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Droit aux allocations de chômage et production de faux documents : un cas d’application de la jurisprudence récente de la Cour de cassation

Commentaire de C. trav. Bruxelles, 9 juillet 2014, R.G. n° 2012/AB/972

Mis en ligne le mardi 2 septembre 2014


Cour du travail de Bruxelles, 9 juillet 2014, R.G. n° 2012/AB/972

TERRA LABORIS ASBL

Dans un arrêt du 9 juillet 2014, la Cour du travail de Bruxelles a rappelé la jurisprudence de la Cour de cassation du 19 novembre 2012, rendue dans le cadre de la sanction fixée à l’article 155, alinéa 1er, 1° de l’arrêté royal du 25 novembre 1991, étant qu’elle ne peut s’appliquer que si le chômeur a utilisé des documents inexacts aux fins d’obtenir des allocations auxquelles il n’avait pas droit. Dès lors que ce droit était ouvert autrement, la sanction n’a pas lieu d’être.

Les faits

Un bénéficiaire d’allocations de chômage produit un formulaire C4 relatif à une occupation pendant une période d’environ deux mois au service d’une Sprl. Il avait, précédemment, bénéficié des allocations de chômage, situation interrompue plus de deux ans auparavant.

Il est convoqué par l’ONEm, dans le cadre d’une enquête, sur son activité pour la société en cause. L’Office considère que lesdites prestations étaient en effet fictives. Les journées de travail sont rejetées. La convocation n’étant pas retirée, l’ONEm prend une décision d’exclusion en application de l’article 155 de l’arrêté royal du 25 novembre 1991 et décide de transmettre le dossier à l’auditorat du travail, au motif de l’inexactitude du document C4 produit. L’ONEm a en effet dégagé un ensemble de faits et circonstances à partir desquels il a conclu que la société avait été sans activité ou à tout le moins sans activité compatible avec l’occupation de personnel. Il s’agit de l’absence de comptes financiers à la BCE, d’absence de déclaration d’impôts, de paiements à l’ONSS, etc.

Il a conclu, sur la sanction administrative, que celle-ci pouvait être fixée à 26 semaines, eu égard au fait que l’intéressé savait, au moment où il a introduit son certificat de travail, que les informations y reprises étaient inexactes.

Un recours est introduit contre cette décision et, par jugement du 4 septembre 2012, le tribunal du travail y fait droit. L’ONEm interjette dès lors appel, s’agissant d’appliquer l’article 155, alinéa 1er, 1°, de l’arrêté royal (dans sa version en vigueur jusqu’au 1er octobre 2006).

Décision de la cour

La cour reprend la disposition réglementaire en cause, étant que peut être exclu du bénéfice des allocations pendant 1 à 26 semaines le chômeur qui fait usage de documents inexacts aux fins de se faire octroyer de mauvaise foi des allocations auxquelles il n’a pas droit.

La cour du travail renvoie, pour l’interprétation de cette disposition, à un arrêt de la Cour de cassation du 19 novembre 2012 (Cass., 19 novembre 2012, RG n° S.11.0104.F), où la Cour suprême a jugé, dans le cadre du contrôle de la recherche active d’emploi, que le chômeur qui produit de fausses attestations dans le cadre d’un entretien suite auquel il ne peut pas être privé des allocations, ne fait pas usage de documents inexacts au sens de ladite disposition.

La cour renvoie également à l’article 42 de l’arrêté royal du 25 novembre 1991, sur la dispense de stage, à savoir que, si un travailleur redemande les allocations de chômage, il peut être dispensé de stage et être réadmis dans le régime dont il bénéficiait auparavant s’il a perçu des allocations pour un jour au moins au cours des trois ans qui précèdent la nouvelle demande. En outre, cette période de trois ans est prolongée, en vertu du § 2 de la même disposition, dans diverses hypothèses, dont pendant une détention préventive ou une période de privation de liberté ou encore s’il y a impossibilité de travailler par suite de force majeure.

La cour ayant, lors d’une audience précédente, demandé à l’ONEm de vérifier s’il peut être fait application de cette disposition, l’Office, qui a réexaminé le dossier à la lumière de l’article 42 relatif à la dispense de stage, admet, en fin de compte, que les conditions d’admissibilité sont remplies – et ce sans même faire application du § 2 relatif à la prolongation de la période de trois ans visée à l’article 42, § 1er (l’intéressé ayant en l’occurrence fait un séjour en prison).

Dès lors, celui-ci étant automatiquement admissible, l’examen du caractère fictif ou non du document C4 ne s’impose pas.

Considérant que de toute manière et indépendamment de celui-ci, l’intéressé pouvait prétendre aux allocations, la cour conclut qu’il ne peut lui être reproché d’avoir fait usage d’un document inexact aux fins de se faire octroyer de mauvaise foi des allocations auxquelles il n’avait pas droit, termes de l’article 155, alinéa 1er, 1°.

Enfin, renvoyant à l’arrêt de la Cour de cassation du 19 novembre 2012 ci-dessus, la cour rejette un argument de l’ONEm tendant à faire admettre l’intention. Pour la cour, la Cour de cassation a précisément rejeté dans l’arrêt ci-dessus qu’une telle intention puisse suffire.

Intérêt de la décision

L’article 155, alinéa 1er, 1° de l’arrêté royal du 25 novembre 1991 contient une sanction – lourde, puisqu’elle peut aller jusqu’à 26 semaines – dès lors qu’il est fait usage de documents inexacts aux fins de se faire octroyer de mauvaise foi des allocations auxquelles le chômeur n’a pas droit.

Dans l’arrêt ci-dessus, la Cour de cassation a fait application du dernier membre de phrase de cette disposition, étant qu’elle ne peut trouver à s’appliquer que si le chômeur a, du fait de la production desdits documents, bénéficié de mauvaise foi (par le fait de cette production) d’allocations auxquelles il n’avait pas droit. La décision rendue l’était dans le cadre du contrôle de la recherche active d’emploi et concernait le premier entretien d’évaluation. La Cour, ayant constaté que le chômeur ne pouvait être privé d’allocations à l’issue de celui-ci, la production de faux documents (en l’occurrence des attestations relatives à une prétendue recherche) était sans incidence et l’article 155 ne trouvait pas à s’appliquer.

La même conclusion est tirée ici par la cour du travail, puisque sur la base de l’article 42 (42, § 1er en l’occurrence), le travailleur était admissible aux allocations.

Relevons que, actuellement, la sanction est encore plus lourde, puisque l’exclusion peut aller de 27 semaines au moins à 52 semaines au plus et que, en cas de récidive, il y a perte du droit aux allocations. L’exclusion ne prend fin que lorsque le chômeur satisfait à nouveau aux conditions d’admissibilité requises.


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