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Statut du personnel des institutions de l’enseignement libre subventionné et réglementation applicable

Commentaire de C. trav. Bruxelles, 6 mai 2014, R.G. 2012/AB/284

Mis en ligne le mardi 26 août 2014


Cour du travail de Bruxelles, 6 mai 2014, R.G. 2012/AB/284

TERRA LABORIS ASBL

Dans un arrêt du 6 mai 2014, la Cour du travail de Bruxelles a examiné la réglementation applicable à un membre du personnel d’un établissement de l’enseignement libre subventionné, rappelant les obligations imposées au P.O. par le décret du 1er février 1993 fixant le statut des membres du personnel subsidiés de ce type d’établissement.

Les faits

Une institution de l’enseignement secondaire libre subventionné a à son service un gérant pour son centre de documentation, et ce depuis 1978. Les fonctions de celui-ci sont décrites dans un document qui lui a été remis lors de son entrée en fonction et celle-ci est exercée conformément à cette description. Il s’agit d’un emploi à temps plein exercé dans le cadre d’un contrat de travail. Parallèlement, un contrat d’engagement est bientôt signé pour une carrière ordinaire (fonction de surveillant éducateur), mais, dans les faits, seule la fonction de gérant du centre de documentation est exercée. En 2008, l’employeur lui notifie, pour l’année académique 2008-2009, une répartition de ses fonctions, lui demandant d’exercer partiellement celle de surveillant éducateur. Les parties ayant précédemment obtenu que le poste de l’intéressé soit subventionné par la Communauté française à raison d’un mi-temps (et ce pour des fonctions de surveillant éducateur – non exercées dans les faits) et que la différence de traitement soit prise en charge par l’établissement, la Communauté française prend position suite à une incapacité de travail survenue, incapacité de longue durée. Elle informe ainsi l’intéressé qu’il sera mis à la pension d’office au 1er septembre 2009, celui-ci ayant épuisé la totalité de ses jours de maladie et étant mis de plein droit en disponibilité. Celle-ci ne pouvant se poursuivre après l’âge de 60 ans, vu l’ancienneté de service de 30 ans, la décision de la Communauté française intervient en application de la réglementation.

L’intéressé manifeste cependant son intention de reprendre le travail, et ce à la date où intervient la mise à la pension d’office pour les fonctions subventionnées. L’institution s’y oppose, précisément eu égard à la décision de la Communauté française.

Une procédure ayant entre-temps été introduite devant le Tribunal du travail de Nivelles, dans laquelle l’intéressé demandait qu’interdiction soit faite à l’institution de modifier ses fonctions unilatéralement et que injonction soit donnée de maintenir les conditions de travail et de rémunération antérieures, la demande est modifiée vu la mise à la pension d’office

L’intéressé demande alors la résolution judiciaire du contrat aux torts de l’institution et l’indemnisation du préjudice subi, préjudice fixé à près de 200.000 €.

Par jugement du 5 juillet 2011, le Tribunal du travail de Nivelles le déboute de sa demande.

Il interjette appel.

La décision de la cour

La cour examine successivement la nature de la relation contractuelle entre les parties, la modification des conditions de travail intervenue, la demande de résolution judiciaire, ainsi qu’un autre chef de demande relatif à des dommages et intérêts.

En ce qui concerne les relations contractuelles, la cour souligne, sur le plan des principes, que, pour les membres du personnel non subsidiés, la relation contractuelle entre parties est un contrat de travail régi par la loi du 3 juillet 1978 relative aux contrats de travail. Pour ceux dont l’emploi est subsidié, il y a contrat de travail sui generis, régi, en ce qui concerne la Communauté française, par le décret du 1er février 1993, l’engagement pouvant être temporaire ou définitif.

Par ailleurs, indépendamment des relations entre parties, la Communauté française paye une subvention pour l’emploi des membres du personnel subsidiés, subvention qui est versée directement aux membres du personnel en exécution du Pacte scolaire.

La cour conclut, en l’espèce, qu’il y a eu maintien du contrat de travail, et ce malgré les conventions signées entre parties relatives au subventionnement de l’emploi.

En ce qui concerne les modifications des conditions convenues, la cour rappelle que le décret du 1er février 1993 fixant le statut des membres du personnel subsidiés de l’enseignement libre subventionné impose au pouvoir organisateur de faire travailler ces membres du personnel dans les conditions, au temps et au lieu convenus (article 9, 1°). Il s’agit d’une application de l’article 1134 du Code civil, seul un accord commun des parties permettant de modifier les conditions convenues. La cour renvoie à un arrêt de la Cour de cassation du 13 octobre 1997 (Cass., 13 octobre 1997, n° C.95.0145.F) pour rappeler le principe selon lequel le pouvoir organisateur d’un établissement de l’enseignement libre subventionné ne peut modifier unilatéralement les conditions de travail convenues. Or, c’est à une telle modification que l’institution a procédé, ayant prévu qu’à raison de 16 heures par semaine, il devrait dorénavant exercer la fonction d’éducateur de référence pour certains élèves. Il est constaté en fait que ses fonctions étaient tout à fait étrangères à la fonction convenue.

La cour constate qu’il y a dès lors une faute dans le chef de l’employeur.

Elle ne prononce cependant pas la résolution du contrat à ses torts, les conditions n’en étant pas réunies. S’il y a eu une faute, la cour constate que l’institution a manifestement agi dans l’intérêt de l’établissement et non par caprice et dans le but de nuire à l’intéressé. Elle n’est pas non plus de mauvaise foi et a tâché, dans le cadre de contraintes admises, de diminuer l’impact de la modification sur les fonctions nouvelles. Il n’y a dès lors pas, pour la cour, une gravité suffisante permettant la résolution judiciaire du contrat. Elle alloue, cependant, des dommages et intérêts pour préjudice moral (10.000 €).

Intérêt de la décision

Cet arrêt de la Cour du travail de Bruxelles rappelle, pour le personnel des établissements de l’enseignement libre subventionné, en l’occurrence par la Communauté française (actuellement Fédération Wallonie-Bruxelles), qu’en l’absence de subvention-traitement, il y a contrat de travail au sens de la loi du 3 juillet 1978. Le contrat est cependant sui generis, c’est-à-dire régi par le décret du 1er février 1993 dès lors que l’emploi est subsidié.

L’arrêt rappelle également l’obligation pour le pouvoir organisateur, en vertu du décret, de faire travailler le membre du personnel dans les conditions, au temps et au lieu convenus, application du principe de droit civil selon lequel les conventions légalement formées font la loi des parties.


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