Terralaboris asbl

Sur les pouvoirs du juge saisi d’un recours contre une décision mettant fin à la reconnaissance de l’état d’invalidité d’un travailleur indépendant

Commentaire de Cass., 16 décembre 2013, n° S.12.0032.F

Mis en ligne le lundi 7 juillet 2014


Cour de cassation, 16 décembre 2013, n° S.12.0032.F

Terra Laboris asbl

Sur les pouvoirs du juge saisi d’un recours contre une décision mettant fin à la reconnaissance de l’état d’invalidité d’un travailleur indépendant.

Dans un arrêt du 16 décembre, la Cour de cassation rappelle que le juge ne peut – tout comme l’INAMI – considérer qu’il y a fin d’invalidité alors que, du fait de la survenance d’une interruption de plus de trois mois, il devait être question d’incapacité primaire, de la compétence de l’organisme assureur.

Les faits de la cause

Les faits de la cause ne nécessitent pas de grands développements. M.G.C., travailleur indépendant, s’est vu notifier, le 19 septembre 1994, la décision de la Commission supérieure du conseil médical de l’invalidité de mettre fin à la reconnaissance de son incapacité de travail à partir du 26 septembre 1994. Il a contesté cette décision en ne mettant à la cause que l’I.N.A.M.I.

L’expert judiciaire a conclu dans un rapport déposé au greffe le 15 juin 2010 que M.G.C. n’était plus en incapacité de travail à la date du 26 septembre 1994 mais que, vu l’aggravation ultérieure de diverses affections dégénératives, il était, à partir du 1er janvier 2001 et jusqu’au 1er septembre 2006, inapte à toute activité professionnelle.

Entérinant ces conclusions, la cour du travail de Mons a, par un arrêt du 9 décembre 2011, reconnu le travailleur comme étant en état d’incapacité entre le 1er janvier 2001 et le 1er septembre 2006.

L’I.N.A.M.I. s’est pourvu en cassation.

L’arrêt de la Cour de cassation

La Cour casse l’arrêt attaqué. L’arrêt rappelle qu’aux termes de l’article 10, § 3, de l’arrêté royal du 20 juillet 1971 instituant une assurance indemnité et une assurance maternité en faveur des travailleurs indépendants et des conjoints aidants, une interruption dans l’état d’incapacité de travail qui atteint trois mois au moins interrompt le cours de la période d’invalidité. Or, l’arrêt attaqué confirme la décision du Conseil médical de l’invalidité qu’à partir du 26 septembre 1994 le sieur G.C. n’était pas en incapacité de travail et qu’il ne l’a été qu’à partir du 1er janvier 2001. La nouvelle incapacité de travail survenant après le délai de trois mois ouvrait ainsi une nouvelle période d’incapacité primaire au sens de l’article 6, 1°, de l’arrêté royal.

En vertu de l’article 59 de cet arrêté royal, à l’exception du cas prévu à l’article 48, alinéa 2, de la loi du 9 août 1963 instituant et organisant un régime d’assurance obligatoire soins de santé et indemnité, hypothèse non applicable en l’espèce, la décision concernant l’état d’incapacité primaire appartient au seul médecin-conseil de l’organisme assureur du travailleur indépendant, de sorte que l’I.N.A.M.I. n’a pas le droit de reconnaître cet état et d’en fixer la durée.

L’arrêt attaqué viole dès lors les dispositions légales auxquelles l’arrêt de la Cour de cassation se réfère.

Intérêt de la décision

Cet arrêt permet de rappeler que les procédures impliquant une expertise médicale peuvent être longues, que des aggravations de la situation médicale peuvent se produire en cours de procédure et que la prudence commande dès lors de mettre à la cause à la fois l’organisme assureur et l’I.N.A.M.I.

Cet arrêt est précédé des conclusions de l’avocat général Genicot qui rappelle opportunément que le pouvoir du juge saisi d’un recours contre une décision administrative lui permet certes d’apprécier ce que l’administration eût dû faire mais à la condition que cette administration ait elle-même le pouvoir de le faire puisque tout devoir implique un pouvoir.

Ainsi, si le juge peut prendre en compte l’existence de conditions d’application de l’état d’incapacité au-delà de la date d’effet fixée par la décision administrative querellée, sans que ce pouvoir ne soit aucunement subordonné à une décision préalable du médecin-conseil de l’organisme assureur, il statuerait au-delà même des pouvoirs de l’organisme dont il a contrôlé la décision et, partant, au-delà même de sa propre saisine, en reconnaissant un droit que l’organisme mis en cause n’aurait pu concéder


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