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Contrat de formation-insertion en entreprise : obligation d’engagement à l’issue du contrat et sanction

Commentaire de C. trav. Bruxelles, 4 mars 2014, R.G. n° 2011/AB/1.178

Mis en ligne le lundi 7 juillet 2014


Cour du travail de Bruxelles, 4 mars 2014, R.G. n° 2011/AB/1.178

Terra Laboris asbl

Dans un arrêt du 4 mars 2014, la Cour du travail de Bruxelles rappelle la nature de la relation de travail dans le cadre d’un contrat de formation-insertion en entreprise ainsi que la sanction du non respect de l’obligation d’engager le travailleur dans le cadre d’un contrat de travail immédiatement à la fin du stage.

Les faits

Un contrat de formation-insertion en entreprise est conclu entre une société, une travailleuse et le FOREm. Ce contrat a une durée de 17 semaines et à l’issue de cette période il est prolongé pendant 2 mois. Il est alors résilié sans indemnité, deux jours avant la fin.

Une procédure est introduite devant le Tribunal du travail de Nivelles, en paiement de dommages et intérêts vu le non respect de l’obligation d’engagement. Le tribunal fait droit à la demande.

La société étant tombée en faillite, le curateur interjette appel, en vue d’obtenir la réformation du jugement.

La partie intimée maintient sa demande mais la requalifie. Elle avait initialement demandé des dommages et intérêts et sollicite actuellement une indemnité de rupture.

Décision de la cour du travail

La cour rappelle les particularités du contrat de formation-insertion régi par le décret du gouvernement wallon du 18 juillet 1997 et son arrêté d’exécution du 11 décembre 1997 (applicable à l’époque des faits et dont la cour rappelle qu’il a été remplacé à partir du 1er janvier 2008 par un arrêté du 14 novembre 2007).

La cour rappelle qu’il ne s’agit pas d’un contrat de travail, l’objet principal n’étant pas la fourniture de prestations de travail contre rémunération mais la formation.

Il en découle que la loi du 3 juillet 1978 ne peut trouver application aux relations nouées dans le cadre d’un tel contrat. Cependant, la réglementation ci-dessus fixe les conditions dans lesquelles le contrat peut prendre fin. La rupture avant terme peut ainsi « notamment » intervenir à l’initiative du FOREm ou en cas de cessation d’activités de l’employeur. La cour interprète la disposition comme signifiant que l’employeur ne peut pas rompre avant terme sans l’intervention du FOREm puisqu’il est prévu que dans tous les cas autres que l’échéance du terme et la cessation (ou la cession) de l’entreprise, une telle décision est requise pour que la rupture soit régulière.

Par ailleurs, la cour constate que l’employeur a l’obligation de conclure un contrat de travail avec le stagiaire immédiatement après la fin du contrat et il doit également le garder à son service pendant une durée égale à celle de la formation. Aucune sanction en cas de manquement n’est prévue (que ce soit à l’interdiction de rompre le contrat avant terme sans décision du FOREm ou qu’il n’y ait pas eu d’engagement dans le cadre d’un contrat de travail à l’issue du stage).

Aussi la cour renvoie-t-elle à un arrêt rendu par la même juridiction le 27 février 2007 (C. trav. Bruxelles, 27 février 2007, J.T.T., p. 439), qui a admis que les règles de la responsabilité civile doivent ici trouver à s’appliquer. Quant à l’étendue de l’indemnisation, elle couvre à la fois la prime d’encouragement et les rémunérations que le travailleur aurait perçues si l’employeur avait respecté ses obligations. Il y a cependant lieu de déduire de celles-ci les revenus perçus pour la même période.

La cour va dès lors appliquer ces principes au cas d’espèce. Elle constate qu’il a été mis un terme au contrat de stage deux jours avant la fin normale de celui-ci. La rupture est dès lors irrégulière, vu l’absence de décision du FOREm. Elle alloue des dommages et intérêts correspondant à la prime d’encouragement pour la fin de la formation et, vu le non respect de l’obligation d’engager la travailleuse pendant une période équivalente, elle évalue le préjudice subi. Il s’agit de l’équivalent de la rémunération qui aurait été perçue, sous déduction des revenus de l’intéressée pendant la période correspondante.

La cour examine, en sus, un élément du préjudice particulier, étant la perte d’une expérience professionnelle supplémentaire valorisable sur le marché de l’emploi. Ce préjudice n’étant pas contesté, la cour considère qu’il peut être fixé à 1500€.

Elle rejette dès lors l’appel, émendant cependant le jugement quant aux sommes retenues, et ce en fonction des éléments ci-dessus.

Intérêt de la décision

Cet arrêt rappelle le mécanisme particulier du contrat de stage de formation-insertion en entreprise.

L’intervention du FOREm est capitale en cas de rupture avant le terme. Les conditions de régularité de la décision du directeur du FOREm sont, par ailleurs, susceptibles d’être soumises au contrôle judiciaire. Ainsi, dans un arrêt du 25 avril 2012, la Cour du travail de Liège a considéré qu’en cas d’irrégularité de la décision de rupture prise par le FOREm, il y a responsabilité de l’administration et que dans cette hypothèse une demande de dommages et intérêts formulée à l’égard de l’entreprise n’est pas fondée (C. trav. Liège, sect. Neufchâteau, 25 avril 2012, R.G. n° 2011/AU/068 disponible sur www.terralaboris.be). De même, dans le cadre du même type de contrat de formation professionnelle en entreprise régi par l’arrêté du gouvernement flamand du 21 décembre 1988, - qui a un statut similaire à celui dont question dans l’arrêt ci-dessus - il y a lieu d’obtenir l’accord de l’Office de formation professionnelle si l’employeur souhaite licencier pour des motifs d’insatisfaction professionnelle (voir en ce sens C. trav. Bruxelles, 21 mai 2012, R.G. n° 2010/AB/255, également disponible sur www.terralaboris.be).


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