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L’absence d’une convocation régulière pour l’audition du chômeur avant son exclusion du bénéfice des allocations de chômage n’a pas pour conséquence que le juge qui, après avoir annulé la décision administrative, statue sur les droits du chômeur, pourrait écarter des débats toutes les pièces du dossier administratif constitué préalablement à la convocation irrégulière

Commentaire de Cass., 9 mai 2011, n° : S.10.0078.F

Mis en ligne le mercredi 24 septembre 2014


Cour de cassation, 9 mai 2011, n° S.10.0078.F

Terra Laboris ASBL

Les faits de la cause

La dame D.O. bénéficie d’allocations d’attente au taux chef de ménage depuis le 7 janvier 1989, ayant déclaré et confirmé à plusieurs reprises vivre seule avec un puis deux enfants qu’elle a eu avec le sieur K.

Le 14 avril 1995, à la suite d’une enquête du service contrôle, l’O.N.Em, considérant que la chômeuse cohabite avec le sieur K, lui refuse la qualité de chef de ménage à partir de la date à laquelle elle lui a été accordée, limite la récupération aux sommes perçues après le 1er avril 1990 et l’exclut pour une période de vingt-six semaines pour déclaration inexacte.

Mme D.O. n’a pas été entendue avant cette décision, la convocation pour audition lui ayant été envoyée à une adresse erronée.

Mme D.O. soumet la contestation aux juridictions du travail. Le tribunal du travail de Charleroi, par jugement du 22 juin 2001, dit son recours recevable mais non fondé.

Sur l’appel de la dame D.O., la cour du travail, par un arrêt du 22 avril 2010 (J.T.T., 2010, p. 311) annule la décision administrative litigieuse en son intégralité pour violation des droits de la défense. Déterminant les droits de celle-ci aux allocations de chômage, la cour du travail décide qu’elle n’avait pas la qualité de chef de ménage du 7 janvier 1989 au 2 décembre 1991 mais que la récupération est prescrite.

La question de l’irrégularité de la convocation ne parait pas avoir fait l’objet de débats.

Il appartenait dès lors à la cour du travail de statuer sur les conséquences de l’annulation de la décision administrative, pour violation des droits de la défense et de l’article 144, § 1er, alinéa 1er, de l’arrêté royal du 25 novembre 1991.

La cour du travail retient qu’en l’absence d’une volonté explicite de circonscrire la contestation à l’annulation, il lui appartient de statuer sur les droits subjectifs de la dame D.O. en examinant l’ensemble des conditions d’octroi.

Toutefois elle ne peut, dans le cadre de cet examen, avoir égard au dossier administratif qui « se trouve en quelque sorte « vidé » par l’effet de (la) nullité complète », aucun élément de cette procédure n’étant contradictoire ce qui eut permis de remédier à la vacuité de celle-ci.

La cour du travail se fonde dès lors sur les différents formulaires complétés par l’intéressée et sur l’information diligentée par l’auditorat.

Sur la base de ces éléments elle décide que l’O.N.Em. ne fait la preuve de la cohabitation de l’intéressée avec le sieur K que pour la période du 7 janvier 1989 au 2 décembre 1991. Après cette date, les parties ont déclaré dans une requête introduite devant le tribunal de la jeunesse qu’elles étaient séparées. Elles ont quitté l’immeuble faisant l’objet d’un bail commun. Le sieur K est domicilié chez ses parents et y revient tous les jours. La seule circonstance que le père des enfants loge de manière occasionnelle à la nouvelle adresse de la dame D.O. ne suffit pas à établir la cohabitation.

La cour du travail s’interroge alors sur la prescription. L’O.N.Em. a appliqué la prescription de cinq ans. Cet organisme ne fait pas la preuve de manœuvre frauduleuse ou de dol, la fraude ne pouvant se déduire du seul fait que la déclaration est inexacte ou incomplète, ce qui peut s’expliquer par une négligence ou une mauvaise compréhension des formulaires. La prescription triennale est dès lors appliquée.

Quant à la sanction administrative de vingt-six semaines, elle est annulée, le juge étant sans pouvoir pour substituer sa propre appréciation à celle du fonctionnaire.

La procédure devant la Cour de cassation

Le pourvoi de l’O.N.Em. est dirigé contre la décision de la cour du travail qu’elle ne peut avoir égard à l’enquête administrative pour statuer sur les droits de la dame D.O. La première branche du moyen, prise notamment de la violation de l’article 144, § 1er, alinéa 1er, de l’arrêté royal du 25 novembre 1991, soutient en substance que seuls les actes accomplis après que le travailleur aurait dû être entendu sont affectés par la violation du droit d’être entendu.

La Cour accueille cette première branche : « l’absence d’audition préalable entraîne la nullité de la décision administrative, sans que cette nullité s’étende aux pièces du dossier administratif constitué préalablement par l’O.N.Em. ». En écartant des débats les pièces de la procédure administrative, dont la production n’était critiquée qu’au regard du défaut d’audition et de la violation des droits de la défense, l’arrêt attaqué viole l’article 144, § 1er, alinéa 1er, 1°, de l’arrêté royal du 25 novembre 1991.

Intérêt de la décision

La Cour de cassation se prononce clairement sur les effets de l’annulation pour absence d’audition du chômeur quant à la validité du dossier administratif constitué préalablement à la convocation irrégulière pour audition.

L’arrêt de la cour du travail de Mons contient pour le surplus de nombreuses considérations importantes notamment sur la saisine du juge, la notion de cohabitation, la notion de fraude.

Références

Cour de cassation : N° Justel F-20110509-1 – R.G. n° S.10.0078.F

Cour du travail de Mons : J.T.T., 2010, p. 311


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