro chacun étaient remis aux travailleurs, ce montant dépendant des prestations de travail hebdomadaires, (ii) des conditions spécifiques étaient exigées (engagement définitif et prestation de trois mois pendant la période de référence, soit les douze mois précédant la remise des bons), (iii) une réduction d’un euro par tranche d’achat de cinq euros était ainsi accordée à l’occasion d’achats effectués dans les magasins de l’employeur, (iv) ces bons étaient soumis à des conditions de validité ainsi et surtout qu’à une condition d’achat.

La Cour constate ainsi que la réduction ne pouvait intervenir qu’en cas de contrat d’achat conclu plus tard, soit indépendamment du contrat de travail, l’usage des bons de réduction n’étant par ailleurs pas obligatoire et l’avantage n’étant réalisé que lors des achats effectués par le membre du personnel.

De l’ensemble de ces éléments, la Cour constate qu’ils n’entrent pas dans la rémunération à prendre en considération pour la fixation du délai de préavis, et ce à concurrence de leur valeur totale, comme le soutenait la partie demanderesse en cassation.

Intérêt de la décision

Cet arrêt de la Cour de cassation pose le principe de l’appréciation circonstanciée qu’il y a lieu de faire en cas d’avantages promotionnels, de réductions sur des achats, etc. offerts par l’employeur en contrepartie de l’exécution du contrat de travail.

La Cour de cassation considère dans cet arrêt qu’il y a lieu d’apprécier en fait la mesure dans laquelle la chance de bénéficier d’un avantage représente concrètement de la rémunération. Cette appréciation en fait, dont les principaux critères sont repris dans l’arrêt de la Cour lui-même, pourraient, dans d’autres circonstances que celles dégagées ci-dessus, cependant aboutir à la prise en compte de tels avantages pour la détermination du délai de préavis ainsi que pour le calcul de l’indemnité correspondante.

Cet aspect du problème n’étant pas visé dans l’arrêt commenté, il faut cependant relever que l’usage qui a été fait concrètement par le travailleur des avantages dont il pouvait contractuellement bénéficier est, quant à lui de nature à infléchir l’appréciation du tribunal. Ainsi, en cas de réduction sur des billets d’avion, etc.

Relevons toutefois sur cette question que, dans le cas de travailleurs expatriés, par exemple, l’octroi de billets d’avion gratuits est généralement considéré comme lié à l’occupation à l’étranger et qu’ils constituent une prise en charge par l’employeur de frais supplémentaires inhérents à la fonction (voir notamment sur la question C. trav. Bruxelles, 31 mars 2009, R.G. n° 50.723). Par contre, en cas d’économie d’une dépense réellement réalisée, le caractère rémunératoire droit être retenu, comme pour les autres avantages contractuels de toute nature.


Accueil du site  |  Contact  |  © 2007-2010 Terra Laboris asbl  |  Webdesign : michelthome.com | isi.be